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Critères d'attribution, choix de l'offre et motivation



1. Les marchés publics sont, conformément à l’article 5, alinéa 2, de la loi du 15 juin 2006 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services, « (…) attribués avec concurrence, après vérification du droit d'accès, sélection qualitative et examen des offres des participants, conformément à une des procédures de passation (…) ».

La dernière étape de l’attribution d’un marché public, à savoir l’examen des offres, consiste en « la vérification de la valeur intrinsèque de chacune des offres par rapport au(x) critère(s) d’attribution du marché » (cf. Note 1). Le pouvoir adjudicateur va devoir opérer un choix entre les différentes offres qu’il a préalablement jugées régulières. Bien qu’il dispose d’un large pouvoir discrétionnaire d’appréciation en la matière, il lui revient d’observer des règles et des modalités particulières selon les différents modes de passation d’un marché public.

2. L’adjudication est la procédure de passation d’un marché public aux termes de laquelle le pouvoir adjudicateur est amené à choisir la meilleure offre en fonction du seul critère d’attribution relatif au prix. Dans un tel processus, il est imposé au pouvoir adjudicateur, sous peine d’une indemnité forfaitaire de 10% de la valeur de l’offre, de retenir l’offre régulière la plus basse (cf. Note 2).

3. Aux termes de l’article 25, alinéa 1er, de la loi du 15 juin 2006, « lorsque le pouvoir adjudicateur décide de passer le marché par appel d'offres, celui-ci doit être attribué au soumissionnaire qui a remis l'offre régulière économiquement la plus avantageuse du point de vue du pouvoir adjudicateur, tenant compte des critères d'attribution ». Contrairement à l’adjudication, l’appel d’offres est un mode de passation « multicritère », qui suppose nécessairement que le pouvoir adjudicateur attribue le marché au soumissionnaire qui a remis l’offre la plus avantageuse au regard des plusieurs critères d’attribution.

4. L’article 107 de l’arrêté royal du 15 juillet 2011 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques (cf. Note 3) prévoit qu’« en procédure négociée, le marché est attribué soit au soumissionnaire qui a remis l'offre la plus basse, soit au soumissionnaire qui a remis l'offre économiquement la plus avantageuse du point de vue du pouvoir adjudicateur en tenant compte des critères d'attribution (…) ». Cette disposition prévoit toutefois plusieurs exceptions dans lesquelles le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de prévoir des critères d’attribution en vue d’attribuer le marché.

5. De manière générale, le législateur et la jurisprudence encadrent strictement et précisément la mise en œuvre des critères d’attribution. Ainsi, l’on peut citer de manière non-exhaustive (cf. Note 4) que :

• une fois les critères annoncés et les offres déposées, la règle est l’intangibilité. Une décision émanant du pouvoir adjudicateur ayant pour objet de modifier ou corriger les critères d’attribution prévus initialement dans l’avis de marché ou le cahier spécial des charge est, en principe, irrégulière.

• les critères d’attribution doivent être liés à l'objet du marché et permettre une comparaison objective des offres sur la base d'un jugement de valeur.

• le Conseil d’Etat estime, dans une jurisprudence constante (cf. Note 5), qu’« (…) un critère d’attribution ne peut avoir pour effet de conférer au pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix pour l’attribution du marché, ce qui serait le cas d’un critère vague, aléatoire et imprécis; [par ailleurs] les critères choisis doivent respecter le principe de non-discrimination, ce qui implique qu’ils soient objectifs et indistinctement applicables à toutes les offres ».

• les critères d’attribution doivent êtres formulés de manière « (…) à ce que tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement soigneux doivent être en état de les interpréter de la même manière » (cf. Note 6). En outre, il convient que le pouvoir adjudicateur les explique de la même manière durant toute la procédure (cf. Note 7).

• …

Le pouvoir adjudicateur doit encore veiller à ne pas commettre d’erreur manifeste d’appréciation lors de l’appréciation des offres au regard des critères d’attribution. Il est donc impératif que le pouvoir adjudicateur veille à ce que sa décision repose sur des motifs exacts, pertinents et admissibles et que les soumissionnaires non retenus soient en mesure de comprendre les raisons qui l’ont conduit à ne pas leur attribuer le marché.

6. Depuis l’arrêt Lianakis prononcé par la Cour de Justice de l’Union européenne, les sous-critères d’attribution doivent, eux aussi, être fixés dans les documents de marché, étant donné qu’ils permettent de préciser les critères d’attribution et, partant, d’éclairer leur appréciation (cf. Note 8). Il est à noter que la haute juridiction européenne a, dans son arrêt Evropaïki Dynamiki (cf. Note 9)précisé la portée de son arrêt Lianakis.

