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Fraude fiscale et délai d’imposition : revirement de jurisprudence de la Cour de cassation.

Par Adèle Willems (Hirsch & Vanhaelst)

Lundi 12.06.23

"L’imposition établie dans le délai extraordinaire d’imposition de l’article 354, alinéa 2 du CIR ne peut porter que sur les revenus résultant d’infractions commises dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire".

En vertu de l’article 354, alinéa 1er du CIR, l’administration dispose d’un délai de trois ans à partir du 1er janvier de l’année qui désigne l’exercice d’imposition pour lequel l’impôt est dû pour établir l’impôt ou le supplément d’impôt.

L’article 354, alinéa 2 du CIR prévoit que ce délai est encore prolongé en cas d’infraction commise dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire. Dans ce dernier cas, l’administration fiscale peut effectivement établir l’impôt ou le supplément d’impôt dans un délai de dix ans (ce délai était de sept ans jusqu’à l’exercice d’imposition 2022).

L’application de ce second délai est toutefois subordonnée à des conditions strictes qui supposent que l’administration démontre :

• que le contribuable a commis une infraction aux dispositions du Code des impôts sur les revenus ou des arrêtés pris pour son exécution ; et

•que cette infraction a été commise dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire.

Jusqu’à récemment, lorsque ces conditions étaient effectivement rencontrées, la jurisprudence permettait à l’administration fiscale d’établir l’impôt sur l’ensemble des revenus et non pas uniquement sur les revenus résultant de l’infraction commise dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire.

La Cour de cassation avait à plusieurs reprises confirmé en ce sens que l’administration fiscale était autorisée à imposer dans le délai prolongé « non seulement le supplément d’impôt, c’est-à-dire l’impôt qui est supérieur à celui qui se rapporte aux revenus et aux autres éléments mentionnés dans la déclaration, mais la totalité de l’impôt dû par le contribuable » (Cass., 9 septembre 2011, F.10.0119.F).

La Cour de cassation a toutefois opéré un revirement de jurisprudence par son arrêt du 24 mars 2023, considérant désormais que l’imposition établie dans le délai prolongé de l’article 354, alinéa 2 du CIR (qui était à l’époque des faits de 5 ans) ne peut porter que sur les revenus résultant de l’infraction commise dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire et non sur la totalité de l’impôt (Cass., 24 mars 2023, F.21.0126.N):

« Indien de toepassingsvoorwaarden van de vijfjarige aanslagtermijn van artikel 354, tweede lid, WIB92 zijn vervuld, kan de aanslag gevestigd binnen deze verlengde termijn, enkel betrekking hebben op de met bedrieglijk opzet of met het oogmerk te schaden onttrokken inkomsten en niet op de totaliteit van de uit hoofde van de belastbare inkomsten verschuldigde belasting.

Het Hof komt hiermee terug op zijn eerdere rechtspraak
».

En pratique, cette jurisprudence est incontestablement positive pour le contribuable. Elle alourdit la charge de la preuve qui incombe à l’administration fiscale, tendance parfaitement légitime dans un dossier où le contribuable est accusé de fraude, parfois sans grand discernement, et peut faire l’objet d’investigations et d’impositions dans un délai de dix ans désormais.


Adèle Willems
Avocate au barreau de Bruxelles - Hirsch & Vanhaelst


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