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La pratique en marge de la loi



Lorsque des indemnités provisionnelles ont été payées, la pratique actuelle consiste à déduire de l’indemnité due en principal augmentée des intérêts compensatoires, les provisions déjà payées, elles-mêmes majorées des intérêts ‘créditeurs’ depuis la date des différents décaissements.

Certaines décisions vont même jusqu’à décider que les intérêts créditeurs doivent être calculés au taux légal, alors même que les intérêts compensatoires alloués sont fixés à un taux réduit ! (cf. Note 1)
Cette pratique est tolérée par la Cour de cassation qui considère que tous ces calculs sont des questions de fait et que les juges du fond « ont ainsi apprécié souverainement, en fait, le montant qui doit être déduit des indemnités dues à la défenderesse » (cf. Note 2).

La pratique actuelle est généralement mal comprise par les victimes qui s’étonnent de voir que les indemnités qu’elles ont reçues et auxquelles elles avaient droit, produisent des intérêts en faveur du tiers responsable ou de son assureur.

On doit observer qu’aucune disposition légale ne fait courir des intérêts au profit du débiteur sur le paiement partiel qu’il a effectué. Il est en outre fondamentalement absurde d’affirmer que le débiteur qui paie en partie sa dette, devient créancier d’intérêts ! Même les banquiers aux abois n’ont pas osé imaginer une telle ineptie, que bon nombre de juristes semblent accepter sans frémir.

Sans doute, lorsque la personne lésée a reçu une indemnité provisionnelle, il serait inconcevable de calculer des intérêts sur l’indemnité globale sans tenir compte du paiement de la provision, car ce serait allouer à la personne lésée la réparation d’un dommage qui n’a pas été subi (cf. Note 1).

Il serait assez logique d’arrêter le cours des intérêts au moment du paiement de chaque indemnité provisionnelle et de calculer ensuite des intérêts sur un capital réduit. La paresse des avocats, ou peut-être leur allergie aux chiffres, les conduit à établir des décomptes qui ressemblent à un compte courant dans lequel toute ‘entrée’ en compte devient un « article » automatiquement productif d’intérêts.

Ce mécanisme un peu curieux est-il compatible avec les règles relatives à l’imputation des paiements ?



Jean-Luc Fagnart
Avocat au barreau de Bruxelles

Cabinet Thelius



Notes:


(1) D. de Callataÿ et N. Estienne, La responsabilité civile. Chronique de jurisprudence 1996-2007, vol. II, ‘Le dommage’, Larcier, 2010, 578.

(2) Cass., 26 mars 2002, Pas., 2002, 798 ;- Cass., 16 mai 2001, Pas., 2001, 877.

(3) Cass., 22 avril 1997, Pas., 1997, 492.

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