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[Défense pénale] Mes droits durant l`enquête et l`instruction

Par X. Van Der Smissen & D. Paci

Jeudi 27.01.11

Note préalable Pour une mise à jour des informations ci-dessous, consultez l'article: Quels sont vos droits en tant que suspect pendant l’enquête et l’instruction ? Quels sont-ils depuis la loi « Salduz » ?

Introduction : quelles sont les étapes de l’enquête et de l’instruction ?

L’enquête et l’instruction servent à recueillir des éléments de preuve établissant l’infraction, et à vérifier les éléments pouvant disculper la personne soupçonnée ou faire apparaître qu’il n’y a pas d’infraction.

La police recherche les infractions, leurs auteurs et rassemble les preuves.

Lorsque qu’elle soupçonne l’existence d’une infraction, elle prévient le procureur du Roi, qui décide :

• soit de classer sans suite ;

• soit de poursuivre l’enquête lui-même (information) ;

• soit de saisir un juge d’instruction en lui demandant d’enquêter sur un fait précis, et non sur une personne en particulier (instruction).

Le procureur du Roi possède des pouvoirs moins étendus que le juge d’instruction.

Le juge d’instruction ou le procureur du Roi dirige l’enquête, et donne des instructions aux policiers qui réalisent les devoirs d’enquête prescrits (auditions, perquisitions, prélèvement d’ADN,…).

Lorsque l’enquête est terminée :

- Soit le dossier est à l’information :

Le procureur du Roi peut :

- classer sans suite ;

- proposer une transaction pénale : extinction de l’action publique (pas de poursuite pénale) contre une somme d’argent (procédure classique en cas d’infraction au Code de la route) ;

- proposer une médiation pénale, pour les infractions mineures : pas de poursuite, mais l’auteur doit indemniser la victime et, le cas échéant, suivre une thérapie ou formation ;

- citer directement le suspect devant le juge du fond ;

- convoquer à comparaitre devant une juridiction de jugement par procès verbal : la convocation est remise au prévenu lorsqu’il est arrêté (pour une durée maximale de 24 heures), ou se présente devant le procureur du Roi, afin d’accélérer la procédure.

- Soit le dossier est à l’instruction :

Lorsque l’enquête est terminée, le dossier est communiqué au parquet qui prendra des réquisitions finales.

Ensuite, l’inculpé peut lire son dossier.

Il est convoqué devant la chambre du conseil qui, après avoir entendu le rapport d’enquête du juge d’instruction, la ou les éventuelles parties civiles (victimes), le réquisitoire du parquet et la plaidoirie de la défense, pourra:

• soit renvoyer le dossier vers le juge d’instruction pour complément d’enquête ;

• soit, si l’enquête est complète ;

◦ accorder la suspension du prononcé lorsque des débats publics pourraient causer préjudice à l’inculpé ;

◦ prononcer l’internement dans un établissement de défense sociale, si la personne a commis l’infraction dans un état grave de déséquilibre mental la rendant incapable du contrôle de ses actes au moment des faits et est toujours dans cet état ;

◦ renvoyer le dossier pour jugement devant la juridiction compétente (tribunal de police ou correctionnel) ; si elle estime que les faits relèvent de la cour d’assises, elle rend une ordonnance de transmission des pièces au procureur général, car seule la chambre des mises en accusation peut saisir la cour d’assises.

Le droit d’appel de l’inculpé, restreint à certaines questions de procédure, s’exerce devant la chambre des mises en accusation.

Pendant l’enquête, le juge d’instruction peut décerner un mandat d’arrêt à certaines conditions : existence d’indices sérieux de culpabilité, faits visés punissables d’un an d’emprisonnement au moins et absolue nécessité pour la sécurité publique. Si le maximum de la peine applicable ne dépasse pas quinze ans de réclusion, le mandat ne peut être décerné que s’il existe de sérieuses raisons de craindre un risque de fuite, de récidive, de soustraction à la justice, de disparition des preuves ou de collusion avec des tiers.

L’inculpé comparaîtra devant la chambre du conseil dans les cinq jours de la délivrance du mandat, puis tous les mois, jusqu’à la clôture de l’instruction (tous les trois mois s’il s’agit d’un crime non correctionnalisable).


1°) Arrestation et interrogatoire par la police

Dans quels cas et combien de temps puis-je être privé de liberté par la police ?

Vous pouvez être privé de liberté en cas de flagrant délit ou crime, ou sur demande du procureur du Roi ou du juge d’instruction lorsqu’il existe des indices sérieux de culpabilité. La privation de liberté par la police ne peut dépasser 24 heures.

