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La réforme de l'expertise entre en vigueur

Par Antoine Leroy

Lundi 27.08.07

L’expertise, terme évocateur faisant référence à un processus idéal où celui qui sait, l’expert, fait jaillir la vérité que le magistrat peut ensuite consacrer dans sa décision.

L’expertise, en pratique, ce sont parfois voire souvent, des dossiers qui s’embourbent, sur lesquels les parties n’ont plus aucune prise par crainte de déplaire à l’expert, ce sont aussi des experts à la compétence discutable et aussi un manque de transparence dans la fixation des frais et des honoraires de l’expert.

Pour remédier à cette situation insatisfaisante, le législateur s’est penché sur les articles 962 et suivants du code judiciaire destinés à l’expertise et a procédé à une réforme qui ne constitue pas pour autant une révolution.

La loi du 15 mai 2007 ayant été publiée au Moniteur belge le 22 août dernier, il ne sera question ici que d’évoquer les lignes de force de ce texte et d’aborder brièvement les dispositions transitoires.


1. Lignes de force

• L’expertise doit être subsidiaire puisque le magistrat doit privilégier la mesure d’instruction « la plus simple, la plus rapide et la moins onéreuse » (article 875bis du code judiciaire) ;

• La décision qui désigne l’expert est notifiée d’office par le greffier (article 972, §1, alinéa 2 du code judiciaire) ;

• Le concept de réunion d’installation est profondément modifié ; en effet, celle-ci a lieu en chambre du conseil, en présence du juge et des parties ; l’expert n’est pas présent mais peut être appelé par le magistrat ; lors de cette réunion, l’objet de la mission peut être modifié, il est décidé si l’aide de sapiteurs est nécessaire, une estimation du coût de l’expertise est donnée, la provision est fixée et un calendrier précis, allant jusqu’à la fixation de la date de dépôt du rapport final, est déterminé (article 972, §2 du code judiciaire) ; éventuellement, toutes ces questions peuvent être d’ores et déjà réglées dans la décision qui désigne l’expert (article 972 in fine du code judiciaire) ; enfin, si le juge et les parties sont d’accord lors de l’audience, cette réunion d’installation n’est pas organisée (article 972, §1, alinéa 1, 4°) ;

• Lors de chaque réunion, l’expert dresse un rapport, qu’il adresse à toutes les parties mais aussi au magistrat (article 972bis du code judiciaire) ; en tout état de cause, l’expert doit envoyer un rapport intermédiaire tous les 6 mois qui précise ce qu’il a déjà réalisé et ce qu’il envisage encore de faire (article 974 du code judiciaire) ;

• le juge est investi d’un contrôle accru de l’expertise et peut ainsi réduire les délais fixés ou encore assister aux travaux de l’expertise (article 973,§1 du code judiciaire) ; il est le seul qui puisse prolonger les délais et il ordonne d’office la convocation de l’expert qui n’a pas respecté un délai (article 974, §2 et §3 du code judiciaire) ;

• Les préliminaires sont remplacées par l’« avis provisoire », qui demeure suivi de la tentative de conciliation et, enfin, le « rapport final » qui doit être signé par l’expert, sous peine de nullité absolue (articles 976 et 978 du code judiciaire) ;

• Conformément au principe de subsidiarité précité, le juge peut limiter la mission de l’expert à être présent lors d’une mesure d’instruction qu’il a ordonnée (article 986 du code judiciaire) ;

• Les provisions pour frais et honoraires de l’expert sont fixées uniquement par le juge, qui détermine également le montant qui doit être provisionné par une ou par plusieurs parties ; celles-ci sont consignées soit au greffe soit auprès d’une banque ; le juge décide du montant qui doit être libérée au profit de l’expert, au fur et à mesure de l’avancement des travaux (articles 987 et 988 du code judiciaire) ;

• A la fin de l’expertise, l’expert doit établir un état détaillé de ses frais et honoraires, calculé sur base d’un tarif horaire (article 990 du code judiciaire) ; le juge taxe ensuite ces frais et honoraires, soit de l’accord des parties, soit à la demande d’une partie ou de l’expert (article 991 du code judiciaire) ; pour fixer les montants revenant à l’expert, le juge tient compte de la rigueur et de la qualité du travail fourni mais aussi du respect par l’expert des délais fixés (article 991 in fine du code judiciaire) ;

• L’expert ne peut en aucun cas recevoir un paiement direct d’une partie sous peine d’une sanction pénale pouvant aller jusqu’à trois mois d’emprisonnement (article 509quater du code pénal).


2. Dispositions transitoires

La nouvelle loi entre en vigueur le 1er septembre 2007.

Elle ne s’applique qu’aux expertises ordonnées après cette date (article 34 de la loi) sauf en ce qui concerne les dispositions suivantes :

• le principe de subsidiarité (article 875bis du code judiciaire) ;

• le principe assez vague de collaboration des parties à l’expertise (article 972bis, §1, alinéa premier du code judiciaire) ;

• le principe de contrôle des délais ainsi que du caractère contradictoire des travaux et le droit du magistrat de réduire les délais fixés, voire encore d’assister aux travaux de l’expertise (article 973,§1 du code judiciaire) ;

• le principe du rapport semestriel (article 974, §1 du code judiciaire) ;

• les principes devant être retenus par le juge pour apprécier les frais et honoraires de l’expert (article 991, §2, alinéas 2 et 3).


3. Conclusions

Si cette loi ne résoudra pas l’ensemble des problèmes rencontrés quotidiennement par les praticiens (quid par exemple de la liste exhaustive des experts reconnus et qualifiés ?), elle constitue une réforme importante qui devrait générer un surcroît de travail pour les magistrats et greffiers.

Les premiers parce qu’ils deviennent de véritables contrôleurs des experts, les seconds parce qu’ils devront notifier une flopée de plis judiciaires.

On pense également au nombre de rapports semestriels qui seront reçus par tous les greffes le 1er mars 2008, soit 6 mois après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi …





Antoine Leroy
Avocat - Cabinet Link (www.linklaw.be)






Source : DroitBelge.Net - Actualités - 27 août 2007


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