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La faute intentionnelle dans le droit des assurances



Tant dans l’ancienne loi sur les assurances du 11 juin 1874 que dans la loi sur le contrat d’assurance terrestre du 25 juin 1992, le législateur a voulu que l’assureur puisse refuser de couvrir un sinistre qui a été causé intentionnellement par l’assuré.

L’exclusion de la faute intentionnelle est un principe fondamental dans le droit des assurances. Tout contrat d’assurance est par définition un contrat aléatoire. La conclusion d’un contrat d’assurance suppose un événement incertain. Le risque que cet événement incertain se réalise constitue l’élément essentiel du contrat d’assurance. La faute intentionnelle fait disparaître l’aléa et transforme l’événement incertain en certitude. Le caractère aléatoire du contrat d’assurance s’oppose dès lors à la couverture des fautes intentionnelles.
Il n’est pas permis de déroger à ce principe. L’on admet généralement que l’article 8 de la loi sur le contrat d’assurance terrestre, qui consacre ce principe, est une règle d’ordre public.

S’il existe une unanimité sur le principe de refus de couverture d’une faute intentionnelle, une grande incertitude a néanmoins régné pendant longtemps quant au contenu de la notion de faute intentionnelle. Par un arrêt du 5 décembre 2000, la Cour de cassation a mis fin aux discussions.

Les faits qui ont donné lieu à cette décision concernent un sinistre survenu lors d’une manifestation de GAIA contre le transport de moutons. Un des participants causa à cette occasion de sérieuses blessures à un gendarme. La victime s’est constituée partie civile devant le juge pénal et a demandé une indemnisation de la part de l’assureur RC vie-privée de l’auteur du dommage. L’assureur a contesté la demande au motif que l’auteur des faits avait commis une faute intentionnelle. La Cour d’appel de Gand a néanmoins condamné l’assureur à indemniser la victime. La Cour de cassation a cassé cet arrêt en précisant qu’un sinistre est causé intentionnellement dès lorsque l'assuré a posé un acte ou s'en est abstenu sciemment et volontairement, et que son comportement à risques a causé un dommage raisonnablement prévisible à une tierce personne. La circonstance que l'auteur n'ait pas souhaité ce dommage, sa nature ou son ampleur n'y change rien, il suffit que le dommage ait été occasionné.

On retrouve beaucoup d’applications de ce principe dans la jurisprudence. L’incendie criminel est un exemple classique de faute intentionnelle, mais il y en a d’autres. Ainsi, la Cour d’appel de Gand a décidé, dans un arrêt du 22 février 2002, qu’un propriétaire d’un véhicule s’était rendu coupable d’un sinistre intentionnel, en ayant laissé utiliser le véhicule par un ami dont il connaissait l’intention de ‘faire l’imbécile’. Le conducteur avait en l'espèce roulé sur un terrain de football récemment aménagé, alors que le propriétaire se trouvait comme passager dans le véhicule et n'avait rien entrepris pour éviter le sinistre.

Il arrive régulièrement que les médias fassent état de sinistres causés par des enfants mineurs. On pense par exemple aux enfants qui ont, du haut d’un pont, jeté des blocs de béton sur un train, tuant ainsi un mécanicien. On pense aussi aux enfants mineurs qui provoquent des incendies … Il est évident que de tels accidents ont des conséquences financières importantes pour les parents qui ne disposent pas d’une assurance RC familiale. Mais qu’en est-il des parents qui disposent d’un tel contrat d’assurances ? L’assureur doit-il couvrir ces sinistres ? A première vue, on se serait tenté de répondre à cette question par la négative. Jeter des pierres sur un train du haut d’un pont et les incendies criminelles sont en effet de parfaits exemples de fautes intentionnelles.

Pourtant, en ce qui concerne la responsabilité des parents, l’assureur RC ne pourra pas se libérer de son obligation de prendre en charge le sinistre. La faute intentionnelle ne libère en effet l’assureur que lorsqu’il s’agit de la responsabilité personnelle de l’auteur de cette faute. Ainsi, si la victime décide de diriger son action contre l’enfant mineur, l’assureur pourra refuser son intervention en invoquant la faute intentionnelle de l’enfant. En revanche, il devra couvrir la responsabilité des parents, qui serait engagée sur pied de l’article 1384, alinéa 2 du Code civil.

Des voix s’élèvent pour que la faute intentionnelle de l’enfant mineur soit couverte par l’assureur. Certains assureurs ont même déjà pris les devants en adaptant leurs polices sur ce point. La détermination de l’âge en dessous duquel la faute intentionnelle ne pourrait plus être invoquée par l’assureur, fera vraisemblablement l’objet d’un choix politique.







Britt Weyts
Avocat au barreau de Bruxelles

Cabinet Thelius






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