Imprimer

Les actions



Définition et droits

Les actions sont présentes dans les sociétés anonymes, dans les sociétés en commandite par actions et dans les sociétés européennes (v. Pierre PAULUS de CHÂTELET, « La société européenne, R.D.C., 2002, p. 167 et suivantes). Nous n’évoquerons que les sociétés anonymes dans le cadre du présent chapitre, les règles de ce type de société s’appliquant pour les deux autres formes de société.

L’action représente une quotité du capital social et confère à son titulaire un ensemble de droits à l’égard de la société, qu’on divise en trois grandes catégories : les droits politiques, les droits financiers et les droits patrimoniaux.


Les droits politiques : l’actionnaire participe à la vie et au fonctionnement de la société en exerçant son droit de vote lors des assemblées générales, sur base des informations qui lui sont fournies par le conseil d’administration (v. chapitre sur les assemblées générales).

En droit belge des sociétés, il est de règle qu’une action donne une voix à l’assemblée générale.

Il n’y a donc pas en Belgique d’actions à vote plural, contrairement à d’autres pays comme la France, le Danemark, la Suède, la Finlande, la Hollande, le Royaume-Unis, la Suisse, etc. (v. le chapitre concernant les actions à vote plural).

Considéré originellement comme un attribut essentiel des actions, le droit de vote a perdu de son importance depuis l’introduction par la loi du 18 juillet 1991 prévoyant que certaines actions pourront être, dans le respect de conditions légales, dépourvues du droit de vote (v. chapitre sur les actions sans droit de vote).


Les droits financiers : il s’agit du :

o droit de souscription préférentielle des actionnaires qui leur permet de participer en priorité aux augmentations de capital et, par conséquent de ne pas voir leur participation diluée suite à une telle opération.

Il s’agit également du droit des actionnaires d’obtenir le paiement :

o de dividendes si l’actif net est supérieur au capital social et si les bénéfices ne sont pas incorporés en réserves ;
o d’un boni de liquidation ;

C’est l’importance du droit aux dividendes et au boni de liquidation qui fonde la différence entre les actions ordinaires et les actions privilégiées (v. infra).

Les droits patrimoniaux : l’actionnaire étant propriétaire de ses actions, il est libre d’en disposer comme il le désire.

Le droit patrimonial n’est cependant pas - ou plus - un droit absolu dans la mesure où il est permis de conclure des pactes d’actionnaires contenant des clauses d’inaliénabilité, de préférence, d’agrément, de préemption, etc. En outre, on note l’introduction dans le Code des sociétés des dispositions concernant l’exclusion forcée d’un actionnaire pour justes motifs (art. 635 à 641 du Code des sociétés) ou dans le cadre d’une procédure de squeeze out, ou encore concernant le rachat forcé pour justes motifs des actions d’un actionnaire.


Les différentes catégories d’actions


Les actions ordinaires :

Les actions ordinaires sont celles auxquelles les droits politiques, financiers et patrimoniaux (décrits ci-dessus sont attribués.


Actions nominatives, au porteur et dématérialisées :

Voir fiche « Formes des titres ».


Actions sans droit de vote :

Il est possible pour une société d’émettre des actions sans droit de vote, lors de sa constitution ou plus tard au cours de la vie sociale (augmentation de capital décidée par l’assemblée générale ou par le conseil d’administration dans les limites du capital autorisé, ou encore par conversion d’actions avec droit de vote), afin qu’elle puisse augmenter son capital sans modifier la structure de son contrôle.


Conditions pour pouvoir émettre des actions sans droit de vote :

1. elles ne peuvent pas représenter plus d’un tiers du capital au moment de l’émission ;
2. elles confèrent un dividende privilégié en cas de bénéfice distribuable et, sauf disposition contraire dans les statuts, récupérable ; ainsi qu’un droit dans la répartition du surplus des bénéfices (consistant en ce qui restera suite au paiement des dividendes privilégiés de toutes sortes suite aux prélèvements servant à alimenter les différentes réserves) qui ne peut être inférieur à celui octroyé aux actions avec droit de vote ;
3. elles donnent droit au remboursement privilégié de l’apport qui a été fait par l’actionnaire dans le capital de la société et, le cas échéant, au paiement d’un boni de liquidation privilégié et d’une prime d’émission privilégiée.


