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La réparation du dommage par le travailleur



Un entrepreneur en élagage charge un travailleur d’étêter un arbre chez un client: malheureusement, l’arbre écrase la camionnette de l’employeur et détruit une partie de la véranda du client. Scène de la vie courante ? Qui est responsable ? Que peut faire le client ? Qu’en est-il de l’employeur ? Que peut faire l’assureur RC professionnelle de l’employeur ?

Nous avons vu que l’employeur est tenu d’indemniser la victime d’une faute commise par le travailleur dans l’exercice de sa fonction (fiche I consacrée à la responsabilité de l’employeur vis-à-vis des tiers) mais que la responsabilité de l’employeur ne supprime pas la responsabilité du travailleur lui-même si le dommage résulte d’une faute intentionnelle, d’une faute lourde ou d’une faute légère habituelle du travailleur (fiche II consacrée à la responsabilité du travailleur) .

Les question à examiner à présent sont :

• comment l’employeur pourra-t-il poursuivre à charge du travailleur remboursement de ses débours en faveur de la victime et la réparation de son propre dommage ?

• comment la victime peut-elle agir contre le travailleur ?


L’employeur

L’employeur peut s’être vu contraint d’indemniser un tiers pour le dommage causé par le travailleur. Il se peut que le travailleur ait causé un dommage à son employeur considéré ici en tant que chef d’entreprise (dégât à l’outillage, stock, faute de gestion, déficit de caisse ou d’inventaire,…).

Suivant le dernier paragraphe de l’article 18 de la loi du 3.7.1978 sur le contrat de travail, l'employeur peut, dans les conditions prévues par l'article 23 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, imputer sur la rémunération les indemnités et dommages-intérêts qui lui sont dus en vertu du présent article et qui ont été, après les faits, convenus avec le travailleur ou fixés par le juge.

Employeur et travailleur peuvent donc s’accorder sur l’existence de la faute, sa gravité, l’importance du préjudice et sur les modalités d’apurement de la dette. Il ne suffit pas que le travailleur se soit reconnu redevable de dommages et intérêts . La convention doit préciser les montants dus et être conclue après les faits donnant lieu à dédommagement.

En l’absence d’accord, l’employeur devra agir devant le tribunal de travail pour obtenir la condamnation du travailleur à l’indemniser. La retenue de rémunération décidée unilatéralement par l’employeur est en effet illicite et l’expose à des poursuites pénales.

Le délais de l’employeur pour agir en justice est de 5 ans après le fait fautif sans pouvoir dépasser un an après la fin du contrat de travail.

Une fois l’indemnité convenue ou fixée par le juge, l’employeur pourra opérer des retenues sur la rémunération du travailleur. Le total des retenues ne pourra excéder 1/5ème de la rémunération mensuelle nette, hormis en cas de dol ou lorsque le travailleur a mis volontairement fin au contrat de travail avant que les indemnités et/ou dommages et intérêts aient été entièrement payés.

L’indemnité compensatoire de préavis n’est pas de la rémunération. Ce n’est pas pour autant que l’employeur peut décider unilatéralement d’y prélever le remboursement de ses débours : les tribunaux considèrent que la retenue de l’employeur sur l’indemnité compensatoire de préavis des dommages et intérêts dont le principe et/ou le montant n’ont pas été convenus par les parties ou n’ont pas été fixés par le juge constitue une voie de fait à laquelle il peut être mis fin par le juge des référés.

Une transaction intervenue entre l’employeur et le tiers victime ne sera opposable au travailleur fautif que pour autant qu’il ait marqué son accord quant au montant. Dans le cas contraire, le montant des indemnités et des dommages et intérêts sera soumis à l’appréciation du juge et fixé par lui.

Il est dès lors recommandé que l’employeur recherche un accord avec le travailleur avant d’indemniser la victime.


La victime

Nous avons vu que la victime d’une faute d’un travailleur peut agir en justice à l’encontre :

• de l’employeur,

• du travailleurs lui-même (elle peut même y avoir intérêt si l’employeur est par exemple en faillite ou insolvable) à charge de prouver que la faute est intentionnelle, lourde ou à tout le moins légère et habituelle

• des deux à la fois .

Si elle agit à l’encontre du travailleur, elle ne profite cependant pas des modalités de l’article 18 décrit plus haut, réservées à l’employeur . Elle devra donc agir selon le droit commun, c’est à dire :

• engager son action devant le Tribunal compétent selon le droit commun (suivant le cas le Juge de paix, le Tribunal de police en cas d’accident de circulation, le Tribunal de 1ère instance) ;

• dans les délais prescrits par la loi en matière de responsabilité hors contrat (ou quasi-délictuelle selon les articles 1382 et suivants du code civil puisqu’aucun contrat ne la lie au travailleur) ;

• exécuter la décision judiciaire selon les modes habituels du droit commun (saisie immobilière, saisie mobilière, saisie-arrêt) .




Bernard Dautricourt
Avocat au barreau de Bruxelles - van Cutsem Wittamer Marnef & Partners





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