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La durée du procès judiciaire

Sophie Van Bree

Vendredi 25.09.09

1. Au secours, je dois faire un procès !

Votre voisin a abattu le mur mitoyen et refuse de le reconstruire… Vous avez placé une terrasse chez un client qui ne vous paie pas… La personne à qui vous avez prêté de l’argent refuse de vous rembourser… Votre appartement est inondé et votre assurance traîne pour intervenir… Un commerçant vous réclame le paiement d’une facture pour un bien que vous n’avez jamais commandé….

Vous avez tout essayé pour régler le problème à l’amiable. En vain. Comme dit dans le jargon judiciaire, « toutes tentatives amiables sont demeurées vaines ». Il va falloir contraindre l’autre à respecter vos droits, que ce soit en attaquant ou en défendant.

En d’autres termes, il va falloir « aller en justice », intenter un procès ou se défendre dans une procédure judiciaire.

Et là, c’est la panique, à tout le moins un grand stress. Subitement, les images des chantiers publics réfection des voiries (avec son cortège de commerces en faillite tant cela dure), ouverture des trottoirs (sur un air de quatre saisons), réfection de la place St Lambert à Liège (tiens, devant le Palais de justice justement !) vous sautent aux yeux.

Des chantiers interminables, qui s’étendent sur des mois et souvent, des années. En ira-t-il de même pour mon procès ?

Et la question, bien légitime, se pose : quelle sera la durée du procès ? Combien de temps cela va-t-il prendre ?

Pas facile de répondre à cette question. Je vais tenter de vous y faire voir un peu plus clair : gros plan sur les délais de procédure et petite enquête sur les méandres d’un procès (cf. note 1) .


2. Première étape : le rendez-vous chez l’avocat

Bien sûr, vous pouvez toujours vous défendre vous-même, à condition de respecter scrupuleusement les règles de procédure (ce qui implique la lecture du Code judiciaire, à tout le moins des articles 700 à 800 environ). Cela étant, certaines personnes y arrivent, et parfois même très bien.

D’autres préfèrent faire appel à l’avocat, dont c’est le métier.

Après la première consultation, souvent, l’avocat enverra une lettre de mise en demeure à « l’adversaire ». Cela peut suffire, dans certains cas, à résoudre le litige. Happy end, que l’on vous souhaite tous.

Malheureusement, cette mise en demeure ne suffira pas toujours. L’avocat introduira alors une procédure en justice, soit par requête [c’est-à-dire un document dans lequel l’avocat y expose brièvement les tenants et aboutissants du conflit, l’objet de la demande (ce que vous demandez) qu’il dépose directement au greffe (cf. note 2), sorte de secrétariat du tribunal), soit par citation (il s’agit d’un document similaire, mais qui est envoyé à l’adversaire via un huissier].

A ce moment, l’affaire est « inscrite au rôle ». Cela veut dire que vous avez un « rendez-vous » avec votre adversaire, devant un juge, à la date que le greffe vous aura donnée. De manière générale (sauf urgence particulière et expliquée : on se trouve alors dans ce qu’on appelle une procédure « en référé »), cette date se situe environ un mois après le dépôt de la requête ou l’envoi de la citation. C’est ce que l’on appelle l’audience d’introduction.


3. Premier rendez-vous devant le juge : l’audience d’introduction

Voilà venu le jour J, ou un des jours J, dirons-nous.

Selon la nature de votre affaire ou le montant de l’enjeu, vous pouvez vous trouver devant le tribunal de première instance, le juge de Paix, le tribunal de police ou le tribunal de commerce.

Votre affaire va-t-elle déjà y prendre fin ? Peut-être, pas sûr. La justice peut avoir des allures de meuble à tiroir. Quand ce n’est pas l’un, il faut ouvrir l’autre.

Premier tiroir : L’article 735 du Code judiciaire : les débats succincts

Votre avocat (ou vous-même) aurez sans doute pris soin de mentionner dans votre requête ou votre citation le fameux article 735 du Code judiciaire, selon lequel votre affaire «n’appelle que des débats succincts » .