Puis-je être fouillé ?

Oui, lors de votre arrestation ou s’il existe des raisons de croire que vous portez une arme ou un objet dangereux, ou si l’ordre public est menacé.

La police peut-elle entrer chez moi ?

Oui, en cas de flagrant délit ou avec votre consentement.

Peut-on fouiller mon bureau, ma voiture ?

Oui, comme pour votre domicile. Cependant certains lieux sont inviolables et d’autres sont spécialement protégés : leur fouille impose une procédure particulière (bureau d’un diplomate, d’un parlementaire, lieux appartenant à des dépositaires du secret professionnels, …).

Votre voiture peut être fouillée s’il existe des raisons de croire qu’elle a servi à commettre une infraction, à transporter des personnes recherchées, des pièces à conviction ou éléments de preuve, ou des objets dangereux pour l’ordre public.

Puis-je contacter un membre de ma famille, un ami, un médecin, un membre de mon ambassade ?

Si les policiers l’estiment utile ou sur demande, vous serez examiné par un médecin. À ce stade, les policiers décident de vous laisser téléphoner ou non. Si vous êtes mineur, le policier est obligé d’informer par écrit ou oralement vos parents, votre tuteur, ou la personne qui s’occupe de vous dans les meilleurs délais.

Quels sont mes droits lors de mon audition par la police ?

Vous avez le droit de vous taire et de ne pas vous incriminer, c'est-à-dire de ne pas collaborer à la production de preuves contre vous.

Au début de toute audition, il vous sera communiqué que :

a) vous pouvez demander que toutes les questions qui vous sont posées et les réponses que vous y apportez soient actées dans les termes utilisés ;

b) vous pouvez demander qu'il soit procédé à tel acte d'information ou telle audition ;

c) vos déclarations peuvent êtres utilisées comme preuves en justice.

Vous pouvez utiliser les documents en votre possession, sans que cela puisse entraîner le report de l'interrogatoire. Vous pouvez, lors de l'interrogatoire ou ultérieurement, exiger que ces documents soient joints au procès-verbal d'audition ou déposés au greffe.

À la fin de l'audition, le procès-verbal vous est donné en lecture, sauf si vous demandez que lecture vous en soit faite. Il vous est demandé si vos déclarations ne doivent pas être corrigées ou complétées.

Si vous souhaitez vous exprimer dans une autre langue que celle de la procédure, il est fait appel à un interprète assermenté, il est pris note de vos déclarations dans votre langue, ou il vous est demandé d’écrire vous-même votre déclaration. Si l'interrogatoire a lieu avec l'assistance d'un interprète, son identité et sa qualité sont mentionnées.

Vous serez informé de ce qu’une copie de votre audition peut vous être délivrée gratuitement.

Demandera-t-on des informations sur mon casier judiciaire ?

Les services de police ont accès au casier central.

Mon avocat peut-il m’assister ?

En principe, votre avocat ne peut assister à aucune audition et ne peut vous rencontrer pendant la période de privation de liberté de 24 heures.

Cependant, en raison de la jurisprudence « SALDUZ » de la Cour européenne de Strasbourg reprise par notre Cour de Cassation, certains commissariats de police autorisent la présence d’un avocat pendant l’audition. Cette tolérance n’est aucunement reprise dans un texte légal à ce jour.


2°) Dossier à l’information

L’enquête est menée par le procureur du Roi. L’information préliminaire est de caractère inquisitoire : secrète, écrite et non contradictoire.

Que peut faire le procureur du Roi pendant la phase d’information ?

Sauf exceptions légales, les actes d’information ne peuvent comporter aucun acte de contrainte ni porter atteinte aux droits et aux libertés individuels. Les saisies de biens sont possibles sous certaines conditions.

Le procureur du Roi peut, entre autres, descendre sur les lieux des faits, entendre ou faire entendre par la police des suspects, témoins, …, faire arrêter quelqu’un (hors flagrant délit) pendant 24 heures, faire procéder à une analyse ADN avec accord du suspect, intercepter et saisir le courrier (mais pas l’ouvrir), obtenir selon certaines conditions des informations bancaires, procéder à des perquisitions en cas de flagrant délit ou avec le consentement de la personne ayant la jouissance effective du lieu, faire procéder à des méthodes particulières de recherche pouvant être très intrusives.

Que puis-je faire si un acte d’information lèse mes droits ?

Vous pouvez en demander la levée par une requête motivée, le référé pénal, par exemple si vos biens sont saisis en tant que pièces à conviction. Dans les 15 jours, le procureur du Roi devra se prononcer. En cas d’absence de réponse ou de réponse négative, vous pouvez introduire un recours devant la chambre des mises en accusation.

