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Expertise en matière familiale : nécessité d’un cadre spécifique ?

Elise Gheur

Mercredi 28.06.23


Depuis le 1 er janvier 2023, les experts psychologues désignés par les cours et tribunaux sont contraints de majorer leurs honoraires et frais de la TVA à 21 %. L’expertise, dont le coût était déjà très élevé, devient-elle impayable pour les justiciables ?

Il n’est pas rare en tant qu’avocat d’entendre, dès la réunion d’installation, voire dans la salle d’audience, parler de la problématique du coût de l’expertise. Il est clair que cette question doit être posée puisque, conformément à l’article 875bis du Code judiciaire, le tribunal saisi d’une demande d’expertise doit s’interroger sur le coût de la mesure, en corrélation avec ses bénéfices. L’expertise en matière familiale n’est pas uniquement une mesure d’investigation, mais c’est aussi un réel travail des parents, notamment via la mission de conciliation.

Certains types d’expertise sont effectivement plus propices au travail des parties. En effet, à côté de l’expertise dite classique, les tribunaux confient des missions thérapeutiques (expertise thérapeutique) ou de collaboration parentale (expertise collaborative).

Lors d’un colloque du 21 avril 2023, Mme Servais, juge auprès du Tribunal de la famille de Mons, a précisé que, selon elle, l’objectif de l’expertise n’est pas uniquement la rédaction d’un rapport circonstancié relatif à l’intérêt de l’enfant, mais également la remise en question des parties et le travail de celles-ci autour des besoins de leur(s) enfant(s). Malheureusement, la rigidité de notre Code judiciaire se heurte à la pratique familiale en matière d’expertise. Certains experts se sentent réduits au « bricolage ».

Toujours est-il que la question de missions d’expertise particulières, avec des règles spécifiques en matière familiale, est posée et que certains auteurs s’y intéressent très fortement. Dans le cadre d’un colloque 1 , la psychologue Magali Dufrasnes posait la question de la place de l’expertise, aujourd’hui en matière familiale, en ces termes : « outil procédural, médiation, thérapie ou objet de consommation ? ».

Certains tribunaux, au vu du coût de cette expertise, tentent de responsabiliser les parents en les renvoyant vers des psychologues et médiateurs. Cela n’est néanmoins pas possible dans tous les dossiers. Si l’expertise en matière familiale a encore de beaux jours devant elle, il est important qu’elle demeure accessible financièrement pour éviter une justice à deux vitesses.



Élise Gheur
Avocate au barreau de Mons
Médiatrice familiale





Note:

(1): Les métamorphoses du droit familial, colloque de lancement du Forum de droit familial, 5 mai 2022.


Cet article a été précédemment publié par le même auteur dans le Bulletin Social et Juridique.(www.lebulletin.be)



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