Droits attachés aux actions sans droit de vote :

Les actions sans droit de vote gardent tous les autres droits attachés aux actions en général (à part évidemment le droit de vote).

En contrepartie de l’absence de droit de vote, l’action bénéficie de droits financiers accrus, à savoir un dividende et un droit dans la répartition des bénéfices privilégiés, un droit privilégié au remboursement et au boni de liquidation (comme énoncé ci-dessus), ainsi qu’un droit de souscription préférentielle en cas d’émission d’actions nouvelles (avec ou sans droit de vote) sauf si l’augmentation de capital est réalisée par une tranche d’actions avec droit de vote et une tranche d’actions sans droits de vote, proportionnelles, les premières étant octroyées aux actionnaires avec droit de vote et les secondes aux actionnaires sans droit de vote. Ce droit préférentiel peut être modalisé par les statuts.

Les actions sans droit de vote retrouvent le droit de vote dans les circonstances suivantes :

- si une condition de l’émission des actions sans droit de vote n’est pas ou plus remplie ;

- dans l’hypothèse d’une proposition de modification des droits attachés aux différents types d’actions existantes dans la société. Dans ce cas, les actions votent par catégorie ;

- lorsque l’assemblée générale doit délibérer sur les décisions suivantes : une modification à apporter au droit de préférence, l’autorisation au conseil d’administration à augmenter ou réduire le capital dans les limites du capital autorisé en supprimant le droit de préférence, la réduction du capital social, la fusion ou la scission, la transformation de la société ou sa dissolution, parce que ces décisions entraînent une modification des droits attachés à ces titres ou un dépassement éventuel du seuil des 1/3 dont question ci-dessus.


Rachat par la société de ses actions sans droit de vote :

L’article 626 du Code des sociétés prévoit la possibilité pour la société de racheter les actions sans droit de vote. Ce droit sera le plus souvent exercé lorsque les titulaires des actions sans droit de vote bloquent la prise de décision à l’assemblée générale parce que la nature de celle-ci leur permet de retrouver l’exercice du droit de vote, comme par exemple, une fusion, une scission, etc.

Ce rachat ne peut être exercé que si il a été prévu dans les statuts avant l’émission des actions sans droit de vote.

La décision doit être adoptée par l’assemblée générale aux conditions de quorum et de majorité applicables pour la modification des statuts et dans le respect du principe de traitement égal des actionnaires. Le prix des actions doit être décidé au jour du rachat entre les titulaires des actions sans droit de vote rachetées. A défaut d’accord, le prix sera fixé par un expert désigné par ces parties conformément à l’article 31 du Code des société ou par le tribunal de commerce.

Pour les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur les marchés réglementés, la mention selon laquelle l’émission d’actions sans droit de vote se fait avec faculté de rachat doit être insérée dans le prospectus.


Les actions à vote plural

L’actionnaire d’une société participe au fonctionnement et à la vie de celle-ci en exerçant notamment son droit de vote lors des réunions de l’assemblée générale.

En droit belge des sociétés, la puissance votale de chaque actionnaire est réglée très simplement par le principe selon lequel une action donne droit à une voix (article 541 du Code des sociétés).

D’autres pays, comme la France, le Danemark, la Suède, la Finlande, la Hollande, le Royaume-Unis, la Suisse, etc., prévoient dans leurs systèmes législatifs la possibilité pour les statuts d’augmenter la puissance votale attachée à certaines actions en créant ce qu’on appellera des actions à vote plural.

