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La divergence entre le CA prévisionnel et le CA réel : motif d’annulation du contrat de franchise ?



La divergence entre les chiffres d’affaires prévisionnels communiqués par le franchiseur au franchisé et les chiffres d’affaires réels obtenus par le franchisé est-elle un motif d’annulation du contrat de franchise aux torts du franchiseur ?

Il peut arriver qu’un franchisé n’atteigne pas les chiffres d’affaires que le franchiseur lui avait annoncés lors de la négociation du contrat de franchise.

Dans ce cas, le franchisé a tendance à mettre en cause la responsabilité du franchiseur.

Voici un exemple où une Cour d’appel a rejeté l’accusation du franchisé contre le franchiseur : « Les appelants déduisent de la seule discordance entre les chiffres d’affaires prévisionnels et les chiffres d’affaires qu’ils ont réalisés, une erreur déterminante de leur engagement sur la rentabilité du concept. Or, comme l’ont considéré à juste titre les premiers juges, ils ne démontrent, par la production d’aucune pièce, que les chiffres d’affaires prévisionnels fournis par le franchiseur étaient manifestement disproportionnés, irréalistes et non adaptés, les premiers juges relevant notamment qu’il n’était produit aucun élément susceptible, à cette époque, de remettre en cause la pérennité et la rentabilité du réseau de franchisés… » (CA Paris, 24 janvier 2018, n°15/15812).

Voici un autre exemple où un franchisé actif dans un réseau de restauration rapide reprochait au franchiseur de lui avoir communiqué des chiffres d’affaires prévisionnels qui s’écartaient de 55% des chiffres d’affaires réalisés durant les trois premières années d’exploitation du point de vente.

Le franchisé demandait au tribunal arbitral de prononcer la nullité du contrat de franchise, ou subsidiairement la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur.

Le franchiseur a alors produit un dossier démontrant que le franchisé avait commis des fautes de gestion qui expliquaient ses mauvais résultats.

Ce dossier contenait des avis d’une vingtaine de clients formulés sur un site internet reprochant la mauvaise qualité de l’accueil et du service de ce franchisé. Le nombre de ces avis a permis au franchiseur de prouver le reproche qu’il adressait à son franchisé.

Dans ce cas, le franchiseur avait en outre fait précéder la résiliation du contrat de franchise d’une mise en demeure préalable circonstanciée, demeurée vaine.

Le franchisé fut donc débouté (décision d’un tribunal arbitral du 16 décembre 2019 - La lettre des Réseaux, novembre-décembre 2019).

En fait, chaque cas doit être examiné non seulement au regard du contrat, qui prévoit souvent une clause de non responsabilité du franchiseur (par exemple : « le franchisé reconnaît que les chiffres annoncés sont une projection qui n’engage pas le franchiseur ») mais aussi au regard des faits, notamment en tenant compte de certains éléments propres au dossier.

Par exemple, si le franchiseur a communiqué des chiffres prévisionnels inexacts alors qu’il connaissait les chiffres réels parce qu’il avait exploité lui-même le point de vente ou parce qu’il connaissait les chiffres du précédent franchisé de ce même point de vente, on pourrait y voir une source de responsabilité dans son chef (manœuvre dolosive) qui rendrait inefficace la clause d’exonération de responsabilité (article 1116 du Code civil).




Pierre Demolin
Avocat aux barreaux de Mons et de Paris
Cabinet Demolin Brulard Barthélémy (www.dbblaw.eu)




Version mise à jour le 15 décembre 2020.

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