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L’échéance pour la mise en conformité des statuts au CSA [mise à jour]

Par Caroline Kempeneers

Mardi 06.02.24



Le 1er janvier 2024 : échéance prévue par le CSA pour la mise en conformité des statuts

Toutes les sociétés (ainsi que les associations et les fondations) qui ont été constituées avant le 1er mai 2019 (cf. Note 1) avaient jusqu’au 1er janvier 2024 au plus tard (cf. Note 2) pour mettre en conformité leurs statuts au CSA.

Si cette adaptation n’a pas encore été faite, il est temps d’y penser ! L’adaptation des statuts au CSA est, en effet, l’occasion de vérifier que les statuts sont toujours en adéquation avec l’évolution que l’entreprise a pu connaitre depuis sa constitution ou la dernière modification de ses statuts. A cet égard, le CSA offre une grande flexibilité aux parties, de sorte qu’il est utile d’examiner avec ses conseillers les différentes opportunités qui peuvent répondre à leurs besoins.


Quelles sont les nouveautés offertes par le CSA ?

Nous n’examinerons pas ici toutes les nouveautés introduites par le CSA, d’autres fiches (voir ici) y sont, en effet, consacrées, de même qu’une abondante doctrine sur le sujet.

L’objectif du présent article est plutôt de lister quelques nouveautés du CSA qu’il est intéressant d’examiner avec ses conseillers lors de l’adaptation des statuts.


Pour la SRL (ancienne SPRL)

On pense notamment pour la SRL aux nouveautés suivantes :

- la possibilité de prévoir des classes d’actions, c’est-à-dire des actions auxquelles sont attachés des droits différents, que ce soit en matière de droit de vote ou de participation aux bénéfices par exemple ;

- la possibilité d’organiser librement le transfert des actions, que ce soit entre vifs ou pour cause de mort, afin d’opter pour une SRL avec un actionnariat « très ouvert » (le CSA supprime d’ailleurs l’interdiction pour une SRL de faire publiquement appel à l'épargne) ou, au contraire, de conserver un caractère fermé. Les actionnaires disposent à cet égard d’une grande latitude dans la mesure où le droit d’agrément prévu par l’ancien Code des sociétés et repris par le CSA est désormais supplétif (cf. Note 3) (c’est-à-dire qu’il est permis d’y déroger) ;

- la possibilité de prévoir la désignation d’un délégué à la gestion journalière ;

- la possibilité d’introduire des mécanismes de démission et/ou d’exclusion des actionnaires à charge du patrimoine social, mécanismes déjà connus dans les sociétés coopératives qui entrainent l’annulation des actions de l’actionnaire démissionnaire ou exclu, moyennant le recouvrement par ce dernier de la valeur de sa part. Le CSA prévoit un régime largement supplétif. Il conviendra de bien examiner l’opportunité d’introduire de tels mécanismes dans les statuts (notamment au niveau des conséquences fiscales), ainsi que de les encadrer juridiquement ;

- la possibilité d’organiser statutairement un système analogue à celui du « capital autorisé » qui existe en SA et qui permet, sous certaines conditions, de déléguer à l’organe d’administration le pouvoir d’émettre des actions, des obligations convertibles ou des droits de souscription ;

- le CSA introduit la règle supplétive selon laquelle, lorsque les titres font l’objet d’un usufruit, l’usufruiter exerce tous les droits attachés à ceux-ci. Il peut donc être opportun de réfléchir à préciser l’étendue des droits de l’usufruitier.

L’adaptation des statuts au CSA sera également l’occasion de réfléchir éventuellement à rendre disponible le compte de fonds propres. Depuis le 1er janvier 2020, la partie libérée du capital et la réserve légale de l’ancienne SPRL ont, en effet, été converties de plein droit en un compte de fonds propres statutairement indisponible (cf. Note 4).

