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Jeux et paris en ligne, espoirs d´évolution en vue

Par Paul Van den Bulck [McGuireWoods]

Mercredi 03.06.09

Les jeux, loteries et paris sont une activité particulière. En effet, les Etats considèrent généralement que cette activité doit être canalisée pour des motifs impérieux d’intérêt général. En Belgique les motifs d’intérêt général avancés sont la protection de l’ordre social et la protection du consommateur. En vertu de ces motifs, la plupart des Etats se sont donc réservés le monopole de ces activités, en les organisant et les poursuivant eux-mêmes ou en accordant des licences d’exploitation à des tiers. La structuration en monopole ou quasi-monopole n’a toutefois pas découragé le consommateur. Ce dernier est demeuré très friand de jeux, loteries et autres paris. En conséquence, les Etats ont toujours considéré, à raison, que cette activité était importante pour le trésor public et donc, à mots couverts, que la situation de monopole se justifiait d’autant plus…

En Europe, pour des motifs de droit communautaire, on assiste depuis quelques années à une redistribution des cartes. En bref, la Commission européenne ne voit pas d’un bon œil une réservation d’un monopole fondée notamment sur le motif de protection du consommateur, alors qu’elle constate dans le même temps que la plupart des Etats encouragent vivement leurs citoyens à jouer et que les loteries nationales font preuve d’une imagination débordante pour proposer des produits de plus en plus attractifs. Cette redistribution de cartes est par ailleurs devenue inévitable, depuis que dans le même temps la Commission Européenne a constaté que certains opérateurs privés de jeux, loteries et paris disposaient de licences parfaitement valables dans un de pays de l’Union, mais se heurtaient aux monopoles nationaux lorsqu’ils offraient des services transnationaux au sein du territoire européen. Ce constat n’a fait que se confirmer avec l’offre véhiculée par les services de la société de l’information (l’Internet, les SMS, les programmes télévisés transfrontaliers, etc …).


Evolution communautaire

En vertu de l’article 49 du Traité CE qui interdit les restrictions à la libre prestation de services au sein de l’Union, la Commission a invité bon nombre d’Etat à revoir leur législation en matière de jeux, loteries et paris, pour la rendre conforme au droit communautaire. Certains Etats n’ont commencé à réagir qu’après une réaction très ferme de la Commission. D’autres, sans attendre cette réaction ont préféré entamer une réflexion. La Belgique fait partie de cette dernière catégorie, même si dans la réalité cette réflexion a du mal à se concrétiser dans un texte législatif définitif. Ainsi, le 27 mars dernier, le Conseil des ministres a approuvé le projet de loi Devlies (Secrétaire d’Etat compétent pour les jeux de hasard). Ce projet fait lui-même suite à un autre projet de loi du 7 décembre 2006 «portant des dispositions diverses relatives aux jeux de hasard». En considération de ce qui précède et de l’état actuel du droit belge en la matière, une réforme est réellement nécessaire.


Règlementation actuellement applicables en matière de paris

L’exemple des paris montre la nécessité d’une réforme. En matière de paris il faut actuellement distinguer les paris sportifs, les paris sur les courses de chevaux et les paris sur les évènements. Ces trois types de paris sont soumis à des cadres règlementaires différents, ce qui bien évidemment rend le régime confus. En ce qui concerne les paris sportifs, ceux-ci sont règlementés par la loi du 26 juin 1963 relative à l’encouragement de l’éducation physique, de la pratique des sports et de la vie en plein air ainsi qu’au contrôle des entreprises qui organisent des concours de paris sur les résultats d’épreuves sportives. L’organisation de ces paris est soumise à une autorisation des Ministres qui ont l’éducation physique et les sports dans leurs attributions. En outre, seuls les paris mutuels sont prévus par cette loi de 1963. Il s’agit des paris pour lesquels un organisateur intervient en tant qu’intermédiaire entre les parieurs pour rassembler les mises et répartir les gains. Par contre, les paris à côte fixe (paris pour lesquels les parieurs ne jouent pas entre eux mais engagent leur mise contre l’organisateur qui est tenu au paiement des gains aux joueurs chanceux), ne sont pas réglementés. En ce qui concerne les paris sur les courses de chevaux, ils sont régis par l’arrêté royal du 8 juillet 1970 relatif au cadre général concernant le prélèvement des impôts. Leur organisation est soumise à l’autorisation du Ministre des Finances. Enfin, les paris sur les évènements sont régis par la loi « générale » du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs. Aucun régime de licence n’est prévu pour ceux-ci, ils sont donc prohibés en droit belge.


