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La DLU : une amnistie fiscale "à la belge"

Par Par Eric Boigelot et François Collon

Lundi 17.05.04

"PADDY LEONARD : What am I to do about my rates and taxes ?
BLOOM : Pay them my friend "

James Joyce – Ulysses


La loi du 31 décembre 2003 instaurant une déclaration unique a beaucoup fait parler d’elle... trop même selon certains.

On ne compte plus les points de vue, articles, ouvrages, séminaires, colloques, journées d’études et autres cocktails d’information consacrés au sujet. Le Ministre des Finances se réjouissait en début d’année de cet intérêt prononcé pour une mesure qui, ne l’oublions pas, a d’abord comme finalité de procurer à l’Etat belge de substantielles rentrées d’argent. Avec un peu de recul, il semblerait cependant que cet intérêt soit plus le fait de la complexité de la loi et de son incompréhension par beaucoup de contribuables que d’un réel engouement pour le mécanisme proposé.

DroitBelge.Net, le portail du droit belge ne pouvait demeurer en reste et nous entamons donc un cycle DLU qui aura pour but d’informer le plus clairement et le plus simplement possible les personnes intéressées sur les tenants et les aboutissants de cette amnistie fiscale «à la belge».

Il serait vain de vouloir couvrir toutes les controverses théoriques qui agitent aujourd’hui les professionnels de la fiscalité. Chaque cas est différent et chaque situation engendre forcément des questions sur l’application pratique de la loi.

Nous souhaitons principalement répondre aux questions les plus essentielles, à savoir :

- Qui peut faire une DLU ?
- Que peut-on déclarer ?
- Quels sont les conséquences fiscales d’une DLU ?
- Quels sont les conséquences pénales d’une DLU ?
- Comment procéder à une DLU ?
- Qui a intérêt à procéder à une DLU ?


Soyons clair, notre but n’est pas de conseiller ou de déconseiller une DLU. Chaque contribuable doit, en son âme et conscience et sur base de conseils avisés, apprécier l’opportunité d’y procéder et les risques de ne pas le faire...

Cette première contribution, qui en appellera d’autres, aura principalement pour but de « situer le débat » et de clarifier certains points parfois confus dans l’esprit du public.


Déclaration libératoire unique ?

Les termes « déclaration libératoire unique » (« eenmalige bevrijdende aangifte ») plus pudiques sûrement que « amnisties fiscale et pénale » ne décrivent que maladroitement l’objet de la loi du 31 décembre 2003.

Tout d’abord, la déclaration n’est pas, en tant que telle, libératoire.

En effet, la seule déclaration des «sommes, capitaux ou valeurs mobilières » visée n’a évidemment pas pour effet de régulariser définitivement la situation du contribuable. C’est le paiement de la « pénalité » prévue (6 ou 9%) qui l’est. Mais ceci relève plutôt de la sémantique...

En outre, la déclaration n’est pas nécessairement unique.

Rien ne paraît interdire, en effet, à un contribuable qui aurait procédé à une première déclaration durant l’année 2004 pour une partie de ses capitaux seulement, de remplir d’autres déclarations durant cette même année pour le reste.

A l’évidence, la dénomination « amnisties fiscale et pénale » serait plus apte à décrire les effets de la loi du 31 décembre 2003... Quoique, peut-on encore parler d’ « amnistie » lorsque, pour en bénéficier, on doit payer une somme d’argent ? Oui sur le plan pénal, partiellement sur le plan fiscal à concurrence des sommes supérieures à celles payées qui, en l’absence de la loi et de ses taux, auraient été dues selon le type de revenus éludés.


Mesure opportuniste du gouvernement ?

Certes, le gouvernement belge, en instaurant l’amnistie fiscale, tire parti des circonstances et transige avec les principes.

La DLU constitue évidemment une aubaine budgétaire en période de morosité économique.

Mais la mesure s’inscrit aussi dans un contexte beaucoup plus large qui va bien au-delà de l’équilibre du budget national et des fameux 850 millions d’euros de rentrée fiscale estimés.

L’Europe se construit chaque jour et les directives sur la fiscalité des revenus de l’épargne et le blanchiment des capitaux sont des réalités auxquelles les Belges qui disposent de montants en compte à l’étranger seront, tôt ou tard, confrontés. L’amnistie fiscale les oblige, dès aujourd’hui, à un nécessaire examen de conscience.


L’amnistie fiscale : une nouveauté ?

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 2003, un régime administratif existait pour les contribuables qui déclaraient spontanément mais tardivement leurs revenus. Celui-ci se révélait, sur le strict plan fiscal, beaucoup plus avantageux que la DLU. En effet, l’administration admettait dans ce cas la simple application de l’impôt et l’absence d’accroissement. De nombreux contribuables ont d’ailleurs recouru, durant les derniers mois de l’année 2003, à ce mécanisme afin d’éviter celui de la DLU.

