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Cycle DLU: que peut-on déclarer ?

Par Par E. Boigelot et F. Collon

Mardi 03.08.04


Selon l’article 2, §1er de la loi du 31 décembre 2003 instaurant la DLU, « les sommes, capitaux ou valeurs mobilières qui n’ont pas, ou qui proviennent de revenus qui n’ont pas ou n’ont plus été repris dans une comptabilité ou une déclaration obligatoire en Belgique en vertu de la loi ou sur lesquels l’impôt dû en Belgique n’a pas été prélevé » peuvent être déclarés.

Ces éléments se divisent en deux grandes catégories :

- les sommes, capitaux ou valeurs mobilières qui étaient placés avant le 1er juin 2003 auprès d’un établissement de crédit ou une société de bourse étrangers sur un compte ouvert au nom du déclarant ou sur un compte dont il démontre qu’il en est le bénéficiaire effectif (sur cette dernière notion, voyez notre précédente contribution « Qui peut faire une DLU ? »)

- les valeurs mobilières visées à l’article 2, 1°, a) à d), de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, y compris les titres de sociétés non cotées, dont les personnes physiques définies à l’alinéa 2 démontrent par tous moyens de preuve admis par le droit commun, à l’exception des témoignages, de l’aveu et du serment, qu’elles les possédaient avant le 1er juin 2003

Le législateur vise les valeurs mobilières suivantes :

- les actions et autres valeurs assimilables à des actions ;
- les obligations et autres titres de créances négociables sur le marché des capitaux ;
- toutes autres valeurs habituellement négociées et permettant d’acquérir les valeurs précitées par voie de souscription ou d’échange ou donnant lieu à un règlement en espèces, à l’exclusion des moyens de paiement ;
- les parts d’organisme de placement collectif.

Cette seconde catégorie comprend donc, principalement mais pas seulement, les titres au porteur, où qu’ils soient (sous un matelas ou dans un coffre belge ou étranger) et dont on peut prouver qu’on les détenait déjà au 1er juin 2003.


Avoirs exclus

Il faut d’abord citer les avoirs qui, bien qu’entrant dans le champ d’application de la loi, sont expressément exclus en raison de circonstances particulières.

Trois cas sont visés par la loi :

1. Avant l’introduction de la réclamation, le contribuable a été informé par écrit d’actes d’investigation spécifiques en cours par une administration fiscale belge, une institution de sécurité sociale ou un service d’inspection sociale belges. Ne constituent pas de tels actes d’investigation spécifiques les questionnaires tout à fait généraux ou les avis de visite sur place notamment.

2. Les sommes, capitaux ou valeurs mobilières proviennent de la réalisation d’opérations de blanchiment ou d’un délit sous-jacent visé à l’article 3 de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux.

Sont concernés les sommes, capitaux ou valeurs mobilières provenant notamment d’infraction liée au terrorisme ou au financement du terrorisme, à la criminalité organisée, au trafic illicite de stupéfiants notamment mais aussi à l’escroquerie, à un abus de confiance, un abus de biens sociaux (tel serait le cas si un dirigeant d’entreprises avait détourné du chiffre d’affaires de « sa » société pour le placer à son profit à l’étranger) , une prise d’otages, un vol ou une extorsion à l’aide de violences ou de menaces ou d’une infraction liée à l’état de faillite ou à la fraude fiscale grave et organisée.

En ce qui concerne ce dernier point, malgré un certain flou autour des termes « fraude fiscale grave et organisée », il ne semble pas que le fait d’avoir localisé des avoirs dans une structure juridique simple à l’étranger ou de simplement disposer d’avoirs à l’étranger soit constitutif d’une telle fraude. Toute autre interprétation, quoique possible en théorie, heurterait le bon sens, puisque contiendrait la contradiction même de la finalité de la loi et, partant, sa négation.

3. Les impositions établies dans le chef du déclarant sur des revenus professionnels (ou des cotisations de sécurité sociale) établies à sa charge pour les périodes imposables 2002, 2003 et 2004.

Enfin, les avoirs suivants n’entrent pas dans le champ d’application de la loi et sont donc exclus de la DLU : l’argent liquide, l’or, les bijoux, les comptes bancaires noirs belges, l’immobilier, les produits d’assurance, les avoirs provenant de successions liées à des décès postérieurs au 31 décembre 2002.


Capitaux ou revenus ?

Si les capitaux sont noirs (revenus professionnels antérieurs à 2002 non déclarés, par exemple), les revenus le seront également et il faudra déclarer les capitaux et les revenus de ces capitaux.

Si les capitaux sont blancs mais que seuls les revenus n’ont pas subi leur régime d’imposition (exemple classique d’un contribuable qui aurait encaissé en Belgique un capital d’assurance de groupe et qui aurait placé ce capital au Luxembourg sans en déclarer les revenus ultérieurs), il ne faut évidemment pas régulariser les capitaux blancs et seuls les revenus noirs (ou « gris » selon une terminologie utilisée couramment pour qualifier ce type de revenus) devront être déclarés.

