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[EN BREF] Une si vieille facture...

Par Thierry Corbeel

Lundi 26.03.07

Introduction

Peut-on encore réclamer le paiement d’une facture vieille de plusieurs années ? A l’inverse, est-on encore tenu de payer une dette lorsque le créancier est resté silencieux et inactif pendant cinq, dix, quinze ou vingt ans ?


Prescription

La première question à se poser est bien sûr celle de la prescription. La réponse dépendra de la nature de la créance.

La matière fourmille de règles, d’exceptions, de mesures transitoires et de régimes particuliers. Bref, c’est véritable casse-tête pour les praticiens.

Pour simplifier, retenons que si la dette résulte d’un contrat, la règle générale est celle de la prescription décennale. La dette est donc éteinte si le créancier est resté inactif pendant dix ans.

Il existe cependant de nombreuses prescriptions plus courtes en matière de contrat:

- créances des hôteliers et restaurateurs : 6 mois ;

- créances des huissiers : 1 an ;

- créances d’indexation des loyers : 1 an ;

- honoraires d’avocats : 5 ans à partir de la fin de leur mission ;

- créances des prestataires de soins : 2 ans à compter de la fin du mois au cours duquel les soins ont été donnés ;

- créances des marchands pour les marchandises vendues à des non-commerçants : 1 an (mais si la facture a été acceptée et reconnue par écrit, on en revient à la règle de la prescription décennale).

- etc...


Il convient également d’être attentif aux dispositions en matière d’interruption de la prescription.

Ainsi, en principe, la prescription sera interrompue :

• par une action en justice (p.e. une citation ou une saisie) ; la prescription recommencera à courir à partir de la fin de l’instance judiciaire. En règle, le jugement rendu sera prescrit après 10 ans (sauf nouvelle interruption, par exemple en cas de saisie exécution), même si l’affaire portait sur un droit soumis à une prescription courte.

• par la reconnaissance, expresse ou tacite, de la dette par le débiteur ; la prescription recommencera à courir dès le lendemain de la reconnaissance.

En règle générale, le délai de prescription sera inchangé.

Par contre, une mise en demeure du débiteur n’interrompt pas la prescription.


Abus de droit

Le fait pour le créancier de ne prendre aucune mesure pendant un long délai pour recouvrer sa créance crée, dans le chef du débiteur, une croyance légitime que celui-ci a abandonné sa créance.

Ce créancier découragé, paresseux ou mal organisé dépasse manifestement les limites de l’exercice de son droit par une personne normalement diligente et prudente. En ce sens, il abuse de son droit. Il est donc fautif, mais pour autant son droit de créance demeure.

Ainsi donc, le plus souvent, la sanction d’un tel comportement consistera, non pas en l’effacement pur et simple du droit de créance, mais bien en la réduction de ce droit à ce qu’il eut été si le créancier n’avait pas tant tardé.

Concrètement, le débiteur devra payer la facture, mais pas les intérêts de retard courants pendant la période d’immobilisme fautif du créancier (Mons, 3 fév. 2004, DAOR, 2004, p. 61).

Reste à déterminer à partir de quand le retard du créancier devient anormal.

Tout est cas d’espèce et dépendra, notamment, de la personne du créancier (institution (semi-)publique, société commerciale, personne privée).

On peut toutefois estimer qu’au-delà de trois ans, l’affaire devient "plaidable".




Thierry Corbeel
Avocat au barreau de Nivelles




Source : DroitBelge.Net - En pratique - 26 mars 2007


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