Imprimer

Le faux indépendant



Le "faux indépendant" est celui qui est déclaré comme indépendant au plan de la sécurité sociale, mais qui travaille en réalité sous l'autorité d'un employeur avec un lien de subordination évident, dans les mêmes conditions que ses collègues salariés mais sans bénéficier de contrat de travail.

Lorsqu'une relation de travail salarié est dissimulée sous l'étiquette fausse d'activité indépendante, il y a violation de la loi et les parties s'exposent à cet égard à de graves sanctions.

Les éléments constitutifs d'un contrat de travail sont classiquement au nombre de trois : la prestation, la rémunération et le lien de subordination. C'est ce dernier élément qui est la caractéristique essentielle du contrat de travail et le distingue notamment du contrat d'entreprise.

Quel que soit le type de contrat de travail, le lien de subordination existe dès qu'une personne (l'employeur) peut exercer son autorité sur une autre (le travailleur). Cette autorité doit pouvoir s'exercer à tout moment mais pas nécessairement de manière étroite et ininterrompue. Il suffit donc qu'elle soit potentielle, l'employeur ayant à tout moment le pouvoir, exercé ou non, de donner des ordres et de surveiller.

Le contrat de travail étant défini par la prestation de travail exécutée sous l'autorité d'un employeur, toute la difficulté est évidemment d'apprécier dans les cas d'espèce si les conditions d'exécution se font dans le cadre d'un lien de subordination ou non.

À l'inverse du travailleur salarié, le travailleur indépendant dirige lui-même l'exécution de son travail. Il est bien évidemment possible qu'il reçoive des instructions générales quant à la nature du travail à exécuter mais il organisera librement son travail, commandera ses fournitures et établira ses prix. De même, il n'aura pas à justifier de l'utilisation de son temps de travail ni de ses absences.

Le travailleur indépendant supporte par ailleurs des risques économiques. Il facture ses prestations, détermine son mode de rémunération (forfait par prestation, par heure, pourcentage sur chiffres d'affaires…). En principe, aucune rémunération minimale ne lui est assurée ni même aucune régularité de versement.

La frontière entre les deux statuts est souvent ténue, et ce d'autant que, plus que par le passé, différentes activités s'effectuent dans le cadre d'une dépendance "économique", laquelle n'implique pas en soi la subordination.

La qualification donnée par les parties au contrat est très importante et si les circonstances ne contredisent pas cette qualification, le juge devra nécessairement en tenir compte. (Cass. 23.12.2002, 28.04.2003, 30.04.2003, 08.12.2003 et 03.05.2004).

Afin de lutter contre le phénomène des faux indépendants, la Belgique a adopté une loi (“la loi-programme du 27 décembre 2006 publiée au Moniteur belge le 28 décembre 2006”).

La loi établit le principe selon lequel les parties choisissent librement la nature de leur relation de travail, mais également que l’exécution effective doit être en concordance avec la nature de la relation.

Si la qualification donnée par les parties ne correspond pas au travail effectué, leur relation sera « requalifiée ».

La loi mentionne quatre critères généraux:
• La volonté des parties telle qu’exprimée dans leur convention, mais uniquement si celle-ci est conforme à l’exécution effective du travail
• La liberté d’organisation du temps de travail
• La liberté d’organisation du travail
• La possibilité d’exercer un contrôle hiérarchique

Des critères spécifiques peuvent être établis par le Roi.

Cette loi prévoit également la création d’une « Commission de règlement de la relation de travail ».

Cette Commission rend des décisions relatives à la qualification d’une relation de travail déterminée, sur base des critères susmentionnés et à l’initiative d’une seule partie ou à l’initiative conjointe des parties.

Ces décisions lient les institutions de sécurité sociale et seront considérées comme un “social ruling”. Un recours contre ces décisions peut être introduit devant les juridictions du travail.

Parmi les 12 indices de subordination habituellement retenus permettant de déterminer si le travailleur dispose bien d’une indépendance réelle par rapport au bénéficiaire des services prestés, on retrouve :

• l’absence de participation par le travailleur dans les gains ou les pertes de l’entreprise

• l’absence de réinvestissement dans l’entreprise avec du capital propre

• l’absence de responsabilité ou de pouvoir de décision dans l’entreprise

• la garantie de paiement périodique

• fait de n’avoir comme client qu’une seule et unique entreprise

• le fait de ne pas être soi-même employeur

• le fait de ne pas pouvoir organiser librement son temps de travail

• l’existence de procédure de contrôle interne, avec sanctions à l’appui

• l’absence de pouvoir de décision concernant la facturation aux clients





Pierre Beyens
Avocat au barreau de Bruxelles - van Cutsem Wittamer Marnef & Partners

Valéry Vermeulen
Avocat au barreau de Bruxelles - van Cutsem Wittamer Marnef & Partners



Consultez toutes les Fiches Pratiques en droit du travail



Imprimer cette fiche (format A4)