Reste l’épineuse question des capitaux noirs mais fiscalement prescrits, et des revenus qui en découlent. De nombreux commentateurs considèrent que seule la quotité des avoirs non prescrits qui correspond à des revenus imposables non taxés en Belgique devrait faire l’objet de la DLU. Si l’on suit cette position, seuls les avoirs pour lesquels la prescription n’est pas encore acquise devraient donc faire l’objet de la DLU.

Force est cependant de constater que la loi du 31 décembre 2003 reste muette sur la question de la prescription et que les termes fort généraux utilisés pour décrire les avoirs qui peuvent faire l’objet d’une DLU ne permettent pas d’aboutir à des conclusions aussi tranchées. Ce sont, surtout, les conséquences pénales qui inquiètent, particulièrement depuis qu’un arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 2003 a admis, en principe, la confiscation des avantages patrimoniaux provenant d’infractions fiscales, d’où le risque de se voir condamner en cas de poursuites pénales, outre à une peine d’emprisonnement et d’amende, à une amputation sérieuse de son patrimoine correspondant au montant de l’impôt éludé, ce qui est beaucoup plus élevé que le montant de la DLU…

Interrogé sur cette question, le Ministre des Finances n’a pas, c’est le moins qu’on puisse dire, apporté plus de lumière en déclarant que le contribuable devait prendre ses responsabilités et qu’il lui appartenait de faire un choix et en concluant sur cette phrase : « dans le doute, il ne faut pas s’abstenir ».

La prudence est donc de rigueur et les contribuables qui se trouvent dans pareille situation devront donc examiner très attentivement leur situation avant de prendre une décision.


Quid des coupons dépensés ?

La situation suivante se présente également très souvent : un contribuable a acquis, avec des revenus professionnels imposés normalement, des titres au porteur. A intervalles réguliers, il s’est rendu au Luxembourg afin de « toucher ses coupons ». Il a ramené les montants en Belgique ou les a dépensés.

Le contribuable peut-il encore faire une DLU pour ces revenus alors même que ceux-ci n’existent plus ?

Les commentateurs sont divisés et distinguent, en général, deux situations :

- les titres au porteur sont déposés sur un compte à l’étranger. Dans ce cas, les revenus de ces avoirs se sont nécessairement également trouvés sur ce compte à un moment donné. Le contribuable pourra donc prouver qu’il les détenait avant le 1er juin 2003. En outre, si l’on comprend bien les réponses du Ministre au Frequently Ask Questions (FAQ) , fruit d’une concertation entre le cabinet du Ministre des Finances et le secteur bancaire , il ne semble pas requis que les avoirs déclarés soient identiques aux avoirs rapatriés. Dès lors, dans ce cas, il semble parfaitement envisageable de déclarer les sommes éludées tout en rapatriant à concurrence de ce montant les titres sous-jacents ;

- les titres au porteur ne sont pas déposés sur un compte à l’étranger. Dans ce cas, certains commentateurs considèrent qu’une DLU n’est purement et simplement pas possible. D’autres, plus nuancés, considèrent que le même type de raisonnement que pour les avoirs déposés sur un compte étranger peut être tenu et considèrent que les valeurs mobilières qui sont déclarées et déposées ne doivent pas nécessairement être les sommes qui ont été soustraites. Cette position semble confirmée par la réponse n° 41 auFAQ, qui prévoit qu’une personne qui n’a pas déclaré certaines sommes et qui les a dépensées, peut introduire une DLU en les remplaçant par des valeurs mobilières même « blanches », dont elle démontre la détention avant le 1er juin 2003 et pour lesquelles elle est soumise à la condition de dépôt.


Conclusion

Dès qu’elle est confrontée à la réalité des faits et à des situations concrètes, même classiques (voir la question des coupons dépensés), la loi du 31 décembre 2003 instaurant la déclaration libératoire unique dévoile ses faiblesses et se révèle un véritable casse-tête pour le contribuable obligé de se livrer à une interprétation de la loi et de recourir à des spécialistes.

L’administration fiscale et le Ministre des Finances ont manifestement renoncé, sur certaines questions (capitaux ou revenus ?), à donner leur propre interprétation du texte. De toute manière, encore la donneraient-ils, les cours et tribunaux se référeront au texte légal d’abord, et ne retiendront, le cas échéant, les commentaires administratifs et ministériels que s’ils paraissent s’inscrire dans le respect du prescrit légal.

Un examen sérieux et éclairé de chaque cas, conforme au principe de prudence, est donc de mise.




Eric Boigelot
François Collon
Avocats
Dal & Veldekens











Le cycle DLU sur DroitBelge.Net:

Eric Boigelot
&
François Collon


(Dal & Veldekens)


La DLU: une amnistie fiscale "à la belge"

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Source : DroitBelge.Net - 3 août 2004


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