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Le maître de l'ouvrage - Les obligations




i. Le devoir de renseignement


Il appartient au maître de l’ouvrage de fournir toutes les informations utiles aux différents intervenants à la construction pour leur permettre de réaliser l’ouvrage dans les meilleures conditions.


ii. L’obligation de faire appel à des professionnels


Le maître de l’ouvrage a l’obligation de recourir à un certain nombre d’intervenants et sa responsabilité peut être recherchée s’il omet de faire appel à eux alors que la loi le lui impose.

Quelques exemples :

Le recours obligatoire à l’architecte : tout maître d’ouvrage doit s’assurer le concours d’un architecte tant pour l’établissement des plans que pour le contrôle des travaux (Note : article 4, alinéa 1 de la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d’architecte).

Il s’agit d’une disposition d’ordre public. Elle s’applique à tous les maîtres de l’ouvrage.

L’hypothèse où l’intervention de l’architecte n’est pas obligatoire porte sur des travaux peu importants (cf. la liste des travaux de minime importance dispensés de permis).

Pour éviter tout contournement de cette règle, l’architecte qui voit son contrat résilié anticipativement en cours de chantier est tenu d’aviser son ordre ainsi que l’autorité qui a délivré le permis de la fin de sa mission.

L’article 21, alinéa 3 du règlement de déontologie prévoit dans cette hypothèse que l’autorité pourra faire interrompre des travaux qui sont exécutés sans le contrôle d’un architecte.

Outre une éventuelle condamnation sur le plan pénal, le maître de l’ouvrage qui ne fait pas appel à un architecte engage sa responsabilité dans le cadre des malfaçons. Dans une grande majorité des cas, la jurisprudence retient une part de responsabilité du maître de l’ouvrage dans les malfaçons qui affectent les travaux exécutés par un entrepreneur sans le contrôle de l’architecte.

Cette responsabilité variera cependant en fonction de la nature des fautes et de la connaissance qu’avait l’entrepreneur de la situation (soit l’entrepreneur a accepté en connaissance de cause et sans réserve de chantier et sa responsabilité exclusive a déjà été reconnue dans ce genre de cas, soit l’expertise démontre qu’il n’y a que des fautes d’exécution auquel cas la responsabilité du maître de l’ouvrage ne sera pas retenue, soit le vice n’aurait pas pu être décelé par l’architecte, soit l’absence d’architecte ne réduit pas l’absence de responsabilité de l’entrepreneur dans la mesure où il existe un lien causal entre la faute du maître de l’ouvrage et celle de l’entrepreneur).


Le recours obligatoire à un entrepreneur professionnel

(Note :L’arrêté royal du 2 juin 2010 a supprimé l’exigence d’enregistrement comme condition à l’application des taux réduits de TVA de 6 % et de 12 %. Le conseil des ministres a approuvé, le 2 septembre 2011, un avant-projet de loi entrainant la suppression du régime de l’enregistrement. Cette disparition de l’enregistrement ne met cependant pas le maître de l’ouvrage à l’abri du régime de solidarité en cas de dettes fiscales du commettant.)

Le maître de l’ouvrage a l’obligation de recourir à un entrepreneur professionnel et ce sous peine de sanction pénale (Note : article 1 et 5 de la loi du 6 juillet 1976 sur la répression du travail frauduleux à caractère commercial ou artisanal).

Le travail est frauduleux dès que les conditions suivantes sont remplies :

• La prestation peut « faire l’objet d’une profession relevant de l’artisanat, du commerce ou de l’industrie » : toutes les activités de construction sont logiquement visées par cette définition ;

• La prestation est effectuée sans lien de subordination, par une personne qui n’est pas immatriculée au registre de commerce ou de l’artisanat, soit viole les prescrits légaux en matière d’autorisations, d’assujettissement ou d’immatriculation, relatifs à l’exercice de cette profession (Note : article 2 § 1 de la loi du 6 juillet 1976).

Sont exclus de cette définition les travaux à usage personnel et les travaux accomplis par des organisations socioculturelles dans le cadre de leur objet (Note : article 2 § 3 de la loi du 6 juillet 1976);

• La loi prévoit qu’un travail présente un caractère frauduleux dans l’hypothèse où soit par son importance et son caractère technique, soit par sa fréquence, soit par l’usage d’un matériel ou d’un outillage, le travail présente un caractère professionnel spécifique (Note : article 2 § 1 de la loi du 6 juillet 1976). La lecture des travaux préparatoires de la loi de 1976 permet aisément de comprendre que l’étendue de cette obligation est vaste.

L’on trouve, dans les travaux préparatoires, les exemples suivants :


• Le critère de l’importance :
- peindre une pièce d’une maison : il s’agit d’un travail important et donc soumis à la loi ;
- peindre une seule porte : il s’agit d’un travail peu important.

• Le caractère technique :
- placer un tableau électrique : technique donc soumis à la loi ;
- réparer un interrupteur : non soumis à la loi.

• L’emploi de matériel et d’outillage :

- installer un évier : soumis à la loi ;
- placer un joint : non soumis à la loi.



Le recours obligatoire à un coordinateur de sécurité

Le maître de l’ouvrage, à l’instar de toutes les personnes concernées par un chantier, doit veiller au respect des principes énoncés à l’article 5 de la loi du 4 juin 1996.

La règlementation de la sécurité de chantier impose également au maître de l’ouvrage l’obligation de veiller au respect des instructions du coordinateur par les autres intervenants.

