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Augmentation des taux d'intérêts et vente immobilière

Par Laurent Collon [Xirius]

Vendredi 24.03.23

PREAMBULE

Plus personne n’ignore que les taux d’intérêts ont considérablement augmenté ces derniers mois.

Les taux d’intérêts légaux n’échappent pas à la règle.

Ainsi, par exemple, le taux d’intérêts « de base », qui était encore de 1,50 au 31 décembre 2022, est passé à … 5,25 au 1er janvier 2023, soit près de quatre fois plus !

Le taux d’intérêts dans le cadre des transactions commerciales, qui était encore de 8% au 31 décembre 2022, est passé à 10% au 1er janvier 2023.

Quel impact cela peut-il avoir sur les ventes immobilières ?


L’ACCES AU CREDIT

Le premier impact, bien connu, concerne bien entendu l’accès au crédit.

Lorsque l’on sait que la majorité des acquisitions immobilières se font, en Belgique, moyennant le recours à l’emprunt, l’on peut aisément se rendre compte de ce que les acquéreurs ou candidats-acquéreurs sont fortement pénalisés par la hausse du taux des intérêts.

Dans certains cas, l’accès à la propriété est devenu impossible.

Ajoutons à cela le fait que, de plus en plus, les organismes bancaires exigent de recevoir les certificats PEB afin de se rendre compte des performances énergétiques du bien convoité et s’assurer que le candidat-emprunteur aura bien la possibilité financière de faire face non seulement aux mensualités de remboursement de crédit mais aussi aux charges de son bien.

Mais ce n’est pas tout !


LE RETARD DANS LE PAIEMENT DU PRIX

Il peut arriver que l’acheteur ne soit pas en mesure de payer le prix dans le délai.

Ce délai est généralement fixé à quatre mois à dater de la signature du compromis de vente.

Attention : la jurisprudence considère ce délai comme étant constitutif d’une obligation de résultat.

Cela signifie que si le résultat n’est pas atteint, ou encore si l’acte authentique et le paiement du prix n’ont pas lieu dans ce délai de quatre mois, il y a en principe faute dans le chef de l’acquéreur.

Comme de coutume, il sera fait exception à cette règle si l’acquéreur a rencontré un cas de force majeure.

Ainsi, par exemple, s’il a un accident de voiture en se rendant à l’étude du notaire pour signer l’acte et qu’il est hospitalisé.

Dans ce cas, le vendeur ne pourra exciper de cet évènement pour considérer son acquéreur comme étant défaillant à son égard.

Généralement, il est prévu dans les compromis de vente l’obligation pour le créancier, c’est-à-dire le vendeur dans notre exemple, d’adresser un courrier de mise en demeure (par recommandé) à l’acquéreur et de lui accorder un délai de quinze jours pour remédier à sa défaillance.

A défaut, ce même vendeur aura le choix : soit le poursuivre judiciairement en exécution forcée de ses engagements, soit demander au Tribunal de résoudre (casser) le contrat et condamner l’acquéreur au paiement de dommages et intérêts (généralement fixés à 10% du prix de vente).

L’augmentation considérable des taux d’intérêts aura un impact dans deux situations.

La première est celle dans laquelle l’acquéreur remédie à ses manquements dans le délai susmentionné de quinze jours.

Imaginons qu’il ait dix jours de retard par rapport à l’échéance, il devra payer un intérêt de retard sur ces dix jours.

La seconde hypothèse est celle où, arrivé au terme du délai de quinze jours, le vendeur accepte d’accorder un délai de paiement à l’acquéreur et renonce donc ainsi (provisoirement) à engager la procédure judiciaire en exécution forcée du contrat ou en résolution de celui-ci aux entiers torts et griefs de l’acquéreur.

Dans ces deux cas de figure, l’augmentation considérable du taux des intérêts sera d’autant plus pénalisante pour l’acquéreur.

Imaginons un prix d’acquisition de 400.000,00 EUR.

Si le retard est de dix jours, l’acquéreur devra débourser, au titre d’intérêts de retard, un montant de 575,34 EUR, soit 57,34 EUR par jour.

Si son retard avait été accusé avant le 1er janvier 2023, il n’aurait payé que 164,38 EUR, soit 16,43 EUR par jour.

Imaginez si le retard est d’un mois, voire davantage …

Attention que ce retard n’aura pas qu’une incidence sur le plan des intérêts de retard, il en aura aussi au regard du paiement des droits d’enregistrement.

Rappelons que le délai de quatre mois dont il est question ci-dessus est généralement fixé pour tenir compte de l’obligation légale d’enregistrer toute vente immobilière dans ce même délai, à défaut de quoi des sanctions et frais de retard sont eux aussi d’application.

Or, ces intérêts seront, eux aussi, augmentés.

A bon entendeur !




Laurent Collon
Avocat spécialisé en droit immobilier
(Xirius - Avocats)




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