Cela signifie que les explications de votre affaire sont brèves (sorte de « maximum quinze minutes » ; par exemple : la facture n’est pas contestée, votre emprunteur reconnaît vous devoir de l’argent mais demande à pouvoir payer en plusieurs mensualités. Dans ce cas, votre affaire est plaidée à cette audience d’introduction (ou éventuellement à une audience fixée à brève échéance, souvent quinze jours plus tard : soit qu’il y a déjà trop d’affaires à plaider à cette audience d’introduction et que le juge n’y dispose plus de suffisamment de temps pour vous entendre, soit qu’une des parties demande une remise (un report de l’affaire) parce qu’il souhaite apporter des pièces : des photos, une facture, etc.).

Le juge rend le jugement au plus tard un mois après l’audience où l’affaire a été plaidée et « prise en délibéré ».

Ce jugement passe ensuite au greffe et à l’enregistrement (formalité fiscale) : il faut compter encore trois semaines environ, même si l’article 792 du Code judiciaire prévoit un délai de huit jours maximum pour que vous ou votre avocat receviez ce jugement.

Ensuite, soit votre adversaire s’exécute, soit il faut lui faire signifier le jugement, via un huissier de justice : comptez maximum un mois supplémentaire.

Si votre adversaire ne fait pas appel, votre affaire est terminée.

• Soit un délai entre environ deux et trois mois et demi

Surprise : c’est rapide et efficace. Il faut évidemment que la nature de l’affaire le permette (on l’imaginera mal lorsqu’une expertise est nécessaire, en matière de construction par exemple. Ceci étant, dès l’audience d’introduction, le juge peut désigner un expert, pour éviter toute perte de temps).


4. Le renvoi devant une chambre civile de fond du tribunal

Cependant, l’article 735 du Code judiciaire ne s’appliquera peut-être pas : soit vous ne l’avez pas invoqué, soit, tout simplement, votre affaire nécessite de plus amples explications (ex : l’affaire de construction visée ci-dessus, avec de multiples intervenants).

Votre affaire est alors renvoyée devant une chambre dite de fond.

Comment se déroule la procédure, combien de temps cela va-t-il prendre ?

Et c’est reparti dans la valse des tiroirs


Deuxième tiroir : Les articles 747 ou 750 du Code judiciaire

- Soit le juge (à l’audience d’introduction) acte un « calendrier amiable d’échange de conclusions », soit il l’impose dans une ordonnance (qui est une décision de justice) : dans les deux cas, il s’agit d’une application de l’article 747, § 1er, ou § 2, du Code judiciaire.

- Soit l’affaire est « renvoyée au rôle », à la demande conjointe des parties, qui pourront ensuite demander ensemble qu’elle soit fixée à une audience dite « de fond’ (article 750 du Code judiciaire).

Zoom sur ces deux articles de procédure.


4.1. La mise en état de l’affaire : le fameux 747 du Code judiciaire

Depuis la nouvelle loi sur l’accélération des procédures (qui ne les accélère pas nécessairement, au contraire, parfois même, elle les ralentit, malheureusement), l’article 747 du Code judiciaire est devenu INCONTOURNABLE ou presque, dans tout procès civil (sans être un « must have » pour autant).

Que dit cet article 747 du Code judiciaire ?

Il invite les parties à un procès (art. 747, § 1er), ou impose au juge lorsque les parties ne se sont pas mises d’accord (art. 747, § 2), de fixer des dates d’échéance obligatoires pour la rédaction et l’échange des conclusions et de fixer déjà une date pour la plaidoirie. Le mot « conclusions » est le nom donné au document dans lequel chaque partie consigne son argumentation, en fait et en droit, auquel le tribunal devra répondre dans son jugement. Ces conclusions, comme toutes les pièces que chacun invoque, doivent être communiquées à chaque partie : c’est ce qui garantit ce l’on appelle le caractère contradictoire d’un procès, qui permet de s’assurer que le juge statue en pleine connaissance de cause après que chacun ait pu répondre à chacun, également en pleine connaissance de cause.

