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Livre II : les nouveaux plafonds de responsabilité des administrateurs



Plusieurs modifications importantes vont impacter la vie de ceux qui sont chargés de l’administration des personnes morales (qu’il s’agisse de sociétés, d’associations ou de fondations).

La présente fiche est consacrée aux nouveaux plafonds de responsabilité des administrateurs (art. 2:57 CSA).

Principe et objectif poursuivi

Le CSA plafonne désormais la responsabilité des administrateurs de toutes les personnes morales et ce, en fonction de leur taille.

L’objectif poursuivi est double :

• d’une part, assurer une meilleure assurabilité de la responsabilité des administrateurs ;

En d’autres termes, on veut permettre aux administrateurs de couvrir plus facilement leur responsabilité auprès d’une compagnie d’assurance (sans rendre pour autant cette couverture obligatoire).

• d’autre part, assurer une certaine égalité entre les personnes qui assurent la direction d’une personne morale et ce, quel que soit leur statut (salarié, société chargée d’une fonction de management, administrateur indépendant).

Critères de référence pour la détermination des plafonds

Le CSA prévoit différents plafonds de responsabilité qui dépendent de la taille de la personne morale dans laquelle la personne assure un mandat d’administrateur.

La taille de la personne morale sera elle déterminée en fonction des critères habituels que sont son chiffre d’affaires et le total de son bilan (le nombre de personnes qui travaillent pour la personne morale n’intervient par contre pas).

Ce sont ces critères qui serviront de référence pour déterminer le plafond applicable.

Ils seront automatiquement indexés en tenant compte de l’indice des prix à la consommation.



Seront sans influence sur l’application des plafonds :

• le nombre de victimes du dommage causé par la faute de l’administrateur ;

Or, il est possible que les victimes n’agissent pas conjointement. Par conséquent, les dernières à agir risquent de constater qu’en raison de l’accueil d’actions antérieures, le plafond de responsabilité soit atteint.

• la nature de la faute (contractuelle ou extra-contractuelle) ;

• l’origine légale de la faute (violation des statuts, du CSA ou d’une autre disposition légale) ;

• le nombre d’administrateurs si la décision a été prise par un organe collégial (le plafond s’appliquera donc à tout l’organe collégial) ;

• le fait que l’action en responsabilité ait été introduite par la société ou par un tiers.

Période de référence

Puisqu’on se réfère à des critères de taille, il faut bien qu’on détermine sur quelle période. Le CSA retient, comme période de référence, les trois années précédant l’intentement de l’action en responsabilité, sachant qu’aucun dépassement de seuil ne peut avoir eu lieu durant cette période de trois ans. Si tel est le cas, on se réfère alors au plafond supérieur.

Une exception concernant le premier plafond de 125.000,00 EUR : la période de référence sera l’exercice précédant l’intentement de l’action en responsabilité (et non pas les trois années précédant l’intentement de l’action).

Comme toutes les personnes morales ne sont pas âgées d’au moins trois ans, il fallait bien prévoir une exception pour ce qui les concerne. On prendra alors la période écoulée depuis leur constitution, en reconstituant le chiffre d’affaires et le bilan moyens d’une année.

Régime spécial pour les personnes morales qui tiennent une comptabilité simplifiée

Pour les personnes morales qui tiennent une comptabilité simplifiée, il convient d’entendre par chiffre d’affaires, le montant des recettes « autres que non récurrentes » et par total du bilan, le plus grand des deux montants figurant sous les avoirs et les dettes.

La contrepartie des plafonds

Le bénéfice de ces nouveaux plafonds ne se fait pas sans contrepartie (art. 2:58 CSA) :

• il sera interdit de prévoir des limitations de responsabilité contractuelles ou statutaires au-delà des limites légalement prévues ;

Dit autrement, les plafonds ne pourront être réduits en-deçà de ceux retenus par le CSA.

• il sera également interdit de prévoir des clauses d’exonération ou de garantie que la personne morale contracterait au profit de ses administrateurs ;

- Par la clause d’exonération, le CSA vise l’hypothèse où la personne morale libérerait à l’avance son administrateur de la mise en cause de sa responsabilité à la suite d’un dommage qu’elle (ou ses filiales) subirait de ce fait ;
- Par la clause de garantie, le CSA vise l’hypothèse où la personne morale (ou ses filiales) garantirait l’administrateur contre la mise en cause de sa responsabilité par un tiers.

Ce qui ne veut pas dire que la société ne pourra couvrir à ses frais la responsabilité de ses administrateurs auprès d’une compagnie d’assurances.

En outre, le CSA a explicitement prévu qu’une société-mère pourra couvrir la responsabilité d’une personne qu’elle a désignée comme administrateur de l’une de ses filiales.

Exceptions à l’application des plafonds

Les plafonds ne s’appliqueront pas dans un certain nombre de cas (art. 2:57, § 3, CSA) :

• en cas d’intention frauduleuse ou à dessein de nuire ;
Dans les travaux préparatoires, on cite, à titre d’exemple, le transfert d’actifs ou de chiffre d’affaires du patrimoine de la société vers le patrimoine de l’administrateur, transfert ayant conduit à la faillite de la société ; on cite également le cas de l’abus de biens sociaux s’il conduit à la faillite.

• lorsque le membre de l’organe d’administration est tenu par les obligations de garantie visées à l’article 5:138 et 7:205 du CSA (exemple : dans la SRL, en cas d’apports supplémentaires et d’émission d’actions nouvelles, les membres de l’organe d’administration doivent garantir la souscription intégrale des nouvelles actions émises) ;

• en cas d’application de certains cas de responsabilité solidaire prévues auparavant dans le Code des impôts sur les revenus et dans le Code de la TVA (notamment, en cas de non-paiement répété du précompte professionnel ou de la TVA). En effet, précisons d’ores et déjà que les articles que visent le CSA, à savoir la responsabilité solidaire prévue aux articles 442 quater Code des impôts sur les revenus de 1992, ainsi que l’article 93 undecies du Code TVA, ont tous deux été intégrés dans le nouveau Code de recouvrement, entré en vigueur le 1er janvier 2020 ;

• pour le cas de responsabilité solidaire au paiement des cotisations sociales dues au moment du prononcé de la faillite si la personne responsable a été impliquée dans au moins deux faillites ou liquidations d’entreprise à l’occasion desquelles des dettes de sécurité sociale n’ont pas été honorées (art. XX.226 du Code de droit économique) ;

• en cas de mise en cause de la responsabilité de l’administrateur en une autre qualité (actionnaire, fondateur, etc.).

Enfin, on relèvera que par la voie d’un amendement, la Chambre des représentants a inséré une nouvelle exception à l’application des plafonds, et elle est de taille. Les plafonds ne trouvent pas à s’appliquer aux fautes légères habituelles plutôt qu’accidentelles ainsi qu’aux fautes graves.

Les réactions doctrinales sont assez vives et critiques face à cette nouvelle exception dont on peut craindre qu’elle prive le régime d’une bonne partie de son intérêt. Tout dépendra de l’interprétation que la jurisprudence donnera à ces notions, et plus particulièrement, à la notion de faute grave.





Caroline Kempeneers
Avocate - Médiatrice agréée en matière civile et commerciale
Solis Law Firm


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