La Belgique s’est pendant longtemps opposée à un tel système. Cependant, récemment, la Commission chargée des problèmes de droit commercial et économique de la Chambre des Représentants a demandé à un groupe d’experts rassemblés au sein du Belgian Governance Institute (ci-après « BGI »), d’étudier la possibilité d’introduire un système d’actions à vote plural en droit belge des sociétés et d’examiner sa compatibilité avec la gouvernance d’entreprise.

En résumé, suite à une étude réalisée par le BGI a montré que l’actionnariat des principales sociétés belges est un actionnariat de contrôle stable et concentré très souvent entre de mêmes mains. Ces actionnaires, appelés « actionnaires de référence », possèdent un volume important de titres leur donnant le contrôle de la société, contrôle qu’ils désirent maintenir.

Les conséquences en sont les suivantes :

- un nombre très important de titres est bloqué, ce qui réduit les volumes de transactions en bourse et rend les bourses belges moins attrayantes pour les investisseurs ;

- l’expansion des sociétés est limitée puisque les actionnaires ne voudront pas augmenter le capital et donc financer d’éventuels nouveaux projets, de peur d’une dilution de leur participation et par conséquent d’une perte du contrôle de la société ;

- l’actionnaire ne peut également pas diversifier son portefeuille puisqu’il doit garder des intérêts importants dans la société pour en maintenir le contrôle. A défaut, il sera dès lors éventuellement tenté de chercher des avantages personnels au sein de la société qui pourraient créer des mauvaises relations avec les actionnaires minoritaires, au détriment de la société elle-même.

Il en résulte que ce modèle d’actionnariat de référence caractéristique en Belgique est moins attractif pour les investisseurs étrangers que des structures ouvertes qui ne présentent pas ces inconvénients.

Afin de les corriger, le BGI a donc étudié la possibilité de créer un modèle permettant le contrôle de la société en prévoyant qu’une action puisse conférer plusieurs droits de vote. De cette manière, l’actionnaire de contrôle pourrait accepter une réduction du nombre de ses actions en gardant le contrôle par un pouvoir votal accru. Le volume de titres négociables sur les marchés réglementés augmenterait, ainsi que la négociabilité et la liquidité.

Les sociétés cotées pourraient être d’avantage tournées vers une stratégie de croissance, ce qui stimulerait les marchés financiers. En outre, le système d’action à vote plural offre une nouvelle possibilité d’investissement qui pourrait attirer de nouveaux investisseurs étrangers.

Il reste cependant des incertitudes pour déterminer le prix de ces actions à vote plural et des problèmes potentiels liés aux avantages personnels supplémentaires, comme l’allocation de bénéfices supérieurs, que pourraient toujours éventuellement réclamer l’actionnaire de contrôle, pouvant donner naissance à un conflit avec les minoritaires. Une solution pourrait être dégagée par une grande transparence et la possibilité de prévoir des garanties supplémentaires au niveau de la gouvernance de l’entreprise

Plusieurs pistes ont été envisagées :

La première est celle dite du droit de vote plural général (comme en France), consistant à attribuer un droit de vote accru à l’actionnaire de longue date, qui serait donc « récompensé » pour sa fidélité envers la société. Cette attribution se ferait automatiquement après un certain nombre d’années, sauf décision contraire de l’assemblée générale.

Ce système permet de distinguer, outre les actionnaires majoritaires et minoritaires, une nouvelle catégorie dite d’actionnaires de longue ou de courte date, selon que l’actionnaire préfèrera bénéficier d’un contrôle accru plutôt que de la liquidité attachée à ses actions.

Mais ce système présente l’inconvénient de rendre incertaine la continuité du contrôle puisque tous les actionnaires pourraient (sauf décision de l’assemblée générale) bénéficier de l’effet multiplicateur de droit de vote accordé après une certaine longévité dans l’entreprise. En outre, des problèmes liés à la détermination du pouvoir votal des actionnaires pourraient surgir. Ces inconvénients pourraient certainement décourager des investisseurs ou des actionnaires désireux de garder le contrôle, qui refuseront dès lors d’inclure cette modification dans les statuts.

