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Livre V : La SRL (18) – la démission et l’exclusion d’un actionnaire à charge du patrimoine social



Sous l’ancien Code des sociétés, nombreux étaient ceux qui choisissaient la forme de la société coopérative afin de bénéficier de certaines règles qui lui étaient propres, et notamment des opportunités d’entrée, de démission et d’exclusion des associés relativement souples, sans devoir passer par une modification des statuts.

Cela était possible en coopérative notamment grâce à la variabilité du capital qui impliquait la possibilité pour l’associé de démissionner ou pour la société de l’exclure.

Aujourd’hui, le CSA réserve la forme de la société coopérative aux « vraies » coopératives, de sorte qu’il n’est plus possible d’utiliser celle-ci si on ne répond pas au modèle coopératif. Le législateur a donc souhaité rendre plus flexible le régime de la SRL et le rapprocher de celui de la société coopérative afin d’offrir un régime comparable aux sociétés coopératives ne répondant plus à l’idéal coopératif et devant par conséquent se transformer en SRL.

Le législateur a donc décidé d’instaurer aux articles 5:154 et 5:155 une nouveauté dans le CSA : permettre à un actionnaire d’une SRL de démissionner de la société et permettre à la société d’exclure un de ses actionnaires, et ce « à charge du patrimoine social », ce qui signifie qu’un actionnaire peut quitter la société par l’annulation de ses actions et la restitution de sa part faisant partie des fonds propres de la SRL (cf. Note 1).

Il ne s’agit toutefois que d’une possibilité offerte par le nouveau CSA. Cette possibilité de démissionner et/ou d’exclure un actionnaire n’existera que si les statuts le prévoient, et coexiste en parallèle avec les procédures de retrait et d’exclusion judiciaire visées aux articles 2:60 à 2:69 du CSA.

Les modalités pratiques de ces deux procédures étant principalement régies par les statuts, le législateur a facilité les choses en précisant chaque fois les dispositions qui revêtent un caractère impératif et celles auxquelles il est permis de déroger dans les statuts.

Les dispositions impératives :

• La démission des fondateurs n’est autorisée qu’à partir du troisième exercice suivant la constitution de la SRL (art. 5:154, § 1er, 1° CSA). Seul le délai minimum est impératif. Rien n’empêche dès lors de prévoir un délai plus long dans les statuts ;

• Le montant de la part de retrait qui revient à l’actionnaire démissionnaire ou exclu est considéré comme une distribution, de sorte qu’elle ne peut être payée que moyennant la réussite du double test prévu aux articles 5:141 à 5:144 du CSA (art. 5:154, § 1, 6° CSA et art. 5:155, § 3 CSA). À défaut de réussite, le paiement est suspendu, mais l’actionnaire démissionnaire ou exclu a le droit d’être payé dès que possible, avant toute autre distribution aux actionnaires restants ;

• La procédure d’exclusion prévue par l’article 5:155 est impérative. Etant donné l’importance d’une telle décision, seule l’assemblée générale est compétente pour prononcer une exclusion, contrairement au régime prévu dans la société coopérative qui autorise les statuts à confier cette compétence à un autre organe (art. 6:11 CSA). Cette procédure vise à garantir les droits de l’actionnaire visé, à savoir principalement le respect du contradictoire et l’exigence de motivation de la décision d’exclusion par l’assemblée générale. Ainsi l’actionnaire concerné sera invité à faire connaître ses observations à la société par écrit dans le mois de la communication de la proposition d’exclusion motivée par l’assemblée générale, et sera entendu à sa demande.

De plus, l’organe d’administration devra tenir à jour un registre des actions mentionnant les diverses exclusions et démissions intervenues au cours de l’année ainsi que leurs modalités. Les exclusions, démissions et les modifications statutaires qui en découlent devront être établies, avant la fin de chaque exercice, par un acte authentique reçu à la demande de l’organe d’administration (art. 5:154, §§ 2 et 3 CSA et 5:155, §§ 4 et 5 CSA ).

Les dispositions supplétives :

• Les actionnaires ne peuvent démissionner que pendant les six premiers mois de l’exercice social (art. 5:154, § 1er, al. 2, 2°, CSA). Cette règle étant supplétive, les statuts peuvent l’aménager, en autorisant par exemple la démission à tout moment au cours de l’exercice social ;

• Les actionnaires ne peuvent démissionner que pour l’ensemble de leurs actions, lesquelles seront annulées (5:154, § 1er, al. 2, 3°, CSA). A nouveau, cette règle étant supplétive, les statuts pourront éventuellement autoriser que la démission ne porte que sur une partie des actions de l’actionnaire démissionnaire ;

• La démission ne prendra effet que le dernier jour du sixième mois de l’exercice, et la part de retrait sera payée au plus tard dans le mois qui suit (5:154, § 1er, al. 2, 4°, CSA) ;
Le montant de la part de retrait pour les actions pour lesquelles l’actionnaire demande sa démission est équivalent au montant réellement libéré et non encore remboursé pour ces actions sans cependant que ce montant puisse être supérieur à la valeur d’actif net de ces actions telle qu’elle résulte des derniers comptes annuels approuvés (5:154, § 1er, al. 2, 5°, CSA).

Quid en cas de décès, de faillite, de déconfiture, de liquidation ou d'interdiction d'un actionnaire ?

Les statuts peuvent également prévoir qu’en cas de décès, de faillite, de déconfiture, de liquidation ou d'interdiction d'un actionnaire, celui-ci est réputé démissionnaire de plein droit à cette date. L'actionnaire, ou, selon le cas, ses héritiers, créanciers ou représentants recouvrent alors la valeur de sa part de retrait de la manière déterminée par l'article 5:154 (art 5 :156 CSA).

Dans ce cas, la règle impérative prévue à l’article 5:154, §1, alinéa 2, 1° suivant laquelle les fondateurs ne peuvent démissionner qu’après le troisième exercice suivant la constitution de la SRL ne s’applique pas, et la règle supplétive prévue à l’article 5:154, §1, alinéa 2, 2° suivant laquelle un actionnaire ne peut démissionner que pendant les six premiers mois de l’exercice sociale ne s’applique pas non plus. De plus, Les actionnaires démissionnaires ou, en cas de décès, de faillite, de déconfiture, de liquidation ou d'interdiction d'un actionnaire, ses héritiers, créanciers ou représentants ne peuvent provoquer la liquidation de la société.

Les statuts peuvent également prévoir que l'actionnaire qui ne répond plus aux exigences statutaires pour devenir actionnaire est à ce moment réputé démissionnaire de plein droit. En ce cas, les règles prévues aux articles 5:154, §1, alinéa 2, 1° et 2° ne s’appliquent pas non plus.




Caroline Kempeneers
Avocate - Médiatrice agréée en matière civile et commerciale
Solis Law Firm


Consultez également nos autres fiches en « droit des sociétés », en suivant ce lien : www.droit-societes.be





Notes:

(1) Il est toutefois à noter que si la sortie des actionnaires a été facilitée par l’introduction de ces possibilités de démission et d’exclusion à charge du patrimoine social, l’entrée de nouveaux actionnaires reste plus lourde en SRL que dans le cadre d’une société coopérative (voir, à cet égard, notre fiche sur l’émission d’actions nouvelles).


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