En règle, chaque partie aura un mois pour conclure, et éventuellement quinze jours supplémentaires pour répondre de manière additionnelle.


Donc, en théorie, pour une affaire opposant deux justiciables, il faut compter :

- 1 mois pour l’introduction : soit le juge acte un calendrier, soit il l’impose par ordonnance (dans ce dernier cas, compter 1 mois et demi supplémentaire) ;
- 2 mois pour les premières conclusions (pour les deux parties)
- 1 mois pour les conclusions additionnelles (pour les deux parties)
- 3 mois pour la fixation à une audience où les parties plaident oralement devant le juge ;
- 1 mois pour le prononcé du jugement (sauf si l’affaire se révèle très complexe : le juge pourrait avoir besoin plus de temps)
- 15 jours à 3 semaines pour l’enregistrement et l’envoi.
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• Total : entre 8 mois et demi et 10 mois.


Qu’en est-il dans la réalité ?

Dès l’audience d’introduction, si votre affaire n’y est pas plaidée (et si personne ne demande de remise), vous fixez un calendrier d’échange de conclusions (ou le juge vous l’impose) et vous connaissez la date à laquelle votre affaire sera plaidée.

Certes, ceci est une petite révolution en soi puisqu’avant la loi sur l’accélération des procédures, votre affaire était renvoyée dans une sorte de « stockage » et en ressortait ensuite pour être fixée à une audience, en fonction de l’évolution du stock et selon que votre affaire était ou non prête à être plaidée : vous n’aviez pas connaissance, dès le début de la procédure, de la date de plaidoirie).

Ce souci de transparence est positif.

Néanmoins, le système a des failles : il serait parfait s’il y avait un nombre suffisant de juges (à tout le moins à Bruxelles). Ce nombre faisant défaut, le résultat, c’est un embouteillage : un peu comme si, pour arriver à Bruxelles, l’on avait construit des autoroutes à deux bandes, là où il en faudrait six, voir huit.

Concrètement, après l’instauration de cette procédure de fixation obligatoire aux audiences, toutes les audiences (à Bruxelles, en première instance) se sont très rapidement « remplies », de telle sorte qu’à l’heure actuelle, il n’y a plus de place avant un an minimum : à ce jour, selon les chambres, on fixe entre juin 2010 et septembre-octobre 2010. Mais, dans les chambres fiscales, il n’y a plus d’audience disponible avant 2012 !

Dès lors, dans le meilleur des cas, le délai pour voir votre affaire plaidée, pour l’heure (ce délai s’allonge de mois en mois), est de minimum un an (auquel s’ajoutent les délais d’introduction, ceux prévus par l’article 747 du Cj (voyez ci-avant), de délibéré (temps mis par le Juge pour rendre son jugement) et celui de l’enregistrement du jugement et de l’envoi de celui-ci par le greffe aux parties.


Vous venez de vous heurter au célèbre arriéré judiciaire.


4.2. La fixation sur la base de l’article 750 du Code judiciaire

Etait-il préférable alors d’éviter l’application de l’article 747 du Code judiciaire à l’audience d’introduction et d’y demander le « renvoi au rôle » de votre affaire (c’est-à-dire sa mise au frigo) pour la faire fixer ensuite (la faire sortir du frigo) sur la base de l’article 750 du Code judiciaire lorsque les conclusions ont été échangées ?

Pas sûr.

Comment cela se passe-t-il dans cette dernière hypothèse ?

- Premier cas de figure : vous vous êtes mis d’accord pour conclure chacun à votre tour : l’affaire est en état d’être plaidée et soumise au juge et vous demandez donc une date de plaidoirie sur la base de l’article 750 du Code judiciaire : de deux choses l’une :

. Soit vous avez vraiment beaucoup de chance, il y a précisément une affaire fixée qui « tombe » et le greffe peut fixer votre affaire à la place ; la vôtre sera alors fixée entre 8 jours et quelques mois plus tard ! Votre affaire prend une magnifique avance par rapport à une affaire fixée sur la base de l’article 747 du Code judiciaire. Ça arrive. Un tel heureux hasard demeure néanmoins exceptionnel.

