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Compromis de vente vaut vente



1. Principes

"Compromis de vente vaut vente » : vous avez certainement déjà entendu cette expression à plusieurs reprises ; elle signifie que le contrat de vente est parfait dès la signature du compromis.

En fait, d’après le Code civil , la vente est même parfaite dès que vendeur et acquéreur échangent leur accord sur les seuls éléments que sont la chose (l’immeuble) et le prix, cet accord fût-il simplement verbal !

L’acceptation d’une offre d’acquisition est donc un acte juridique capital, qui doit être accompli avec la plus grande prudence.

D’autant qu’elle donne par ailleurs lieu, définitivement en principe, à la perception des droits d’enregistrement (voir « compromis de vente vaut vente (suite)).

La vente étant parfaite par la simple acceptation de l’offre d’achat, il ne vous sera plus possible ensuite de renoncer à vos engagements, sous peine de voir votre acquéreur demander en justice soit votre condamnation à passer l’acte de vente, soit la résolution de celle-ci et votre condamnation au paiement de dommages et intérêts (voir Que faire si votre vendeur vous fait faux bond ?).

Il en ira de même si c’est votre acquéreur qui revient sur son engagement d’acquisition (voir Que faire si votre acquéreur vous fait faux bond ?).

Après l’acceptation de l’offre, il ne vous sera pas davantage possible de poser d’autres conditions à l’exécution de votre engagement (par exemple, vous souhaitez occuper les lieux pendant encore un certain temps), à moins que l’acquéreur ne les accepte.

Par ailleurs, les dispositions du Code civil sont en principe d’application pour régler le sort juridique de tout ce qui n’aurait été prévu ni dans l’offre, ni dans vos conditions d’acceptation de cette offre.

Sauf accord de votre acquéreur – qu’il n’est évidemment nullement obligé de vous donner –, il ne pourra donc plus ensuite être dérogé à ces règles « de droit commun », ni dans l’acte sous seing privé (compromis de vente), ni dans l’acte notarié.

Or, l’application du droit commun de la vente peur se révéler particulièrement défavorable, voire catastrophique, pour vous.

Prenons deux exemples :


i. Garantie des vices cachés

Dans la grande majorité des cas, les actes de vente prévoient une exonération de garantie des vices cachés dans le chef du vendeur.

Celui-ci n’est donc pas responsable des vices cachés affectant l’immeuble, à moins qu’il en ait eu connaissance au moment de la vente sans les révéler à son acquéreur (voir Votre acquéreur se plaint de la présence de vices cachés ).

Cette exonération de responsabilité dans le chef du vendeur n’est toutefois pas prévue par le droit commun.

Celui-ci ne prévoit une telle exonération que pour les vices apparents, mais non pour les vices cachés .

Par conséquent, si l’offre qui vous a été remise est muette sur ce point, et que vous l’acceptez telle quelle, vous serez responsable des vices cachés qui viendraient à affecter l’immeuble !

Il n’en ira autrement que si l’acquéreur accepte, au compromis ou à l’acte notarié, de vous décharger de cette responsabilité ; répétons-le cependant, il n’y est nullement obligé ; que du contraire, il pourrait lui-même vous contraindre de signer un acte qui reprendrait expressément votre responsabilité en cas de survenance d’un vice caché…

Une acceptation non réfléchie d’une offre qui n’évoquerait pas cette question peut donc être extrêmement lourde de conséquences pour vous s’il s’avère qu’ultérieurement votre acquéreur venait à découvrir des vices cachés.

Vous en serez en effet responsable, même si vous n’en aviez pas connaissance au moment de la vente !


ii. Sanctions

Dans la plupart des compromis de vente, une indemnité forfaitaire est prévue en faveur de la partie qui subit la défaillance (rétractation par exemple) de son co-contractant.

Cette indemnité est généralement fixée à 10 ou 15% du prix de vente.

Si cette clause ne figure pas dans l’offre ni dans vos conditions d’acceptation, cette indemnité forfaitaire ne sera pas d’application.

Par conséquent, si votre acquéreur venait ensuite à ne pas respecter ses engagements contractuels, par exemple en refusant de passer les actes et de payer le prix, et si vous deviez alors opter pour la demande en résolution de la vente avec dommages et intérêts (voir « Que faire si votre acquéreur vous fait faux bond ? »), vous devrez inévitablement recourir au droit commun et établir, dans votre demande de réparation, non seulement la réalité mais également l’importance de votre préjudice.

Cette double preuve ne sera pas toujours aisée à rapporter. En outre, le préjudice que vous pourrez, le cas échéant, établir, sera généralement inférieur à l’indemnité forfaitaire habituellement prévue.

En pareil cas, vous serez donc à nouveau victime d’une acceptation précipitée de l’offre qui vous aura été transmise.


2. Des principes sérieusement écornés par la jurisprudence récente

Depuis quelques années, force est toutefois de constater que les juridictions sont de plus en plus nombreuses à considérer qu’en raison de la complexité croissante des contrats de vente d’immeuble, l’accord des parties sur la seule chose et le seul prix ne suffit plus pour considérer la vente comme étant parfaite.

Cette tendance s’est notamment manifestée dans des situations où des candidats-acquéreurs considéraient avoir acquis le bien par la seule acceptation du prix annoncé par le vendeur ou son agent immobilier.

Pour cette jurisprudence, la vente n’est parfaite que s’il y a accord des parties sur tous les éléments essentiels du contrat : l’objet de la transaction et son prix, bien sûr, mais également d’autres questions importantes comme les responsabilités en cas de vice caché, les modalités de paiement du prix, la situation hypothécaire du bien, la date du transfert de propriété et des risques, …

Or ce n’est généralement qu’au stade du compromis de vente que ces questions sont traitées.


3. Conclusion

Si vous désirez « cadenasser » la vente, il est indispensable, compte tenu de la jurisprudence actuelle, d’exiger que l’offre d’achat aborde toute une série de points qui, jusqu’ici, n’étaient réglés que dans le compromis de vente.

Le recours au professionnel (notaire ou avocat) s’impose avec plus d’acuité encore qu’avant !





Laurent Collon
Avocat au barreau de Bruxelles - Xirius.
Spécialiste agréé en droit immobilier






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