Imprimer

Le champ d'application des dispositions légales



L’article I.11.2° du Code de droit économique (ci-après « CDE ») définit l’accord de partenariat commercial comme étant :

« un accord conclu entre plusieurs personnes, par lequel une de ces personnes octroie à l'autre le droit, d'utiliser lors de la vente de produits ou de la fourniture de services, une formule commerciale sous une ou plusieurs des formes suivantes :

- une enseigne commune ;
- un nom commercial commun ;
- un transfert de savoir-faire ;
- une assistance commerciale ou technique
».

Conformément à la volonté du législateur, cette définition large de la notion de contrat de partenariat commercial est plus à même de cerner une multitude de formes de collaborations commerciales qui se rapportent toutes à une activité de vente de biens ou de fourniture de services, afin de ne pas établir une discrimination entre les différentes formules.


A. Quelles sont les conditions d’existence d’un contrat de partenariat commercial ?


1. Un contrat conclu entre plusieurs personnes

La loi du 19 décembre 2005 prévoyait que le contrat de partenariat commercial devait être conclu entre deux personnes, ce qui a suscité une vaine controverse quant à l’application de la loi aux contrats concernant plus de deux personnes. Afin de couper court à toute spéculation, l’article I.11.2° du CDE stipule désormais que l’accord de partenariat commercial est un accord conclu entre plusieurs personnes.


2. La notion de formule commerciale

Le caractère distinctif de l’accord de partenariat commercial est la notion de formule commerciale sous une ou plusieurs des formes indiquées dans la loi. La définition de la formule commerciale doit donc être approfondie.

Dans le rapport d’évaluation de la loi du 19 décembre 2005 rédigé par la Commission d’arbitrage, il est indiqué que le contrat doit avoir une certaine durée et un caractère permanent. La formule commerciale ne consiste pas en une succession de transactions isolées. Il y a formule commerciale lorsque « l’utilisation d’un ‘concept’ d’exploitation commerciale est proposée selon une série de normes d’exploitation commerciale ». On parle donc ici d’un concept d’exploitation commerciale.


3. Les quatre formes de contrats de partenariat commercial visées par l’article I.11.2 du Code de droit économique.

L’article I.11.2 du CDE renvoie à quatre notions distinctes : l’enseigne commune, le nom commercial commun, le transfert de savoir faire et l’assistance commerciale ou technique à caractère permanent. Il convient de s’arrêter sur chacune de ces notions.


Une enseigne commune

L’enseigne est le signe distinctif d’une entreprise commerciale qui est apposé sur ses bâtiments et locaux servant de lieux d’exploitation. Même si les notions « d’enseigne » et de « nom commercial » se confondent, l’enseigne n’est toutefois pas forcément un nom commercial au sens strict, puisqu’en règle générale, l’enseigne est non seulement verbale, mais également graphique.


Un nom commercial commun

Le nom commercial (ou dénomination commerciale) est le signe distinctif sous lequel une entreprise commerciale est connue ou exploitée ou encore « connue dans son exploitation ».

Traditionnellement, le nom commercial sert à signaler un fonds de commerce, par opposition à la dénomination sociale qui a pour objet d’identifier une société, ou à la marque qui a pour objet de distinguer les produits ou les services d’une entreprise.


Un transfert de savoir-faire

Le savoir-faire (ou know-how) ne bénéficie pas d’une définition légale dans le CDE. Il faut dès lors se plonger dans le Règlement européen n°772/2004 concernant l’application de l’article 101, §3 du TFUE à des catégories d’accord de transfert de technologie qui définit le savoir-faire comme étant : « un ensemble d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience et testées, qui est secret (c.-à-d. qu’il n’est pas généralement connu ou facilement accessible), substantiel (c.-à-d. important et utile pour la production des produits contractuels) et identifié (c.-à-d. décrit d’une façon suffisamment complète pour permettre de vérifier qu’il remplit les conditions de secret et du substantialité) ».


Une assistance commerciale ou technique

Concernant la notion d’assistance commerciale ou technique, les travaux préparatoires de la loi parlent « d’un appui logistique, de l’expertise et des conseils de grands groupes de la distribution ».

Cette assistance doit être présente dès le début de la relation contractuelle (étude de marché, localisation du point de vente, etc.), et perdurer tout au long de la vie du contrat (publicité, formation du personnel, évolution du réseau, etc.).

A noter que désormais, la notion de « rémunération » a été supprimée de la définition de l’accord de partenariat commercial. L’interprétation de cette condition pouvait en effet exclure certaines formes de contrats de partenariat commercial du champ d’application de la loi, privant celui qui reçoit le droit de la protection légale qui lui est destinée.


B. Quels sont les contrats visés par la loi ?


1. Le contrat de franchise

Il est certain que le contrat de franchise est visé étant donné que le transfert de savoir-faire et l’assistance commerciale et technique du franchiseur sont de l’essence même du contrat de franchise qui constitue la forme la plus accomplie d’un contrat de distribution commerciale (de produits ou de services).

