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Peut-on plaisanter en plaidant ?

Steve Gilson

Vendredi 14.10.22

Dans un arrêt du 17 mai 2022, la Cour européenne des droits de l’homme (cf. Note 1) retient qu’il y a eu une violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif à la liberté d’expression, dans une affaire qui concernait une amende (cf. Note 2) pour outrage au tribunal infligée à un avocat qui avait raconté une plaisanterie à l’audience pour illustrer sa critique de la procédure dans laquelle il intervenait pour représenter son client.

La Cour relève que les juridictions internes n’ont pas pris en considération le contexte dans lequel cette plaisanterie était formulée et n’ont pas motivé à suffisance et de manière pertinente l’ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression. La haute juridiction précise que les avocats doivent se comporter avec discrétion, honnêteté et dignité mais qu’il faut également tenir compte du contexte dans lequel les propos ont été tenus. On rappellera du reste que cette liberté d’expression est particulièrement importante pour l’avocat qui plaide. En Belgique, par exemple, on connaît le principe de l’immunité de plaidoiries.

La Cour précise que l’avocat n’a raconté cette plaisanterie qu’au prétoire et non devant les médias, afin d’illustrer une critique portant sur la manière dont les règles de preuves avaient été appliquées. Il n’y avait absolument aucune volonté d’insulter les membres du personnel (cf. Note 3).

Il ne s’agissait pas d’insulter les membres du tribunal; il s’agissait de faire une comparaison avec ce qui avait été jugé par une autre juridiction.

La Bosnie-Herzégovine devra verser au requérant 510 € pour dommage matériel, 4.500 € pour dommage moral et 2.500 € pour frais et dépens.


Steve Gilson
Avocat au barreau de Namur
Maître de conférences à l’UCLouvain
Chargé de cours à l’ICHEC



Notes:

1. Cour eur. D.H., arrêt Simić c. Bosnie-Herzégovie, 17 mai 2022 (requête n° 39 764/20).

2. Il s’agissait d’une amende de 1.000 marks convertible, soit environ 510 €.

3. La plaisanterie parlait d’un professeur qui attendait de ses étudiants qu’ils fournissent non seulement le nombre mais également le nom des victimes du bombardement d'Hiroschima.


Cet article a été précédemment publié par le même auteur dans le Bulletin Social et Juridique.(www.lebulletin.be)


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