Le cas particulier des paris en ligne

Les différents textes réglementant l’organisation de paris ne prévoient pas expressément le cas des paris organisés par l’intermédiaire de l’Internet. Sous réserves des considérations de droit européen, ils sont donc soumis au même régime d’autorisations et d’interdictions que les paris traditionnels. C’est là bien entendu que réside le problème, puisque le cadre règlementaire n’est plus du tout adapté à l’offre croissante des sites de paris en ligne. En conséquence, dans la configuration actuelle, tant les sociétés de paris disposant d’une licence dans un autre Etat européen que les sites « pirates » sont appréhendés de la même manière par le droit belge, c'est-à-dire comme des contrevenants. Ainsi sont mis sur même un même pied, d’une part, des sociétés reconnues, ayant un savoir faire et une réputation acquise de longue date, et n’ayant rien à envier des monopoles d’Etat et, d’autre part, des sociétés qui ne sont soumises à aucun contrôle et opérant à partir de territoires étrangers à l’Union européenne.


Evolution du cadre législatif

Dans un souci de clarification et d’adaptation aux évolutions technologiques, le gouvernement a donc, après son premier projet de décembre 2006, approuvé un nouveau projet ce 27 mars 2009. Ce dernier projet est actuellement soumis à l’examen du Conseil d’Etat.

En bref, ce projet :

- uniformise la réglementation sur les paris, en plaçant tous les types de paris dans le champ d’application de la loi sur les jeux de hasard. L’organisation de paris sera donc subordonnée à l’octroi de licences délivrées par la Commission des jeux de hasard.

- étend les pouvoirs de la Commission des jeux de hasard, notamment en matière de contrôle. Elle sera chargée de contrôler le respect des conditions d’octroi de licences (solvabilité, bonne gestion…) mais aussi de prévenir les fraudes et trucages. Elle pourra infliger des amendes administratives allant de 143 à 550.000€.

- encadre les jeux de hasard sur Internet. Pour pouvoir proposer de telles activités en ligne, il faudra être titulaire d’une licence réservée à ceux exploitant des jeux de hasard dans le monde réel. Cette licence sera limitée aux mêmes activités que celles que propose l’organisateur dans le monde réel. La Commission des jeux de hasard sera chargée de contrôler le bon déroulement des jeux en ligne, ainsi que de l’établissement d’une liste noire des sites de paris non autorisés, dont l’accès devra être bloqué par les fournisseurs d’accès Internet.

- étend l’interdiction des paris à certaines catégories d’âge. La participation aux paris est interdite aux mineurs, et la participation aux jeux de hasard en ligne (hors paris) est interdite aux moins de 21 ans.



Conclusion

Après des années de confusion et d’incertitudes, le projet de loi actuel pourrait venir uniformiser et actualiser le droit sur les paris et les jeux de hasard en ligne.

Cependant, les observations de la Commission européenne, à laquelle le projet de loi a été notifié, pourraient obliger le gouvernement à modifier son texte si celui-ci n’était pas conforme à l’article 49 du traité CE. En effet, l’exigence d’établissement dans le monde réel pour pouvoir exploiter des sites de jeux de hasard en ligne, semble aller à l’encontre du principe de libre prestation de service au sein de l’Union. Elle conduirait à empêcher les prestataires légalement titulaires d’une licence d’exploitation dans un autre Etat membre de proposer leurs services en Belgique. Or, la Commission Européenne tente précisément depuis plusieurs années de mettre fin à ce type d’entraves, qu’elle a pu constater dans une dizaine de pays.



Paul Van den Bulck
Avocat associé McGuireWoods
Chargé d’enseignement à l’Université de Paris II Panthéon-Assas





Source : DroitBelge.Net - Actualités - 3 juin 2009


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