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Donations de biens meubles: la concurrence s’organise !

Par François Collon

Mardi 04.01.05

Suivant l’exemple flamand, les régions de Bruxelles-Capitale et wallonne ont l’intention d’abaisser les taux de droits de donation de biens meubles.


Contexte

Pour rappel, un décret de la région flamande du 19 décembre 2003 a modifié significativement les tarifs de droits de donation de biens meubles applicables en Flandre en établissant un taux de 3 % pour les donations effectuées en ligne directe et de 7 % dans tous les autres cas.

Le gouvernement bruxellois vient, de son côté, de rédiger un avant projet d’ordonnance. Celui-ci se trouve actuellement soumis au Conseil d’Etat pour avis. On s’attend à ce que le texte entre en vigueur à la mi-février. Nous l’analyserons plus en détail ci-après.

Du côté wallon, aucun texte n’est encore disponible mais le ministre wallon du Budget et des Finances, Michel Daerden, a d’ores et déjà annoncé son souhait de présenter au gouvernement wallon, fin janvier, un projet de décret allant dans ce sens.


L’apport principal de l’avant projet d’ordonnance bruxelloise : la réduction des droits

Comme en Flandre, le nouveau texte établit une distinction très claire entre les droits de donations de biens meubles et de biens immeubles. Les taux progressifs actuellement applicables à toutes les donations (de 3 à 80 % (!) en région bruxelloise) ne vaudront plus que pour les donations de biens immeubles. Un droit de donation de 3 % sera d’application pour les donations de biens meubles, en ligne directe, entre époux ou entre cohabitants légaux et de 7 % pour les donations de biens meubles entre autres personnes.

A cet effet, un deuxième paragraphe est ajouté à l’article 131 du Code des droits d’enregistrement qui fixe les tarifs applicables aux donations afin d’y intégrer les deux nouveaux taux.


Explications

Une personne physique résidente en région de Bruxelles-Capitale pourra toujours effectuer des dons manuels (donation de la main à la main) ou des donations indirectes (donation par virement par exemple) de biens meubles sans avoir à payer de droits de donation. En effet, ceux-ci ne sont dus que si l’acte écrit de donation est soumis, obligatoirement ou volontairement, à la formalité de l’enregistrement.

Quel est donc l’intérêt de recourir à une donation enregistrée soumise à des droits de 3 ou 7 % ?

La raison principale réside, en fait, dans l’application éventuelle de l’article 7 du Code des droits de succession.

Cet article prévoit que :

« Les biens dont l’administration établit que le défunt a disposé à titre gratuit dans les trois années précédant son décès, sont considérés comme faisant partie de sa succession si la libéralité n’a pas été assujettie au droit d’enregistrement établi pour les donations, sauf le recours des héritiers ou légataires contre le donataire pour les droits de succession acquittés à raison desdits biens.

S’il est établi par l’administration ou par les héritiers et légataires que la libéralité a été faite à telle personne déterminée, celle-ci est réputée légataire de la chose donnée.
»

Ainsi donc, les biens donnés seront réintégrés au patrimoine du donateur en cas de décès de ce dernier dans les 3 ans de la donation. Ces biens sont alors soumis à des droits de succession particulièrement élevés (de 3 à 80 % en région bruxelloise) Cependant, la règle ne vaut que pour les donations qui n’ont pas été enregistrées, à savoir les dons manuels, les donations indirectes ou encore les donations effectuées devant un notaire étranger.

Par conséquent, une personne physique résidente en région bruxelloise peut ainsi éviter tant le paiement des droits de succession que le délai de 3 ans prévu à l’article 7 du Code des droits de succession en soumettant la donation de biens mobiliers aux droits de 3 ou de 7 %. C’est donc là que réside l’avantage de la réforme.


Condition

La seule condition requise pour pouvoir bénéficier du nouveau régime est d’être résident en région de Bruxelles-Capitale. Pour pouvoir être considéré comme tel, il faut avoir résidé majoritairement sur le territoire de la région durant les cinq dernières années précédant la donation.

La résidence des donataires de même que le lieu où se situent les biens donnés n’ont aucune importance.