Cela signifie que si la décision n’a pas été prise de rendre le compte de fonds propres disponible lors de l’adaptation des statuts au CSA, l’assemblée générale devra, si elle souhaite procéder à un remboursement des apports initiaux (dans le respect du double test de liquidité et de solvabilité), modifier préalablement les statuts afin de rendre ce compte disponible. Une telle décision impliquera, par conséquent, l’intervention d’un notaire et donc des frais supplémentaires.


Pour la SA

En ce qui concerne la SA, les changements opérés par le CSA sont moins nombreux. Certaines nouveautés peuvent néanmoins présenter un réel intérêt à l’occasion de la mise en conformité des statuts au CSA. Il en est ainsi notamment :

- de la possibilité désormais de n’avoir qu’un seul actionnaire ;

- du système de gouvernance qui peut dorénavant prendre la forme :

> soit d’un système d’administration moniste collégiale : c’est-à-dire un conseil d’administration « classique » composé d’au moins trois administrateurs, système qui existait déjà sous l’empire de l’ancien code ;

> soit d’un système d’administration moniste avec un administrateur unique. Les statuts peuvent prévoir que le consentement de l’administrateur unique est exigé pour toute décision portant sur une modification de statuts, sur une distribution aux actionnaires ou même sur sa propre révocation (sauf en cas de justes motifs) ;

> soit d’un système d’administration duale : un conseil de surveillance et un conseil de direction. Le conseil de surveillance sera chargé, outre la mission de surveillance du conseil de direction, de la politique générale et de la stratégie de la société, ainsi que de tous les actes qui sont spécifiquement réservés par le CSA au conseil d’administration, tandis que le conseil de direction exercera, quant à lui, tous les pouvoirs d'administration qui ne sont pas réservés au conseil de surveillance. Le conseil de direction sera chargé de toutes les questions concernant le fonctionnement opérationnel de la société.

- de la révocabilité des administrateurs : le principe de la révocabilité ad nutum (sans motifs, ni préavis) des administrateurs est désormais érigé en règle supplétive. Les statuts ou la décision de nomination prise par l’assemblée générale peuvent ainsi y déroger ;

- de la possibilité désormais de déroger à la règle impérative qui existait sous l’empire de l’ancien Code des sociétés entre les droits de vote attachés à une action et sa part dans le capital. Désormais, il est non seulement possible d’émettre des actions sans droit de vote (déjà possible sous l’ancien code mais avec certaines contraintes, dont notamment l’attribution d’un dividende privilégié) mais également des actions à droit de vote multiple ;

- de l’assouplissement liées aux restrictions qui peuvent être apportées à la cessibilité des titres : le CSA prévoit désormais que les clauses d'inaliénabilité doivent être justifiées par un intérêt légitime, notamment en ce qui concerne leur durée. Le CSA supprime ainsi l’exigence prévue par l’ancien Code selon laquelle ces clauses devaient être limitées dans le temps et être justifiées par l'intérêt social à tout moment.


Pour les ASBL qui souhaitent exercer des activités économiques

L’adaptation des statuts présente un intérêt pour les ASBL qui souhaitent pouvoir exercer des activités économiques. On sait, en effet, que le CSA a supprimé l’interdiction qui était prévue pour les ASBL d’exercer « des opérations industrielles ou commerciales » (ancienne loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les fondations, les partis politiques européens et les fondations politiques européennes).

Cette interdiction pour les ASBL d’exercer « des opérations industrielles ou commerciales » reste, en effet, d’application jusqu’au 1er janvier 2029 au plus tard (cf. Note 5) pour les ASBL qui n’aurait pas modifié leur objet.

On soulignera toutefois que les ASBL sont, comme les sociétés, soumises à l’obligation d’adapter leurs statuts au CSA pour le 1er janvier 2024 au plus tard. A cet égard, on sera notamment attentif à l’obligation pour les ASBL de décrire de manière précise dans les statuts les activités qui constituent leur objet.


Pour les sociétés dont la forme juridique disparait

On rappellera que dans le cadre de la réforme, plusieurs formes de sociétés ont été abrogées. Il en est ainsi du groupement d’intérêt économique, de la société agricole, de la société coopérative à responsabilité illimitée, de la société en commandite par actions et de la « fausse » coopérative à responsabilité limitée.

