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Faillite d’un franchisé et bail commercial



Commentaires d’un arrêt de la Cour de cassation du 4 septembre 2020

Il arrive qu’un franchisé, locataire (ou sous-locataire) du franchiseur, tombe en faillite.

Dans ce cas, le curateur désigné par le tribunal de l’entreprise a le choix : soit il poursuit le bail pour éventuellement le valoriser au bénéfice de la faillite (éventuellement en le cédant à un amateur), soit il le résilie.

Bien souvent, le curateur résilie le bail qu’il considère sans valeur et sans intérêt pour la valorisation de l’actif de la faillite.

Le curateur peut aussi être mis en demeure par le bailleur de prendre position sur le bail : soit il le poursuit, soit il le résilie.

S’il ne prend pas position dans les 15 jours de l’interpellation du bailleur, il est censé résilier le bail (art. XX.139. § 1er du Code de droit économique).

Dans ce cas, le bailleur réclame des indemnités de résiliation au curateur en plus des arriérés de loyer non payés le jour de la faillite.

Souvent, le bail fixe ces indemnités à 6 mois de loyer. Mais ce n’est pas toujours le cas.

De plus, certains bailleurs réclament au curateur la totalité des loyers perdus calculés jusqu’à la fin normale du bail. Ils soutiennent qu’ils n’ont pas résilié eux-mêmes le bail mais que cette résiliation provient du curateur.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 4 septembre 2020 (rôle n° C.20.0011.N), rejette un pourvoi entrepris contre un jugement du 25 juillet 2019 du Tribunal de première instance du Limbourg, division Tongres, qui avait décidé que les sommes réclamées par le bailleur sont toujours des dettes dans la masse et non pas de la masse, même si c’est le curateur qui a mis fin au bail.

En effet, le curateur a le droit de ne pas poursuivre un contrat s’il estime que cette poursuite est sans intérêt pour la valorisation de l’actif de la faillite. L’article 46 de la loi sur les faillites (actuellement devenu l’article art. XX.139. § 1er du Code de droit économique) le prévoit expressément puisqu’il précise que : « la créance de dommages et intérêts éventuellement dus au cocontractant du fait de cette résiliation entre dans la masse ». Cela veut dire que c’est à tort que certains bailleurs réclament les loyers non payés jusqu’à la fin du bail. Ils doivent limiter leur demande à des dommages-intérêts qui seront fixés conformément au contrat de bail si celui-ci le prévoit.

Si le bail ne prévoit rien, il faut tenir compte de l’article 1760 du Code civil : les dommages doivent correspondre au temps nécessaire à la relocation.

Comment ces indemnités seront-elles payées ?

Comme indiqué ci-dessus et confirmé par la Cour de cassation, il s’agit d’une dette dans la masse payable en « monnaie de faillite ». Autrement dit, dans la plupart des cas, le bailleur ne percevra rien de ces dommages-intérêts puisque les privilèges de certains créanciers (les travailleurs notamment) feront que ces créanciers seront payés avant les autres et que pour payer les intérêts du bailleur, il n’y aura plus d’argent disponible.

Si le franchiseur est en même le temps le bailleur du franchisé, pourrait-il agir contre le franchisé dans le cadre de la caution personnelle donnée par celui-ci dans le contrat de franchise ? Tout dépendra de la manière dont l’engagement de caution a été conclu. Si cet engagement concerne toutes les dettes dues par le franchisé, même pour des contrats annexes au contrat de franchise nécessaires à l’exécution de ce contrat, cela pourrait-être le cas. Il faudra cependant procéder à un examen de chaque situation pour vérifier la réponse.




Pierre Demolin
Avocat aux barreaux de Mons et de Paris
Cabinet Demolin Brulard Barthélémy (www.dbblaw.eu)




Version mise à jour le 8 décembre 2020.

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