. Soit le greffe fixe à la première date d’audience libre : or, toutes les audiences sont complètes, voire même « overbookées » : comptez minimum un an, comme on l’a vu plus haut, et ce alors que votre affaire est prête. Votre affaire prend du retard par rapport à une affaire fixée sur la base de l’article 747 du Code judiciaire.

- Second cas de figure : vous ne vous êtes pas mis d’accord pour les dates d’échange des conclusions et l’une des parties « traîne la patte » : vous demandez alors au juge de fixer des délais pour conclure et pour plaider, sur la base de l’article 747, § 2, du Code judiciaire (voyez ci-dessus). Délai : minimum un an., comme vous le savez maintenant

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Pour résumer : quelle est la durée d’un procès, de l’introduction au jugement ?

• Actuellement, comptez minimum quinze mois.

C’est à la fois peu et beaucoup :

- peu au regard de la complexité de certaines affaires : les avocats et justiciables doivent disposent du temps nécessaire pour la « mise en état » de l’affaire (c’est-à-dire pour faire en sorte que l’affaire soit prête, au moment où elle devra être plaidée) ;

- beaucoup, et beaucoup trop long, au regard d’autres affaires, soit parce qu’elles sont relativement simples (et qu’elles pourraient être « en état » bien avant un an : l’ancien système permettait plus facilement et plus rapidement leur fixation), soit parce que, tout simplement, derrière ces affaires, il y a une victime (par exemple, en cas d’erreur médicale ou d’accident corporel) ; la relative lenteur des fixations est alors péniblement vécue.


Donc, environ quinze mois , me direz-vous ?

Je vous répondrai : environ quinze mois, sauf circonstances propres au dossier, bien sûr.

Quelles sont-elles ? Nouveaux tiroirs :


Troisième tiroir : l’expertise

Certaines affaires ne peuvent être prêtes telles quelles. Les avocats et les juges sont des spécialistes en droit, certes. Mais, en bon spécialistes, ils ne peuvent pas être spécialistes en tout : or, certaines affaires posent des questions techniques, parfois très pointues : dans les matières médicale, informatique, de construction, etc.

Ces affaires nécessitent l’avis d’experts (articles 962 et suivants du Code judiciaire).

La procédure sera donc ralentie, ou allongée, puisqu’il faudra une audience pour demander la désignation un expert (si les parties ne sont pas d’accord pour une expertise amiable), ce qui peut impliquer:

- la mise en état pour cette audience (échange de conclusions éventuelles, avec les incidents que cela peut comporter en cas de forte contestation),
- un jugement en désignation d’expert (à cet égard, il est important que le juge fixe des délais pour les réunions, le dépôt des rapports de l’expert, etc.),
- les réunions avec l’expert,
- le dépôt du rapport de l’expert.

Ensuite, la procédure « au fond » pourra commencer, chacune des parties pouvant alors se servir du rapport pour appuyer ses demandes ou sa défense. Mais ce ne sera qu’à partir du dépôt du rapport de l’expert que des délais pour conclure et pour fixer la date de plaidoiries pourront être décidés, comme expliqué plus haut.

A noter que le juge est chargé du contrôle de l’expertise et notamment du dépassement des délais fixés. En principe, le rapport final de l’expert doit être déposé dans les six mois de la désignation de l’expert (article 974 du Code judiciaire). Malheureusement, très souvent, ce délai est peu réaliste ; il est donc rarement respecté.