Vous pouvez également, dans ce cas, demander au procureur du Roi d’autoriser l’Organe central pour la saisie et la confiscation à vendre le bien, ou à le restituer en échange d’une caution.

Puis-je avoir accès au dossier ?

Contrairement au régime de l’instruction, aucune règle particulière n’organise la communication totale ou partielle du dossier aux parties en cause au stade de l’information. Vous pouvez solliciter l’accès au dossier auprès du procureur du Roi qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour accepter ou refuser.

Puis-je influer sur le sort du dossier ?

Non. Le procureur du Roi prendra seul la décision de classer sans suite, saisir un juge d’instruction, vous citer ou vous convoquer par procès-verbal devant le tribunal de fond, ou vous proposer un mode alternatif d’extinction de l’action publique (transaction ou médiation : dans ce cas, il n’y aura pas de procès si vous payer l’amende ou si vous respecter les conditions imposées lors de la médiation).


3°) Dossier à l’instruction

L’instruction est conduite sous la direction et l’autorité du juge d’instruction, saisi par le procureur du Roi, ou la victime supposée d’une infraction via une plainte avec constitution de partie civile.

Quels sont les actes qu’un juge d’instruction peut poser ?

Il peut user de tous les actes dont peut faire usage le procureur du Roi, et de moyens de contrainte importants : décerner un mandat d’arrêt, faire procéder à des écoutes téléphoniques, des perquisitions sans consentement, des méthodes particulières de recherche encore plus étendues,…

Dois-je être entendu par le juge d’instruction ?

L’interrogatoire par le juge d’instruction n’est obligatoire qu’en cas de délivrance d’un mandat d’arrêt.

Le juge doit-il me signaler qu’un dossier existe ?

Le juge doit en principe vous inculper s’il existe des indices sérieux de culpabilité contre vous. L’inculpation a lieu après une audition ou par courrier, et vous rend titulaire du droit de solliciter l’accès au dossier répressif et du droit de demander des mesures d’instruction complémentaires.

Le juge peut-il me placer sur écoutes téléphoniques ?

Oui, en respectant des conditions légales très précises.

Puis-je m’opposer à une perquisition ?

Votre domicile peut être perquisitionné si un mandat de perquisition a été signé par le juge, et si la perquisition se déroule entre 5 heures et 21 heures, sauf exceptions.

Le juge peut-il me contraindre physiquement à un prélèvement d’ADN ?
Oui, sous certaines conditions.

Que puis-je faire contre un acte d’instruction qui lèse mes droits ?

Vous pouvez faire un référé pénal (cfr. Information).

Puis-je avoir accès au dossier pendant l’enquête ?

Si vous êtes inculpé non détenu, vous pouvez solliciter l’accès au dossier par une requête adressée au juge d’instruction, qui peut refuser l’accès mais doit motiver son refus. En cas de silence du juge ou de réponse négative, un recours vous est ouvert devant la chambre des mises en accusation.

Puis-je demander l’accomplissement de certains actes d’instruction ?

Oui, que vous soyez ou non détenu. Vous pouvez le sollicitez par requête. Le juge d’instruction peut le refuser s’il estime la mesure non indispensable à la manifestation de la vérité ou préjudiciable à l’instruction. Une possibilité d’appel existe.


4°) Cas particulier : la détention préventive

Comment doit se passer l’interrogatoire devant le juge ?

Un interrogatoire préalable à la délivrance d’un mandat d’arrêt doit avoir lieu dans les 24 heures de la privation de liberté sous peine de nullité du mandat d’arrêt. L’interrogatoire doit porter notamment sur la possibilité de délivrance d’un mandat et sur les faits reprochés.
La présence d’un avocat n’est pas prévue par la loi. Cependant, certains juges d’instruction appliquent la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (dont on a parlé supra) et autorisent que la personne interrogée soit assistée d’un conseil lors du premier interrogatoire en leur cabinet. Cette procédure n’est pas régie à ce jour par une loi.

Puis-je être entendu par le juge par la suite ?

Vous pouvez solliciter un interrogatoire récapitulatif. C’est le seul interrogatoire du juge d’instruction où la loi prévoit la présence de votre avocat.

Quand puis-je voir mon avocat ?

En tous cas, après votre première audition par le juge d’instruction.

Puis-je contester la légalité ou les motifs du mandat d’arrêt ?