Autres apports de l’avant projet d’ordonnance bruxelloise

Outre la réduction des droits de donation, l’avant projet d’ordonnance apporte également quelques autres nouveautés et modifications.

Ainsi, une méthode spécifique pour le calcul de la valeur de l’usufruit ou de la nue-propriété des biens meubles est prévue. Le gouvernement a opté pour la fixation du revenu annuel des biens meubles à 4 % de la valeur en pleine propriété de ces biens et d’appliquer ainsi la méthode de calcul déjà en vigueur pour les droits de succession. Ce revenu annuel est soit multiplié par un coefficient fixé en fonction de l’âge de l’usufruitier en cas d’usufruit viager, soit capitalisé à 4 % lorsqu’il s’agit d’un usufruit temporaire.

Comme en matière immobilière, en cas de donation de nue-propriété, la base imposable est égale à la valeur vénale des biens donnés.

Le texte prévoit également l’ajout d’une disposition anti-abus à l’article 134 du Code des droits d’enregistrement.

Cet article devra donc se lire comme suit :

« Pour l’application des articles 131 à 133, la charge consistant en une somme ou une rente ou pension stipulée à titre gratuit au profit d’un tiers acceptant, est imposée à titre de donation dans le chef dudit tiers et déduite de l’émolument du donataire principal.

Dans la mesure où la donation a pour objet des biens immeubles, la charge est imposée à titre de donation dans le chef du tiers selon les tarifs fixés à l’article 131, § 1er
».

Cette disposition a pour but d’éviter le mécanisme suivant :

Monsieur A donne a son fils B un immeuble d’une valeur vénale de 100 à charge pour B de donner à sa sœur C une somme de 50.

Si, comme c’est le cas actuellement, seul le premier paragraphe de l’article 134 existait, le mécanisme aurait pour effet que B serait soumis au tarif progressif des droits de donation sur 50 (soit 100 – valeur de l’immeuble – moins la charge de 50 qui lui est imposée) et C le taux réduit de 3 % sur 50 (étant la charge dont elle est la bénéficiaire). Cette construction permettrait ainsi d’éviter très aisément le tarif progressif des droits de donation applicable si l’immeuble avait été donné en indivision à B et à C.

L’ajout d’une disposition anti-abus a pour effet de rendre un tel mécanisme inutile puisque la charge (quand bien même consisterait-elle en fait en une donation de biens meubles) sera, en vertu de cette nouvelle disposition, également imposée au tarif progressif des droits de donation.

Enfin, l’application de la réserve de progressivité prévue à l’article 137 du Code des droits d’enregistrement est limitée aux donations de biens immeubles. A défaut d’adaptation de cet article, il aurait été plus intéressant d’anticiper les donations de biens immeubles et de post-poser les donations de biens meubles afin d’éviter l’application de cette réserve de progressivité.


Conclusions

La réduction des droits de donation de biens meubles est assurément une bonne nouvelle en ce qu’elle aura, paradoxalement, pour conséquence d’augmenter les recettes de la région et de favoriser (ou plutôt de ne pas freiner) les investissements en capital à risque.

La région flamande qui a introduit une mesure similaire l’année dernière a vu ses recettes en matière de droits de donation presque tripler. En effet, les droits de donation particulièrement élevés sur des biens aussi facilement transmissibles sans paiement de droits avaient pour principal effet de réduire le montant des recettes à peau de chagrin. En outre, il est notoire que les baisses d’impôts quels qu’ils soient inclinent généralement les contribuables à une meilleure disposition pour les acquitter.

Comme mentionné ci-dessus, la réforme devrait entrer en vigueur vers la mi-février en région de Bruxelles-Capitale et plus tard encore en région wallonne, soit bien après que l’amnistie fiscale ait rendu son dernier souffle. Il eut certainement été plus judicieux de coupler ces mesures afin de rendre la régularisation des capitaux plus attractive encore. Au lieu de cela, la région wallonne augmentait, début 2004, les droits de donation entre toutes autres personnes en introduisant le taux record de 90 % (!)... Comprenne qui pourra.




François Collon
Avocat - Association Dal & Veldekens





Source : DroitBelge.Net - 4 janvier 2004


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