Quel est le délai pour ces affaires ? Il est impossible à évaluer : il faut prendre en compte :

- le délai pour la désignation de l’expert : entre un mois (si désignation a lieu à l’audience d’introduction) et, en fonction du nombre de parties (chacune d’elles bénéficiant d’un mois pour conclure, dès la réception des conclusions de son adversaire). A noter qu’en cas de mauvaise volonté d’une des parties, les autres peuvent faire fixer l’affaire devant le juge du fond à tout moment.
- le délai pour l’expertise même : en théorie, six mois ; en pratique, compter un bon huit mois en moyenne (ce délai reste soumis au nombre de parties au procès, à la complexité du cas, à la diligence de l’expert, etc.)
- le délai pour mettre l’affaire en état par la suite : on a vu plus haut que, si c’est la procédure de l’article 747 du Code judiciaire qui est mise en œuvre, il faut compter un 1 an pour espérer disposer d’une audience libre.


Quatrième tiroir : l’article 748 du Code judiciaire

Il arrive également qu’une affaire qui était en état, ne le soit subitement plus, parce qu’après l’échange des dernières conclusions une des parties a eu connaissance d’un « élément nouveau et pertinent » (par exemple : le litige concerne l’occupation d’un immeuble qui s’est effondré entretemps ; une partie invoque le vice d’un appareil et la firme a fait procéder au rappel de tous les appareils de ce type et de cette série, etc.).

Dans ce cas, la partie qui le souhaite peut demander au juge de nouveaux délais pour conclure.

Le juge accepte ou refuse.

S’il accepte, très souvent, l’affaire ne sera plus en état pour la date d’audience à laquelle elle a été fixée, et il faudra lui trouver une nouvelle date. Le souci, c’est que toutes les audiences sont complètes… et voilà votre affaire reportée, pour de très justes raisons, mais reportée à une date qui s’apparente un peu trop aux calendes grecques…

• Délai : un gros risque d’attendre un an supplémentaire, malheureusement (compte tenu de l’absence d’audiences libres).


Cinquième tiroir : les divers

Jour J, encore un. Vous voilà arrivé à l’audience de plaidoiries.

Est-ce la fin de vos attentes ? Souvent, oui. Mais ce n’est pas sûr non plus. Et n’y voyez pas de la mauvaise volonté. Il peut se passer de multiples choses qui vont retarder votre procès, comme :

- l’introduction d’une procédure parallèle, au pénal : c’est le fameux adage « le pénal tient le civil en état » : si l’issue de la procédure au pénal a une incidence sur le fond de votre procès, le juge civil doit attendre cette issue et il ne pourra prendre votre affaire.

- tout problème de procédure ou « d’ordre public » (c’est-à-dire d’une importance telle que cela dépasse les intérêts particuliers pour mettre en cause ceux de la société dans son ensemble), que le juge devra soulever ; par exemple, votre demande porte sur la contestation de la propriété d’un immeuble : s’il n’y a pas eu d’inscription de cette action en justice, en marge de la transcription du titre de propriété dont l’annulation est demandée, le juge ne peut statuer ; idem lorsqu’une société demanderesse, dans une cause, omet de préciser son numéro d’inscription à la banque-carrefour des entreprises ;

- parfois, malheureusement, une partie ou un avocat « oublie » de venir, ou est souffrant, ou encore les temps de plaidoiries sont insuffisants : autant de risques de voir son affaire reportée, avec des délais de report désormais déraisonnables (avant la nouvelle loi, les affaires étaient fixées de trois en trois mois, ce qui laissait la possibilité d’intercaler plus facilement des remises) ; même si le juge essaiera toujours, dans la mesure du possible, de fixer à une date plus rapprochée, en plus de ses autres affaires déjà fixées, parfois, c’est tout simplement impossible : il n’y a plus de place.

• Délai : un gros risque d’attendre un an supplémentaire, malheureusement (compte tenu de l’absence d’audiences libres).



Sixième « tiroir » : le retard du juge

Eh oui, cela arrive : il arrive que le Juge prenne plusieurs mois pour rédiger son jugement.

Cela peut se justifier lorsque certaines affaires sont particulièrement complexes : par exemple, lorsque des avocats hautement spécialisés ont eu besoin de plusieurs mois pour la mettre en état, déposent des centaines de pages de conclusions (de part et d’autre) et des centaines de pièces à l’appui de leur demande, il n’est pas réaliste d’exiger du juge qu’il remette son jugement dans le mois.