L’emploi du nom commun ou d’une enseigne commune permet à une chaîne commerciale de se présenter de manière uniforme. Elle est l’extériorisation du savoir-faire du franchiseur et la manifestation des droits de propriété intellectuelle du créateur de la formule qui se fait connaître auprès du consommateur de la même manière dans chaque implantation.


2. Le contrat de licence

Le propriétaire ou le détenteur d’une marque concède le droit à un tiers d’utiliser cette marque.

Ce contrat de licence peut être assorti d’autres droits et obligations : exclusivité territoriale, exclusivité de produits ou services, respect de normes qualitatives, directives concernant la publicité et le marketing, etc…

A défaut de transfert de savoir-faire et d’assistance technique ou commerciale, un tel contrat n’est pas un contrat de franchise. Pourtant, il sera parfois visé par la nouvelle loi si cette licence permet au licencié de faire usage, sous la marque concédée, d’une enseigne commune ou d’un nom commercial commun avec d’autres licenciés et si, de cette manière, des commerçants indépendants font usage d’une même formule commerciale.


3. Le contrat de concession de vente

Le contrat de concession de vente est un contrat-cadre par lequel une entreprise (le concédant) s’engage envers une autre (le concessionnaire) à conclure avec elle, pendant un certain temps, des ventes portant sur des produits déterminés en vue d’en promouvoir la distribution.

Ce contrat diffère du contrat de franchise sur certains éléments. Il n’y a pas nécessairement de communication de savoir-faire, d’assistance de la part du concédant, d’enseigne commune ni de paiement de redevances. Cependant, il arrive qu’un ou plusieurs de ces éléments figurent dans certains contrats. Parfois, un contrat intitulé « contrat de franchise » est requalifié en contrat de concession exclusive soumis, pour sa rupture, à la loi du 27 juillet 1961 (insérée au Livre X, Titre 3 du Code de droit économique).

Les dispositions relatives à l’information précontractuelle dans le cadre d’accords de partenariat commercial n’ont pas pour effet d’exclure les dispositions reprises au Livre X, Titre 3 du CDE relatives à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée. Elles s’y ajoutent dans certains cas, ceux où par exemple le concessionnaire reçoit le droit d’utiliser une enseigne commune ou reçoit de la part du concédant une assistance commerciale.


4. Le contrat d’affiliation

Ce contrat lie un affilié à une centrale d’achat qui s’engage à approvisionner l’ensemble de ses affiliés à des conditions généralement intéressantes ou à négocier auprès de fournisseurs référencés des conditions favorables.

Si ce contrat accorde en outre à l’affilié certains droits, notamment le droit d’utiliser une enseigne commune ou de bénéficier d’une assistance commerciale, il sera soumis aux dispositions du CDE relatives à l’information précontractuelle.

Bien souvent du reste, des contrats dénommés « contrats d’affiliation » sont en fait de véritables contrats de franchise.


5. Le contrat de gérance libre ou de location-gérance

Une entreprise, propriétaire d’un fonds de commerce, met celui-ci à la disposition d’un gérant indépendant en contrepartie d’une redevance.

En soi, un tel contrat n’est pas un contrat de distribution et n’a donc pas pour but d’octroyer le droit de faire usage d’une formule commerciale comprenant une enseigne commune, un transfert de savoir-faire ou une assistance technique ou commerciale. Mais si ce contrat s’accompagne d’un contrat de franchise ou d’un contrat d’affiliation, ou s’intègre dans un tel contrat, les dispositions du CDE relatives à l’information précontractuelle s’appliqueront au gérant qui devrait alors plutôt être qualifié de franchisé ou d’affilié.


6. Le contrat d’agence

Suite à la transposition dans notre ordre juridique national de la directive 86/653, le contrat d’agence fait l’objet d’une réglementation en Belgique. La directive a été transposée par la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d’agence commerciale, dont le contenu est désormais repris au Livre X, Titre 1er du CDE.

A la différence d’un contrat de franchise, le contrat d’agence ne prévoit pas nécessairement la transmission d’un savoir-faire ou d’une assistance. Cependant, dans certains cas, la limite entre le contrat d’agence et le contrat de franchise est ténue.

L’agent commercial est un indépendant qui vend des biens ou des services au nom et pour compte du commettant. Si les autres conditions de la loi sont réunies (formule commerciale, enseigne ou nom commercial communs ou transfert de savoir-faire ou assistance commerciale ou technique), un tel contrat d’agence sera soumis aux dispositions du CDE relatives à l’information précontractuelle.

A noter que les contrats d’agence de banque et d’agence d’assurance sont expressément exclus du champ d’application des dispositions du Code de droit économique relatives à l’information précontractuelle (article X.26 du CDE). Cependant, cette exclusion est contestée et fait l’objet d’une procédure entreprise devant la Cour constitutionnelle par la « Beroepsvereniging van zelfstandige bank – en verzekeringsbemiddelaars » le 22 octobre 2014 (affaire 6064 du rôle de la Cour). Au moment de la rédaction des présents commentaires, la procédure est en cours et son résultat n’est pas connu.



Pierre Demolin
Avocat aux barreaux de Mons et de Paris
Cabinet DBB Law(www.dbblaw.eu)


Imprimer cette fiche (format A4)