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Quelles sont les conséquences pénales d’une DLU ?

Par Par E. Boigelot et F. Collon

Jeudi 23.09.04

Outre ses aspects fiscaux, la loi du 31 décembre 2003 contient également, en son article 7, une mesure d’amnistie pénale.

Comme nous l’avons déjà écrit, cette mesure tranche avec la pratique antérieure des régularisations administratives qui n’offrait aucune couverture sur le plan pénal et présentait donc une certaine insécurité juridique.

Le champ d’application de cette amnistie pénale est cependant expressément limité aux infractions citées par la loi.


Personnes pouvant bénéficier de l’amnistie pénale

Les personnes qui se sont rendues coupables des infractions (auteurs) visées par la loi et les co-auteurs ou complices de telles infractions sont exonérés de poursuites pénales de ce chef.

On notera que les co-auteurs et complices des infractions visées seront exonérés de poursuites même s’ils ne font aucune DLU (puisque c’est l’auteur de l’infraction qui l’aura effectuée) et même s’ils ignorent qu’une DLU a été effectuée.


Conditions pour pouvoir bénéficier de l’amnistie pénale

Trois conditions doivent être respectées :

1. D’abord, il va de soi qu’il faut avoir effectué une DLU. La déclaration doit, en outre, être complète et porter sur toutes les sommes éludées pour lesquelles une infraction a été commise ;
2. Il faut avoir payé la contribution unique (6 ou 9%) due conformément à la DLU ;
3. Il ne faut pas avoir fait l’objet avant la date d’introduction de la déclaration, d’une information ou d’une instruction judiciaire du chef de ces infractions.

Cette dernière condition risque, dans la pratique, de poser quelques problèmes. En effet, le texte légal ne prévoit aucunement que le contribuable ait du avoir connaissance de l’information ou de l’instruction. Il se pourrait donc qu’a posteriori, un contribuable découvre qu’une information préalable à la date d’introduction de la DLU le visait et perde ainsi tout le bénéfice de l’amnistie pénale. Pour que l’information puisse avoir cet effet, il faut qu’elle porte sur les infractions normalement couvertes par l’amnistie pénale et vise spécifiquement l’auteur de la DLU.


Infractions « amnistiables »

Les infractions fiscales énumérées par la loi sont celles visées aux articles suivants:

- 449 et 450 du Code des impôts sur les revenus,
- 73 et 73bis du Code de la taxe sur la valeur ajoutée,
- 133 et 133bis du Code des droits de succession,
- 206 et 206bis du Code des droits d’enregistrement,
- 207/1 et 207bis du Code des taxes assimilées au timbre.

En matière de sécurité sociale, l’amnistie pénale permet de couvrir les infractions visées dans la loi du 27 juin 1969 et l’arrêté royal n°38 du 27 juillet 1967.

Enfin, en matière pénale, les infractions de blanchiment visées à l’article 505 du Code pénal sont également visées. Nous y reviendrons.


Infractions non « amnistiables »

D’une part, il s’agit de toutes les infractions autres que celles visées par la loi.

Parmi celles-ci, on citera plus particulièrement l’abus de confiance, l’abus de biens sociaux ou le faux bilan.

En effet, une fraude classique dans le chef des dirigeants de société consiste à « se servir » des fonds de la société comme s’ils leur appartenaient. Ces sommes ne sont, et pour cause, pas déclarées comme revenus par le dirigeant et rentrent donc dans le champ d’application de la DLU. Sur le plan pénal et malgré l’attestation qui lui aura été délivrée suite à la DLU, le dirigeant pourra toujours être poursuivi, le cas échéant, pour abus de biens sociaux ou faux bilan, infractions non visées par la loi. Il importe donc d’être particulièrement prudent et d’examiner toutes les infractions qui ont été commises afin de voir si celles-ci peuvent bien bénéficier de l’amnistie pénale ou si un risque existe encore de ce côté.

En règle générale, la banque refusera toutefois de procéder à la DLU et de délivrer une attestation si elle sait ou soupçonne que l’origine des fonds provient d’une de ces infractions. En effet, d’après les travaux préparatoires de la loi, s’il ressort d’un contrôle a priori effectué par l’institution financière traitant de la demande de déclaration libératoire unique que l’une des exceptions visées par l’article 2, § 2 de la loi (argent du blanchiment, existence d’actes d’investigation spécifiques, déclaration de revenus professionnels des périodes imposables 2002 à 2004) est ou pourrait être d’application, cette institution est tenue de refuser de délivrer une attestation. En cas de soupçon de blanchiment, ladite institution doit par ailleurs informer la Cellule de Traitement des Informations Financières (CTIF).

