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Une nouvelle loi assurant la protection des sources des journalistes

Par Paul Van den Bulck

Mardi 29.03.05



Note: mise à jour (27.04.2005)

La loi du 7 avril 2005 relative à la protection des sources des journalistes a été publiée au Moniteur Belge le 27 avril 2005.



Le 17 mars 2005, la Chambre des Représentants a définitivement adopté le projet de loi relatif à la protection des sources des journalistes.

Fruit du travail de plusieurs parlementaires, parmi lesquels MM. Geert Bourgeois et Olivier Maingain à la Chambre, et Philippe Mahoux au Sénat, ce texte introduit un droit qui jusque là n’avait pas fait l’objet d’une réglementation légale en Belgique.

Ce droit est celui des journalistes et des collaborateurs de rédaction de taire leurs sources d’information.

Par journaliste, la loi entend toute personne qui, dans le cadre d’un travail indépendant ou salarié, ainsi que toute personne morale, contribue régulièrement et directement à la collecte, la rédaction, la production ou la diffusion d’informations, par le biais d’un média, au profit du public.

Bénéficient également de la protection de leurs sources les collaborateurs de rédaction, soit toute personne qui, par l’exercice de sa fonction, est amenée à prendre connaissance d’informations permettant d’identifier une source et ce, à travers la collecte, le traitement éditorial, la production ou la diffusion de ces mêmes informations.

Sauf dans certains cas prévus par la loi, les journalistes et collaborateurs de rédaction ne peuvent pas être contraints de révéler leurs sources d’informations et de communiquer tout renseignement, enregistrement et document susceptible notamment :


1. de révéler l’identité de leurs informateurs ;

2. de dévoiler la nature ou la provenance de leurs informations ;

3. de divulguer l’identité de l’auteur d’un texte ou d’une production audiovisuelle ;

4. de révéler le contenu des informations et des documents eux-mêmes, dès lors qu’ils permettent d’identifier l’informateur.


Au contraire, ils sont tenus de livrer leurs sources d’information si les conditions cumulatives suivantes sont remplies :


1. requête d’un juge;

2. les informations demandées sont de nature à prévenir la commission d’infractions constituant une menace grave pour l’intégrité physique d’une ou de plusieurs personnes en ce compris les infractions visées à l’article 137 du Code pénal, pour autant qu’elles portent atteinte à l’intégrité physique ;

3. les informations demandées revêtent une importance cruciale pour la prévention de la commission de ces infractions ;

4. les informations demandées ne peuvent être obtenues d’aucune autre manière.


De plus, les mesures d’information ou d’instruction telles que fouilles, perquisitions, saisies, écoutes téléphoniques et enregistrements ne peuvent concerner des données relatives aux sources d’information que si ces données sont susceptibles de prévenir la commission des infractions visées ci-dessus et dans le respect des conditions qui y sont définies.

Par ailleurs, les journalistes et les collaborateurs de rédaction ne peuvent être poursuivis sur la base de l’article 505 du Code pénal lorsqu’ils exercent leur droit à ne pas révéler leurs sources d’information.

Enfin, en cas de violation du secret professionnel, ils ne peuvent être poursuivis sur la base de l’article 67, alinéa 4, du Code pénal lorsqu’ils exercent leur droit à ne pas révéler leurs sources d’information.

Comme l’a rappelé le Député Geert Bourgeois aux cours des travaux préparatoires, la Belgique a connu au cours des dernières années plusieurs affaires où des journalistes ont été cités en justice afin de révéler leurs sources. Ceci allait à l’encontre de l’arrêt de principe du 27 mars 1996 de la Cour européenne des droits de l’homme dit « arrêt Goodwin », qui a expressément reconnu le secret des sources des journalistes comme l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse. La Belgique, partie à la C.E.D.H., est donc normalement tenue par l’interprétation donnée par la Cour européenne des droits de l’homme de l’article 10 de la C.E.D.H.

Aussi, il était temps que le législateur belge effectue l’arbitrage nécessaire entre, d’une part, le droit de collecter librement des informations et le secret des sources et, d’autre part, l’intérêt supérieur, tel que l’intérêt qu’il y a à rechercher ou à prévenir une infraction.

Dont acte !



Paul Van den Bulck
Avocat au barreau de Bruxelles (Cabinet ULYS, membre Eurojuris)
Chargé de cours à l'Université




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