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Suspension de prestations de services informatiques et référé

Guillaume Rue

Lundi 22.06.15

Dans une intéressante décision concernant la suspension de prestations de services, la Cour d’appel de Bruxelles siégeant en référé rappelle les principes qui gouvernent son intervention en matière contractuelle (Bruxelles (réf.), 2 février 2012, R.G.D.C., 2015/2, p. 105.).


La société V., spécialisée dans la fourniture de services informatiques et bureautiques, permettait à ses clients d’accéder à distance aux applications et données utiles à leur activité. La société B. était, quant à elle, une fiduciaire, fournissant des services de comptabilité, fiscalité et de gestion administrative.

En raison de montants impayés, la société V. avait mis en demeure la fiduciaire d’apurer son solde. En l’absence de réaction, la société V. avait alors limité l’accès à certains services, et ensuite suspendu totalement l’accès, mais uniquement pendant les week-ends et en dehors des heures de bureau.

La fiduciaire, qui ne contestait pas la dette, avait alors saisi le président du Tribunal de première instance de Nivelles, sur requête unilatérale. Ce dernier avait ordonné à la société V. de restaurer les connexions et services sous peine d’astreinte de 2.000 euros par heure de retard. La société V. avait alors formé tierce opposition et obtenu la rétractation de l’ordonnance précitée. La fiduciaire avait ensuite fait appel de cette décision de rétractation.

La fiduciaire soutenait que la suspension des accès à son environnement professionnel constituait une voie de fait totalement inacceptable et de nature à causer un préjudice grave très difficilement réparable.

La cour n’a toutefois pas suivi la fiduciaire. Elle a d’abord rappelé « qu’il ne suffit pas, pour que le juge des référés puisse intervenir et prescrire des mesures conservatoires, en matière contractuelle, qu’il y ait urgence, apparence de droit et risque de subir un préjudice irréparable ou à tout le moins des inconvénients sérieux. Dans le cadre contractuel, l’intervention du juge n’est possible que si une partie au contrat commet une voie de fait ou que la décision de rupture est manifestement fautive ou a été prise dans des conditions irrégulières ».

En l’espèce, le prestataire de services s’était prévalu de l’exception d’inexécution, qui est de droit dans tous les contrats synallagmatiques. La suspension des services en cas de non-paiement était, en outre, prévue dans les conditions générales du prestataire, acceptées par la société cliente. Le prestataire n’avait pas suspendu les services sur-le-champ et le client n’avait jamais été confronté à une suspension totale des accès. Il ne pouvait donc être fait grief à la société V. d’avoir commis une voie de fait, cette partie ayant mis en œuvre l’exception d’inexécution de bonne foi et sans abus.

En l’espèce, la mesure de suspension avait été graduelle et partielle, ce qui justifiait l’absence d’abus. La prudence est donc toujours de mise avant la suspension de prestations.



Guillaume Rue
Avocat au barreau de Bruxelles


Cet article a été précédemment publié par le même auteur dans le n° 541 du Bulletin Social et Juridique.(www.lebulletin.be)


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