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Illégalité des taxes boursières belges

Par Par Erik Van den Haute

Lundi 19.07.04


La Cour de Justice des Communautés européennes avait à se prononcer, dans une affaire opposant la Commission européenne à l’Etat belge, sur la question de savoir si, ce dernier, en imposant d’une part, la taxe sur les opérations de bourse (ci-après « TOB ») et , d’autre part, la taxe sur les livraisons de titres au porteur avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 11 de la directive 69/335/CEE du Conseil du 17 juillet 1969 concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du 10 juin 1985.

En vertu de l'article 11 de la directive 69/335/CEE les Etats membres ne peuvent soumettre à une imposition quelconque, notamment, la création, l' émission , l'admission en Bourse, la mise en circulation ou la négociation d'actions, de parts ou autres titres de même nature, ainsi que de certificats représentatifs de tels titres, quel qu'en soit l'émetteur. Par dérogation à l'article 11, les Etats membres peuvent en revanche percevoir des taxes sur la transmission des valeurs mobilières.

La Commission invoquait le fait que la TOB, telle que prévue par les articles 120 et 121 du Code belge des taxes assimilées au timbre, est contraire à l’article 11 de la directive précitée en ce que cette taxe est notamment prélevée sur des titres nouveaux créés lors de la constitution d’une société ou d’un fonds de placement à la suite d’une augmentation de capital ou lors d’une émission d’emprunt, et frappe donc, à ce titre, l’émission des titres. L’Etat belge se retranchait derrière l’exception prévue par l’article 12, a) de la directive précitée (taxes sur la transmission des valeurs mobilières) en considérant notamment que l’émission devait être considérée comme une première transmission et que la notion de transmission ne suppose pas nécessairement l’existence d’un précédent propriétaire. Selon le gouvernement belge, la notion d’« émission de valeurs mobilières » ne couvrirait pas la première acquisition de titres par le souscripteur de ceux-ci, mais se limiterait à l’activité de la société émettrice.

La Cour n’a pas suivi les arguments invoqués par l’Etat belge et a considéré que, sous peine de priver l’article 11 de la directive, la notion d’« émission » au sens de cette disposition, doit inclure la première acquisition de titres s’effectuant dans le cadre de l’émission de ceux-ci. Les différents arguments de l’Etat belge n’étaient pas de nature à remettre en cause ce constat. De même, pour ce qui est de la taxe sur les livraisons de titres au porteur, prévue par l’article 159 du Code belge des taxes assimilées au timbre, la Cour a estimé que celle-ci est contraire à l’article 11 de la directive dans la mesure où elle frappe la remise matérielle de titres au porteur aux premiers acquéreurs et ne peut rentrer dans le champ de la dérogation prévue à l’article 12. La notion de « transmission » étant d’interprétation stricte, elle ne peut couvrir la première remise matérielle de titres nouvellement émis.

La Cour en conclut que la Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive précitée.

Il en résulte que désormais, pour les opérations réalisées sur le marché primaire, les investisseurs ne doivent plus payer les taxes boursières précitées. L’arrêt implique toutefois aussi que la Belgique a perçu durant de longues années les taxes précitées de manière illégale.

D’après les premiers communiqués du SPF Finances (source : Echo de la Bourse, 16/07/04), les remboursements des taxes perçues indûment se feront directement par l’Etat et ne devraient pas se faire à l’intermédiaire des institutions financières.

Reste bien sûr la question de savoir quelle sera la période visée pour laquelle les taxes perçues illégalement devront être remboursées : l’arrêt de la Cour a un effet rétroactif de deux ans, mais si un investisseur parvient à démontrer que l’Etat belge a commis une faute en percevant ces taxes boursières, il serait possible de remonter plus loin dans le temps…

Le texte de l’arrêt du 15 juillet 2004 est disponible en ligne en cliquant ici.




Erik Van den Haute
Avocat au barreau de Bruxelles - Euris.be



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