Ces travaux préparatoires précisent également que si, à la suite d’une erreur ou pour quelque raison que ce soit, une attestation est délivrée à tort, cela n’exclut d’aucune façon que des investigations soient menées ultérieurement sur des opérations de blanchiment ou l’un des autres motifs d’exclusion. Dans pareil cas, l’attestation perd sa valeur.

A cet égard, le ministre des Finances a d’ailleurs précisé, dans la réponse à la question n° 17 de la « liste FAQ », que « l’application correcte de la législation relative au blanchiment n’empêche pas la délivrance d’une attestation. La loi relative à la DLU précise que dans certains cas, l’attestation délivrée demeure ‘sans effet’ (…). C’est par exemple le cas pour les sommes, capitaux ou valeurs mobilières provenant de la réalisation d’opérations de blanchiment ».

D’autre part, il s’agit de toutes les infractions commises dans les cas où la DLU elle-même est sans effet.

Ainsi, le texte de la loi prévoit qu’une DLU est exclue « si les sommes, capitaux ou valeurs mobilières proviennent de la réalisation d’opérations de blanchiment ou d’un délit sous-jacent visé à l’article 3 de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux » (pour rappel, voir « Cycle DLU : que peut-on déclarer ?).

Or, l’article 3 de la loi du 11 janvier 1993 vise « une infraction liée…à la fraude fiscale grave et organisée, qui met en œuvre des mécanismes complexes ou qui use de procédés à dimension internationale ». Nous l’avons déjà dit, cette référence est peu heureuse dans la mesure où elle traite de notions mal précisées comme « grave », « organisée », « complexe », « dimension internationale », etc. L’insécurité juridique est donc grande. Ainsi, si l’on considère généralement que le simple fait d’avoir localisé des avoirs dans une structure juridique simple à l’étranger ou de disposer d’avoirs à l’étranger ne sont pas constitutifs d’une telle fraude, les limites ne sont pas clairement fixées. Dire que cela se limite aux « carrousels TVA » est un peu court, quoique ce soit là la situation type rencontrée dans la pratique…


Le blanchiment

Comme mentionné ci-dessus, les infractions visées à l’article 505 du Code pénal, en matière de recel et de blanchiment, dans la mesure où elles visent les avantages patrimoniaux tirés directement des infractions aux dispositions fiscales et sociales visées par la loi ou les biens et valeurs qui leur ont été substitués ou les revenus de ces avantages investis, entrent dans le champ d’application de l’amnistie pénale.

Cette mesure tend à assurer une certaine sécurité aux intermédiaires (banquiers, avocats, notaires, etc.) qui interviendraient à l’occasion de la DLU.

Sous l’angle de l’arrêt de la cour de cassation du 22 octobre 2003, cette mesure prend, en outre, une importance toute particulière.

En effet, sans rentrer dans des détails trop complexes (pour plus d’informations, voir notre note d’observations suite à cet arrêt publiée dans le Journal des Tribunaux du 27 mars 2004, p. 362 et suivantes), la Cour considère, dans cet arrêt, que l’évitement d’un impôt constitue un avantage patrimonial susceptible de faire l’objet d’une confiscation spéciale.

Par conséquent, le juge pénal qui aurait à connaître d’une infraction fiscale peut décider, alors même que la prescription fiscale serait acquise, de procéder à la confiscation spéciale de l’avantage patrimonial à concurrence du montant de l’impôt éludé. Ainsi, ce que le fiscal ne pourrait plus obtenir, le pénal pourrait encore l’avoir.

Cette jurisprudence, très critiquée, incitera sans doute les contribuables les plus prudents à procéder à une DLU pour des revenus tirés d’infractions prescrites fiscalement mais non pénalement.




Eric Boigelot
François Collon
Avocats - Association Dal & Veldekens


Note: DroitBelge.Net vous invite à une conférence sur l'amnistie fiscale présentée par les auteurs de ce texte, le mardi 28.09.04 à 17H00.

Pour de plus amples informations et/ou pour vous inscrire, consultez la page "conférence" de DroitBelge.Net.




Prochain sujet : Comment procéder à une DLU ?











Le cycle DLU sur DroitBelge.Net:

Eric Boigelot
&
François Collon


(Dal & Veldekens)


La DLU: une amnistie fiscale "à la belge"

Qui peut faire une DLU ?

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Quelles sont les conséquences fiscales de la DLU ?

Quelles sont les conséquences pénales d'une DLU ?

Comment procéder à une DLU ?

Qui a intérêt à procéder à une DLU ?







Source : DroitBelge.Net - 23 septembre 2004


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