Cela étant dit, il convient de préciser que, en vertu de la loi, le coordinateur sécurité ne dispose pas de pouvoir d’injonction à l’égard des autres intervenants à la construction.

Il incombe donc au maître de l’ouvrage d’imposer à titre contractuel aux différents intervenants le respect des conditions prévues par le coordinateur (Note : loi du 4 août 1996).

« Ne disposant d’aucun pouvoir de police sur le chantier, le coordinateur ne peut que vérifier que les dispositions adéquates sont prises, consigner les éventuels manquements graves ou répétés dans le journal de coordination, voire dénoncer la situation au maître de l’ouvrage, à charge pour lui de faire prendre les mesures nécessaires par les différents intervenants avec lesquels il est lié contractuellement.

Si le maître de l’ouvrage ne réagit pas malgré les dénonciations du coordinateur, ce dernier ne peut en rester là ou se contenter d’émettre des réserves.

Il doit, en ce cas, dénoncer les faits à l’inspection du travail et/ou suspendre son intervention sur le chantier s’il veut éviter d’engager sa responsabilité en cas d’accident.
» (Note : A. Delvaux et cts, Responsabilités - Traité théorique et pratique - la responsabilité des professionnels de la construction, titre II, livre 23 bis, vol. 2, Kluwer 2009, n° 353).


iii. L’obtention du permis d’urbanisme


Il appartient au maître de l’ouvrage d’effectuer toutes les démarches nécessaires pour obtenir les autorisations administratives requises pour la réalisation de l’ouvrage. Cela étant dit, l’intervention d’un architecte étant souvent nécessaire pour l’obtention du permis, c’est bien souvent ce dernier qui se chargera de ces démarches.

Dans l’hypothèse où l’ouvrage est réalisé sans permis d’urbanisme, le maître de l’ouvrage s’expose au risque de devoir remettre les lieux en pristin état.

Le maître de l’ouvrage s’expose également à des poursuites pénales.


iv. L’accès au chantier


Le maître de l’ouvrage doit veiller à ce que les intervenants à la construction puissent accéder au chantier pour réaliser les travaux. Il n’est pas rare que des litiges naissent parce que, à un moment donné, le maître de l’ouvrage refuse à l’entrepreneur l’accès au chantier suite, par exemple, à un différend entre parties.


v. La prise des décisions requises en temps utile


Il appartient au maître de l’ouvrage de prendre les décisions qui s’imposent en temps utile et ce afin de permettre le travail des édificateurs.

Dans ce cadre, il appartiendra au maître de l’ouvrage d’opérer aux choix nécessaires en cours de chantier tels que par exemple :

- choix entre différentes variantes techniques proposées ;
- choix de matériaux ;
- commandes et livraisons de matériaux que le maître de l’ouvrage a fait choix d’acquérir lui-même ;
- procéder aux démarches requises dans l’hypothèse où les contrats sont conclus sous condition suspensive de l’obtention d’un prêt ou d’une prime.


vi. Le maître de l’ouvrage a l’obligation de ne pas s’immiscer dans les missions des différents édificateurs


Il est défendu au maître de l’ouvrage d’interférer à tout moment dans les domaines de compétences des professionnels auxquels il a soumis la réalisation et l’exécution du chantier.

À titre d’exemples, il y a immixtion lorsque :

- le maître de l‘ouvrage impose des solutions techniques contraires aux règles de la construction contre l’avis reçu ;
- le maître de l’ouvrage intervient dans l’exécution matérielle des travaux ;
- le maître de l’ouvrage impose des solutions techniques contraires aux règles de l’art ;
- le maître de l’ouvrage donne des ordres directement à l’entrepreneur sans avertir l’architecte.

Les exemples qui précèdent n’empêchent cependant pas à l’entrepreneur d’exprimer de façon détaillée ses exigences.


vii. Le paiement du prix


Il appartient au maître de l’ouvrage de payer le prix convenu selon les modalités prévues dans le contrat d’entreprise.


viii. La réception des travaux


Lorsque les travaux sont achevés, il appartient au maître de l’ouvrage de les réceptionner, le plus souvent avec l’assistance de son architecte.

En pratique et en fonction de l’importance des travaux, la réception se déroule souvent en deux phases :

• une réception provisoire qui tend à constater l’achèvement des travaux et qui vaut agréation des vices apparents non dénoncés par le maître de l’ouvrage et/ou son architecte ;

• une réception définitive qui intervient généralement un an plus tard et qui peut, en fonction de ce que les parties ont prévu au contrat, soit intervenir à la suite d’une réunion organisée à cette fin, soit intervenir de manière tacite par le seul écoulement du temps.

La réception est un acte éminemment important dès lors que c’est à cette occasion que les vices apparents doivent être mentionnés. Les vices apparents qui n’ont pas fait l’objet d’une remarque par le maître de l’ouvrage sont censés être agréés par ce dernier lors de la réception.

La réception ne vise cependant pas les vices cachés qui, par définition, ne sont pas immédiatement visibles, ni les vices relevant de la responsabilité décennale. La réception a d’ailleurs pour autre effet principal de faire courir le délai de la garantie décennale.

A cet égard il convient de préciser que le délai de garantie décennale commence à courir à dater de la réception définitive des travaux sauf si les parties ont dérogé à cette règle en prévoyant, dans le contrat qui les lie, que la garantie débutera à dater de la réception provisoire, ce qui est le plus souvent le cas.




Florence Desternes
Avocat au barreau de Bruxelles - Xirius


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