Les sociétés qui n’auront pas, au plus tard le 1er janvier 2024, adapté leurs statuts à la nouvelle forme juridique prévue par le législateur ou qui n’auront pas opté pour une autre forme juridique seront transformées de plein droit en la forme juridique prévue par le législateur, à savoir (cf. Note 6) :

- la société en commandite par actions en société anonyme à administrateur unique ;

- la société agricole en société en nom collectif et, si elle compte des associés commanditaires, en société en commandite ;

- le groupement d’intérêt économique en société en nom collectif ;

- la société coopérative à responsabilité illimitée en société en nom collectif ;

- la « fausse » société coopérative à responsabilité limitée en société à responsabilité limitée ;

- l’union professionnelle en ASBL.


Selon un communiqué publié en ce début d’année 2024 par la Fédération des notaires, l’ITAA et l’IRE, les personnes morales dont la forme légale est modifiée par le CSA et qui n’ont pas adapté leurs statuts à temps (au 1er janvier 2024) ne doivent pas suivre la procédure de transformation prévue par le livre 14 du CSA (sauf si elles optent pour une autre forme que celle prévue par le législateur). Selon ces institutions, une modification ordinaire des statuts est suffisante pour refléter la transformation, celle-ci découlant de l’application de la loi et ce, même si l’échéance du 1er janvier 2024 n’a pas été respectée.

Dans un délai de six mois qui suivra cette conversion de plein droit, l’organe d’administration est tenu de convoquer une assemblée générale avec pour ordre du jour l’adaptation des statuts à la nouvelle forme juridique.


Le respect de l’échéance présente également un intérêt pour conserver l’agrément comme entreprise sociale

Les sociétés à finalité sociale qui n’ont pas adopté la forme d’une société coopérative et qui souhaitaient conserver leur agrément comme entreprise sociale devaient, selon l’article 42, alinéa 2, de la loi du 23 mars 2019, se transformer en société coopérative au plus tard au 1er janvier 2024.


Quelle est la sanction prévue en cas de non-respect de l’échéance légale ?

Le législateur a prévu qu’à défaut de respecter l’obligation de mettre en conformité les statuts au CSA pour le 1er janvier 2024 au plus tard, les membres de l’organe d’administration seraient personnellement et solidairement responsables des dommages subis par la société, l’association ou la fondation ou par des tiers résultant du non-respect de cette obligation (cf. Note 8).

La loi du 23 mars 2019 introduisant le CSA ne prévoit pas d’autres sanctions que la mise en cause de la responsabilité des administrateurs.


Caroline Kempeneers
Avocate - Médiatrice agréée en matière civile et commerciale
Solis Law Firm


Consultez également nos autres fiches en « droit des sociétés », en suivant ce lien : www.droit-societes.be



Notes:

(1) Date d’entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2019 introduisant le Code des sociétés et des associations et portant des dispositions diverses, publiée au Moniteur belge le 4 avril 2019.

(2) Article 39, §1, al.3., de la loi du 23 mars 2019.

(3) Article 5 :63, §1, CSA : tout transfert d’actions (à titre particulier ou universel, à titre onéreux ou gratuit, entre vifs ou à cause de mort) est soumis, sauf disposition statutaire contraire, à l’agrément d’au moins la moitié des actionnaires possédant au moins les trois quart des actions, déduction faite des actions dont la cession est proposée, excepté lorsque les actions sont cédées ou transmises (i) à un actionnaire, (ii) au conjoint ou au cohabitant légal du cédant ou (iii) à des ascendants ou descendants du cédant en ligne directe (article5:63, § 1er, CSA).

(4) Article 39, §2, al.3., de la loi du 23 mars 2019.

(5) Article 39, §4, de la loi du 23 mars 2019.

(6) Article 41, §2, de la loi du 23 mars 2019.

(7) Article 42, §1 de la loi du 23 mars 2019.

(8) Article 39, §1, al.3, de la loi du 23 mars 2019.



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