En revanche, la méthodologie d’évaluation des offres ne doit pas obligatoirement être communiquée aux soumissionnaires(cf. Note 10). A cet égard, il convient de ne pas confondre les sous-critères d’attribution et les éléments d’appréciation des offres (cf. Note 11).

7. Enfin, il est également important de ne pas confondre le critère d’attribution avec d’autres notions propres au droit des marchés publics.

Il convient ainsi de distinguer le critère d’attribution du critère de sélection. L’on sait que le premier est destiné à évaluer la valeur intrinsèque des offres déposées, tandis que le second porte sur la personne du soumissionnaire en ce qu’il vise à évaluer ses aptitudes à mener à bien un marché. A la suite de la jurisprudence du Conseil d’Etat (cf. Note 12), le législateur a toutefois instauré à l’article 33, § 3, de la loi du 15 juin 2006 une exception à cette distinction. Cette disposition prévoit que « dans le cas d'un marché public ou d'un lot, ayant exclusivement pour objet des services visés à l'annexe II, B, de la (…) loi, des éléments liés à la capacité technique et professionnelle du soumissionnaire peuvent, à titre exceptionnel, constituer des critères d'attribution. Cette possibilité ne peut être mise en œuvre que s'il est démontré que cela est rendu nécessaire par les exigences particulières du marché ou du lot concerné ».

Le critère d’attribution se distingue également de la condition du marché. En effet, si ce premier « suppose (…) toujours la possibilité de chiffrer le degré de satisfaction d’une exigence déterminée », la seconde est, en revanche, « neutre, c'est-à-dire que soit on la respecte à 100 % soit on ne la respecte pas et il importe peu dans ce deuxième cas que l’exigence soit respectée à 50 % ou même à 99 % dès lors que le seul fait de ne pas atteindre les 100 % demandés entraîne (…) [l’irrégularité de l’offre]» (cf. Note 13).




Marie Vastmans
Avocat au barreau de Bruxelles - Xirius



Notes:

(1) Doc. Parl., Ch. repr., sess. ord. 2005-2006, n° 51-2237/1, p. 25.

(2) Art. 24 de la loi du 15 juin 2006. Voy. not. à ce sujet D. RENDERS et K. POLET, « Marché public attribué par adjudication: l'illégalité est source de réparation forfaitaire sans qu'une faute, un dommage et un lien causal aient à être démontrés », J.T., 2015, pp. 344-345.

(3) En ce qui concerne les secteurs spéciaux, voy. l’art. 106 de l’arrêté royal du 16 juillet 2012 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs spéciaux.

(4) Pour un exposé complet sur ce sujet, voy. M. VASTMANS, « L'attribution des marchés publics », in Le droit des marchés publics à l'aune de la réforme du 1er juillet 2013, Bruxelles, Larcier, 2014, pp. 489-548.

(5) C.E., arrêt n° 173.072 du 2 juillet 2007; C.E., arrêt n° 221.759 du 14 décembre 2012.

(6) C.J.U.E., affaire C-448/01 du 4 décembre 2003, EVN AG et WIENSTROM GMBH.

(7) E. THIBAUT, « Actualités de la jurisprudence de la section du contentieux administratif du Conseil d’Etat (année 2009) », A.P.T., 2012, p. 312.

(8) C.J.U.E., affaire C-532/06 du 24 janvier 2008, LIANAKIS.

(9) C.J.U.E., affaire C-252/10 du 21 juillet 2011, EVROPAÏKI DYNAMIKI.

(10) C.E., arrêt n° 192.810 du 28 avril 2009.

(11) Consultez à cet égard, C.E., n° 229.008 et 229.009 du 3 novembre 2014, n° 229.075 du 5 novembre 2014, n° 229.174 à 229.176 du 17 novembre 2014, n° 229.225 et 229.226 du 19 novembre 2014.

(12) C.E., arrêt n° 126.719 du 22 décembre 2003 ; C.E., arrêt n° 163.337 du 10 octobre 2006 ; C.E., arrêt n° 170.589 du 26 avril 2007.

(13) M.-A. FLAMME, PH. FLAMME et CL. DARDENNE, Les marchés publics européens et belges : l’irrésistible européanisation du droit de la commande publique, Bruxelles, Larcier, 2005, 1ère éd., p. 120, n°98.




Source: DroitBelge.Net > Fiches Pratiques > Droit Public

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