Sur le plan fiscal, le mécanisme instauré par la loi n’est donc ni une nouveauté, ni une mesure exceptionnelle, sauf peut-être en ce qu’il prévoit un anonymat en cas de rapatriement en Belgique des sommes régularisées (nous y reviendrons dans un prochain commentaire).

Avec l’amnistie pénale, la nouvelle loi vient apporter une sécurité supplémentaire aux contribuables par rapport à l’ancien système. Toutefois, il importe de noter que, de l’avis de nombreux experts, les opérations de régularisation antérieures à la DLU ne donnaient presque jamais lieu à l’ouverture d’une enquête pénale. Sur ce plan là, la DLU ne constitue donc qu’une petite nouveauté.


Mesure temporaire ?

A lire le texte de la loi et à entendre les commentaires du Ministre des Finances, beaucoup pensent que l’amnistie fiscale est la « dernière chance » laissée aux contribuables belges d’expier leurs fautes. A partir du 1er janvier 2005, il serait totalement impossible d’encore régulariser sa situation fiscale et tous les fonctionnaires fiscaux du pays n’auraient qu’un seul but : débusquer les « non-dluisés » et leur infliger la lourde sanction qu’ils méritent...(le Ministre annonce des sanctions sous forme d’accroissements d’au moins 100% de l’impôt éludé). Le tableau est impressionnant mais très peu réaliste.

Une telle politique reviendrait, en effet, à « fermer » définitivement les portes de la Belgique aux capitaux qui resteraient à l’étranger après le 31 décembre 2004. Elle créerait la situation absurde qu’un contribuable « distrait » qui souhaiterait régulariser sa situation de façon spontanée ne le pourrait plus et devrait attendre de se faire « démasquer » pour payer ses impôts.

Il ne faut donc pas craindre une suppression des régularisations sur une base volontaire après le 31 décembre 2004. Il est probable néanmoins que des accroissements d’impôt plus élevés (100 % au moins, disions-nous) seront applicables dans ces cas, ce qui, compte tenu de la faiblesse des taux d’intérêts et du précompte mobilier de 15 %, amènera au paiement d’une pénalité souvent inférieure à la cotisation de 9%, voire même à celle de 6% (1).

En toute hypothèse, si la DLU devait se solder par un échec pour le gouvernement, il y a fort à parier que celui-ci ne renoncera pas si vite à se passer du « magot » des contribuables belges qui sommeillerait encore à l’étranger et qu’il proposerait une extension de la mesure comme cela a été le cas en Italie notamment où l’amnistie fiscale fêtera bientôt son troisième anniversaire...


La DLU : une amnistie fiscale « à la belge »

Nous en revenons au titre quelque peu ironique de cet article.

La DLU, c’est avant tout la loi du 31 décembre 2003 et ses arrêtés royaux d’exécution du 9 janvier 2004.

Jusqu’à preuve du contraire, le droit fiscal est d’ordre public et d’application stricte. Le contribuable doit donc s’en tenir au texte et rien qu’au texte. Or, celui de la loi et des arrêtés est pour le moins confus et génère une insécurité juridique que le Ministre souhaitait à tout prix éviter

Il faut le reconnaître, cette situation est bien « belge » et résulte de l’effet combiné d’un gouvernement « violet » soucieux d’un équilibrage politique, par ailleurs pressé d’offrir des preuves de son travail aux électeurs et d’un législateur débordé par ces ardeurs de l’exécutif...

Conscient de cette situation, le Ministre des Finances a jugé utile de compenser ce manque de clarté évident en publiant sur le site du Ministère un FAQ de 26 questions censé aboutir à une « une interprétation uniforme des principales dispositions de cette législation ».

« Wishful thinking »...en tout cas, les informations du Ministre pour peu qu’elles apportent un peu de lumière n’ont aucunement force de loi et ne suppléent pas la loi elle-même.


Prochain sujet : Qui peut faire une DLU ?


Eric Boigelot
François Collon
Avocats
Dal & Veldekens



Notes:

(1) Cet exemple ne vaut qu’en cas de non-déclaration de revenus mobiliers. Par contre, en matière de droits de succession, ou de revenus professionnels non déclarés, la situation peut, compte tenu de la hauteur des taux, être réellement catastrophique.












Le cycle DLU sur DroitBelge.Net:

Eric Boigelot
&
François Collon


(Dal & Veldekens)


La DLU: une amnistie fiscale "à la belge"

Qui peut faire une DLU ?

Que peut-on déclarer ?

Quelles sont les conséquences fiscales de la DLU ?

Quelles sont les conséquences pénales d'une DLU ?

Comment procéder à une DLU ?

Qui a intérêt à procéder à une DLU ?








Source : DroitBelge.Net - 17 mai 2004


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