C’est une simple question de bon sens, sous peine de confondre justice rapide et justice expéditive.

Pour autant, la règle est que le Juge prononce son jugement dans le mois ; cette règle est assez fort respectée au Tribunal de première instance de Bruxelles. Les retards dans le prononcé des jugements sont légers et de plus en plus rares.

• Délai : entre un (la norme) et trois mois, voire plus (c’est exceptionnel)


Septième tiroir : les recours

Enfin, votre affaire est jugée.

Est-ce terminé pour autant ?

Malheureusement non, si votre adversaire (ou vous-même) interjetez un appel. Vous voilà reparti pour un tour supplémentaire, avec des délais de fixation plus longs qu’en première instance (à tout le moins à la Cour d’appel de Bruxelles). Question de nombre de juges, une fois encore.

En même temps, il est essentiel de pouvoir faire valoir ses droits.

• Délai : entre 15 mois et 2 ans (voire plus).


En conclusion :

- Soit votre affaire ne nécessite que des débats succincts (art. 725 du Code judiciaire) : la procédure est alors très rapide :

o un mois pour la fixation de l’affaire après la citation (ou la requête) ;
o soit l’affaire est prise en délibéré immédiatement, soit elle est remise à bref délai ;
o un mois pour le prononcé du jugement ;
o 15 jours à trois semaines pour l’envoi du jugement.
o Total : entre 2 et 3 mois et demi.

- Soit votre affaire suit la procédure normale (art. 747 ou 750 du Code judiciaire) :

o un mois pour la fixation de l’affaire après la citation (ou la requête) ;
o calendrier immédiat ou ordonnance (un mois et demi) ou renvoi au rôle :
-si calendrier : minimum un an ;
-si renvoi au rôle (soit fixation sur la base de l’article 750 du Code judiciaire : aléatoire : très rapide ou minimum un an à partir de la demande de fixation ; soit fixation sur la base de l’article 747 du Code judiciaire : minimum un an à partir de la demande de fixation)
o un mois pour le prononcé du jugement (sauf si exceptions : voyez plus haut les troisième à sixième « tiroirs » : expertise, etc.) ;
o 15 jours à trois semaines pour l’envoi du jugement.
o Total : entre 15 mois et…. beaucoup plus.



Pour de petites affaires simples, les délais paraissent anormalement longs. D’autre part, une fois sur les rails, la procédure devrait se dérouler sans encombre, et le délai, entre un an et 15 mois, sera respecté.

Pour des affaires plus complexes, les délais se justifient et permettent une mise en état adéquate. Le souci résidera, dans ces cas, soit dans l’attitude dilatoire (qui cherche à ralentir l’affaire) d’une des parties (si elle n’est pas suffisamment contrecarrée par les autres), soit par des problèmes de procédure de dernière minute qui risquent d’en retarder longuement l’issue.

Ou le remake judiciaire de la fable du lièvre et de la tortue…

Bien sûr, ces délais sont donnés à titre exemplatif, de façon générale. Il est difficile de préciser davantage tant la procédure que les délais. Mais, de manière générale, ce sont à ces délais que sont actuellement confrontés les justiciables, pour une procédure à Bruxelles.


Sophie Van Bree,
Juge au Tribunal de première instance de Bruxelles



Notes:

(1) Je ne me référerai qu’à un procès civil, en première instance, à Bruxelles. Il est clair que les délais de fixation sont différents, d’un tribunal à l’autre, d’un arrondissement à l’autre. Mais, de manière générale, les principes exposés et les problèmes rencontrés, sont similaires.
(2) Le greffe doit alors envoyer cette requête à la partie adverse, sauf lorsqu’il s’agit, dans des cas exceptionnels, d’une requête dite « unilatérale », par exemple en cas d’extrême urgence.

NDLR:

Cet article a été initialement publié sur Justice en ligne.






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Source : Justice en ligne


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