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Arrêt "Google": droit à l´oubli et autres enseignements

Par Maxime Le Borne

Mercredi 14.05.14

En date du 13 mai 2014, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt novateur en matière, notamment, de "droit à l'oubli" et de protection des données personnelles sur internet.

L'affaire fait grand bruit et les faits principaux sont connus :

En 1998, un quotidien espagnol ("La Vanguardia") publie une annonce de vente aux enchères immobilière (liée à une saisie pratiquée en recouvrement de dettes de sécurité sociale) mentionnant le nom d'un certain Mario Costeja González.

Constatant que lorsqu'un internaute introduisait son nom dans Google, la liste de résultat affichait les liens vers les (2) pages du quotidien, M. González a mis en oeuvre diverses démarches auprès du quotidien et de Google pour que les pages ou les liens soient supprimés.

En 2010, l' "Agence espagnole de protection des données" a estimé que la publication des informations par le quotidien était légitime. Par contre, elle a estimé que la réclamation devait être accueillie en ce qui concerne Google (plus précisément Google Spain et Google Inc) et que le moteur de recherche devait retirer les liens de son index.

Google a, à son tour, introduit un recours contre la décision de l'Agence espagnole de protection des données devant l’ "Audiencia Nacional" (haut tribunal espagnol siégeant à Madrid - en savoir plus sur Wikipedia).

L’"Audiencia Nacional" a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour trois questions préjudicielles relatives à la Directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et la libre circulation de ces données.

L'arrêt, rendu contre l'avis de l'avocat général, est disponible en suivant ce lien: Arrêt CJUE 13 mai 2014

Les enseignements suivants peuvent notamment être retenus:

1. L’activité d’un moteur de recherche consistant à trouver des informations publiées ou placées sur Internet par des tiers, à les indexer de manière automatique, à les stocker temporairement et, enfin, à les mettre à la disposition des internautes selon un ordre de préférence donné doit être qualifiée de «traitement de données à caractère personnel». De plus, en déterminant les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel qu’il effectue, l'exploitant du moteur de recherche est le «responsable» de ce traitement.

2. Lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche crée dans un État membre une succursale ou une filiale destinée à assurer la promotion et la vente des espaces publicitaires proposés par ce moteur et dont l’activité vise les habitants de cet État membre, un traitement de données à caractère personnel est effectué "sur le territoire d’un État membre", .

3. L'exploitant d'un moteur de recherche est obligé, à certaines conditions, de "supprimer des résultats" obtenus à la suite d'une recherche effectuée sur le nom d’une personne (même si, dans certains cas, la publication sur les sites tiers pourrait subsister ou serait licite).

4. En principe, « les droits fondamentaux d'une personne prévalent », non seulement sur l’intérêt économique de l’exploitant du moteur de recherche, mais également sur l’intérêt du public à accéder à ladite information lors d’une recherche portant sur le nom de cette personne.

La Cour précise cependant que tel ne pourrait pas être le cas s’il apparaissait, pour des raisons particulières (ex: le rôle joué par ladite personne dans la vie publique), que l’ingérence dans ses droits fondamentaux est justifiée par l’intérêt prépondérant du public à avoir accès à l’information en question.

Sur la question du "droit à l'oubli", la Cour précise que même un traitement initialement licite de données exactes peut devenir, "avec le temps, incompatible avec la directive lorsque ces données ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées. Tel est notamment le cas lorsqu’elles apparaissent inadéquates, qu’elles ne sont pas ou plus pertinentes ou sont excessives au regard de ces finalités et du temps qui s’est écoulé".

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Selon l'arrêt, les réclamations des personnes concernées peuvent être directement adressées à l'exploitant du moteur de recherche qui doit alors dûment examiner le bien-fondé de celles-ci. Le cas échéant, il devra mettre fin au traitement des données en cause. Si l'exploitant du moteur de recherche ne donne pas suite à ces demandes, la personne concernée peut saisir l’autorité de contrôle ou l’autorité judiciaire pour que celles-ci effectuent les vérifications nécessaires et ordonnent, le cas échéant, à ce responsable des mesures précises en conséquence.

Il y a fort à parier qu'une avalanche de réclamations doivent déjà inonder l'outil de suppression de pages de google...

En ce qui concerne Monsieur Costeja González, une requête effectuée sur son nom via Google.be aboutit (à ce jour) à plus de 56.200 résultats …



Maxime Le Borne
Avocat au barreau de Bruxelles




Source : DroitBelge.Net - Actualités - 14 mai 2014


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