La seconde piste envisagée est celle du droit de vote particulier (comme en Suède, au Danemark, en Suisse, en Hollande, etc.) consistant pour l’assemblée générale à prendre la décision d’accorder à tel ou tel actionnaire un pouvoir votal plus important.

Ce système permet aux sociétés de prévoir elles-mêmes leur stratégie actionnariale et de faire une distinction nette entre d’une part l’actionnariat de contrôle et, d’autre part, des investisseurs/actionnaires moins concernés par l’entreprise.

Cette deuxième branche de l’option est cependant très difficile à réaliser dans les sociétés cotées actuellement, ce qui rend son utilisation très improbable.

Le modèle proposé est de combiner les deux systèmes en prévoyant que les sociétés qui ne désireraient pas avoir un système de droit de vote plural pourraient l’exclure par décision de l’assemblée générale et qu’à défaut, un droit de vote plural général limité entrerait en vigueur au profit de tous les actionnaires « loyaux », c’est-à-dire présents depuis un certain temps (la preuve de cette durée est rapportée par tous moyens de droit). Les sociétés qui désireraient aller plus loin dans l’augmentation de la puissance votale pourraient prévoir par décision de l’assemblée générale un système de droit de vote plural particulier au profit d’actionnaire(s) déterminé(s).

Ce droit de vote renforcé disparaîtrait en cas de transfert de propriété (sauf éventuellement en cas de succession ou de donation) et irait de pair avec des garanties supplémentaires, particulièrement en matière de transparence, de rapport et de conformité aux principes édictés par le Code Lippens.

En conclusion, le principe presque ancestral « une action, une voix » pourrait ne plus être bientôt aussi absolu, parce que remis en question par la volonté, insufflée depuis quelques années et particulièrement par les réflexions qui ont conduit à l’adoption du Code Lippens de corporate governance, de rendre les marchés boursiers plus attractifs pour les investisseurs européens et étrangers, et par conséquent de permettre aux entreprises belges d’avoir plus facilement accès aux capitaux publics, afin de se développer en Europe et dans le monde.

Cependant ce système d’actions à vote plural aura pour conséquence négative de diluer les actionnaires minoritaires puisque des actions seront libérées suite à l’accroissement du pouvoir votal des actions à vote plural. On reviendrait donc indirectement à une sorte de droit de vote censitaire aménagé.

Pour plus de renseignements, vous pouvez contacter Etienne Marchal ou Pierre Paulus de Châtelet.


Actions ordinaires et actions privilégiées

Les actions ordinaires sont celles qui permettent d’obtenir un dividende à prélever sur les bénéfices distribuables de l’exercice clôturé après prélèvements pour la réserve légale (s’il y a lieu), ou pour une réserve statutaire (si les statuts en ont créé une) ou pour la constitution d’une réserve facultative (décidée par l’assemblée générale) et suite au paiement éventuel de tantièmes pour les administrateurs.

Les actions privilégiées donnent droit à un dividende prioritaire et parfois cumulatif par rapport aux dividendes ordinaires : si une année les bénéfices ne permettent pas de distribuer un dividende, le dividende privilégié sera additionné lors de la répartition de l’exercice suivant et sera payé par priorité. Les actions privilégiées peuvent également donner un droit préférentiel au boni de liquidation.


Actions de jouissance

Les actions de jouissance sont celles qui sont données en remplacement d’actions lorsque les actionnaires sont remboursés de leurs apports sans réduction de capital mais par le versement d’une somme équivalente provenant des bénéfices distribuables. Les actionnaires « de jouissance » préservent leurs droits dans la société à l’exception du droit au remboursement de leur apport et de leur droit aux dividendes qui devient secondaire par rapport aux droits aux dividendes des actions non amorties (qui bénéficient donc d’un droit privilégié aux dividendes par rapport aux actions de jouissance).




Pierre Paulus de Châtelet
Avocat au barreau de Bruxelles - Association De Caluwé & Horsmans



Imprimer cette fiche (format A4)