Vous ne pouvez pas interjeter appel de la décision de placement sous mandat d’arrêt.
Dans les cinq jours de la délivrance du mandat, vous comparaîtrez devant la chambre du conseil. La veille, vous aurez eu accès à votre dossier. Votre avocat ou vous-même pourrez solliciter votre remise en liberté.
Votre avocat pourra soulever une irrégularité du mandat seulement lors de cette première comparution devant la chambre du conseil (et en appel). Si le mandat d’arrêt est confirmé, vous disposez d’un droit d’appel. Vous comparaitrez devant la chambre des mises en accusation dans les 15 jours. En cas de non-respect de ces délais, vous serez immédiatement remis en liberté. La confirmation de la détention vaut pour un (ou trois) mois. Vous pourrez, à chaque audience, contester l’opportunité du mandat d’arrêt et/ou les indices sérieux de culpabilité. Le dossier sera à votre disposition deux jours avant chaque comparution.

Puis-je communiquer avec des tiers en prison?

Vous pouvez toujours communiquer avec votre avocat.
Par contre, le juge d’instruction peut vous interdire de communiquer avec toute autre personne pendant maximum trois jours.

Quand puis-je être remis en liberté ?

À tout moment par le juge d’instruction, ou sur décision des juridictions d’instruction lors de votre comparution. Une libération peut avoir lieu sous conditions ou caution.

Je suis ressortissant d’un autre pays. Dois-je être présent pendant l’instruction ? Serai-je maintenu en garde à vue ou remis en liberté ? Puis-je quitter le pays pendant l’instruction ?

Un mandat d’arrêt peut être décerné s’il existe un risque de soustraction à la justice. Le juge d’instruction ou les juridictions d’instruction peuvent vous libérer sous caution. Vous récupérerez la somme d’argent versée si vous comparaissez à tous les stades de la procédure. Si vous êtes laissé en liberté, on vous demandera de comparaître pour les auditions, et en principe devant la juridiction de fond. Le juge d’instruction peut vous imposer, par ordonnance de mise en liberté sous conditions, de ne pas quitter le pays. Ces conditions peuvent être prolongées par période de trois mois. Vous pouvez les contester devant la chambre du conseil.


5°) Clôture de l’instruction

Que puis-je faire si l’enquête traîne ?

Après une année, vous pouvez saisir par requête motivée la chambre des mises en accusation qui contrôlera le déroulement de l’enquête.

Les chefs d’accusation/d’inculpation peuvent-ils être modifiés avant le procès ?
De nouveaux chefs d’accusation/inculpation peuvent-ils être ajoutés ? Dans quelles circonstances ?


Le procureur du Roi lit le dossier communiqué par le juge et libelle les préventions desquelles l’inculpé devra selon lui répondre devant le tribunal. Il peut également prendre des réquisitions de non-lieu, ou encore demander au juge d’effectuer certains devoirs d’enquête supplémentaires. La qualification pénale peut encore être changée par le procureur du Roi à cette occasion, ou par la chambre du conseil qui décide du sort du dossier.

Puis-je plaider coupable avant le procès sur tous les chefs d’accusation/d’inculpation ou certains d’entre eux?

Non, vous êtes présumé innocent jusqu’à votre condamnation définitive par une juridiction de fond.

Comment se passe la clôture du dossier ?

La chambre du conseil décide après avoir entendu le rapport du juge d’instruction, l’éventuelle partie civile, le procureur et la défense :

• de renvoyer l’inculpé devant la juridiction compétente ;

• de prononcer le non-lieu ;

• d’octroyer la suspension du prononcé : les faits sont déclarés établis, mais aucune peine n’est prononcée. Le juge fixe un délai de mise à l’épreuve, pouvant être assorti de conditions à respecter.

• d’appliquer la loi de défense sociale (internement).

Quels sont mes droits lors de cette phase ?

Vous pouvez lire votre dossier et lever copie de pièces avant l’audience devant la chambre du conseil. Vous pouvez également solliciter des devoirs d’enquête complémentaires par requête. Si le juge d’instruction refuse de les exécuter, vous disposer d’un droit de recours devant le chambre des mises en accusation.

Puis-je interjeter appel ?

Vous ne pouvez pas interjeter appel d’une ordonnance de renvoi, sauf en cas d’irrégularité, d’omission ou de cause de nullité affectant un acte d’instruction, l’obtention de la preuve ou relative à l’ordonnance de renvoi, si vous invoquez une cause d’irrecevabilité ou d’extinction de l’action publique.

Peut-on me reprocher une infraction pour laquelle j’ai déjà été poursuivi dans un autre État membre de l’Union européenne ?

En principe non.





Delphine Paci

Xavier Van Der Smissen

Avocats au barreau de Bruxelles



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