Les nouvelles mesures fiscales du budget 2013Par François Collon [Hirsch & Vanhaelst]Mercredi 21.11.12 |
Le gouvernement belge a présenté hier en fin de matinée son budget pour l’année 2013.
Les principales mesures fiscales de ce budget vous sont présentées ci-après. A défaut de texte légal, celles-ci sont basées uniquement sur les explications fournies par le Ministre des Finances lors de la conférence de presse qui a suivi la présentation du budget le 20 novembre 2012.
Dans la mesure où aucun texte n’est encore disponible, les considérations qui figurent ci-dessous vous sont donc fournies sous toutes les réserves.
1.La fiscalité des revenus mobiliers
1.1.
Le gouvernement revient sur la réforme profonde et assez maladroite des revenus mobiliers qu’il avait adoptée dans le cadre du budget 2012. Cette réforme formalisée par la loi du 28 décembre 2011 avait été commentée sur ce site (voyez : www.droitbelge.be/news_detail.asp?id=687 )
Les changements apportés à l’époque consistaient essentiellement en :
• Une hausse du taux du précompte mobilier : de 15 % à 21 % pour certains revenus d’intérêts et de dividendes ;
• L’instauration d’une cotisation supplémentaire de 4 % sur certains revenus mobiliers lorsque ceux-ci dépassaient 20.020 EUR (pour l’exercice d’imposition 2013 – revenus de l’année 2012) ;
• Une obligation de communication qui incombait aux redevables du précompte mobilier. Ceux-ci devaient en effet communiquer à un point de contact central l’ensemble des revenus mobiliers qu’ils versaient, à l’exception de ceux pour lesquels le contribuable avait opté pour une retenue à la source de la cotisation supplémentaire de 4 % ;
• Une obligation générale de déclaration des revenus mobiliers qui incombait aux assujettis à l’impôt des personnes physiques et qui tranchait radicalement avec le système antérieur du précompte mobilier libératoire.
1.2.
Cette réforme s’est assez rapidement apparentée à un énième « fiasco » législatif qui s’est traduit notamment par:
• La grande complexité du calcul du montant de la cotisation supplémentaire de 4 % ;
• Les difficultés pratiques rencontrées par les banques dans le cadre de l’instauration de cette cotisation supplémentaire et de l’obligation de communication des revenus au point de contact central ;
• L’absence de création du point de contact central annoncé ;
• Une perception très négative de l’obligation de déclaration des revenus mobiliers, les contribuables craignant assez légitimement que cette obligation constitue le prélude à l’instauration d’un cadastre des patrimoines privés.
1.3.
Fort opportunément, le gouvernement revient donc sur cette mauvaise réforme de compromis dont il ne reste pour ainsi dire rien après ce nouvel exercice budgétaire, ce qui constitue tout de même un extraordinaire aveu d’échec.
Les changements annoncés sont les suivants :
• Une hausse du taux du précompte mobilier de 21 % à 25 % ;
Le taux du précompte mobilier sera donc désormais en principe de 25 %, que ce soit pour les intérêts et les dividendes.
1. En ce qui concerne les intérêts, on notera toutefois que le taux de 15 % est maintenu pour les revenus recueillis sur les dépôts d’épargne dont la première tranche de 1.250,00 EUR (indexée à 1.830,00 EUR pour l’exercice d’imposition 2013 – revenus de l’année 2012) reste exonérée d’impôt
Le taux de 15 % reste également applicable aux revenus des bons d’Etats émis entre le 24 novembre et le 2 décembre 2011 (« bons d’Etat Leterme »).
Le gouvernement a en outre annoncé que ce taux de 15 % serait également réservé à de futures opérations d’appel à l’épargne publique de façon à inciter les épargnants à y participer.
2. En ce qui concerne les dividendes, le taux de précompte mobilier de 21 % passe à 25 % :
• sur les bonis en cas d’acquisition d’actions ou parts propres de sociétés belges ou étrangères ;
• sur tous les dividendes d’actions ou parts émises à partir du 1er janvier 1994 par appel public à l’épargne. Le gouvernement supprime donc le bénéfice fiscal attaché à la détention de strips VVPR ;
• les dividendes d’actions ou parts émises à partir du 1er janvier 1994 en rémunération d’apport en numéraire, en dehors d’un appel public à l’épargne, lorsqu’elles font l’objet depuis leurs émission d’une inscription nominative chez la société émettrice ou d’un dépôt à découvert en Belgique ou d’une inscription en compte-titre « demat » auprès d’une banque, d’un établissement public de crédit, d’une société de bourse ou d’une caisse d’épargne soumise au contrôle de l’Autorité des services et marchés financiers (« FSMA ») ;
• les dividendes d’actions émises par les sociétés d’investissement SICAV (avec passeport européen), SICAF, SIC et PRICAF.
Le précompte mobilier sur les revenus de SICAFI résidentielles passe de 0 à 15 %.
Les bonis de liquidation sont encore une fois épargnés. En cas de partage total ou partiel d’une société belge ou étrangère, ces bonis restent donc soumis au taux de 10 %.
• Suppression de la cotisation supplémentaire de 4 % sur certains revenus mobiliers
La cotisation supplémentaire est purement et simplement supprimée.
• Suppression de l’obligation de communication dans le chef des redevables du précompte mobilier.
Le gouvernement supprime également l’obligation de communication de certains revenus mobiliers au point de contact central. Ce dernier, qui n’avait même pas encore vu le jour, disparaîtra donc dans les oubliettes de la législation fiscale belge.
• Suppression de l’obligation générale de déclaration des revenus mobiliers
C’est sans doute l’un des mesures majeures de ce nouveau budget : le précompte mobilier redevient libératoire. Dès lors qu’il aura été retenu, le contribuable ne devra donc en principe plus déclarer le revenu sur lequel il a été appliqué. Cette mesure de bon sens rassurera certainement ceux qui craignaient de devoir soudain déclarer à l’administration fiscale l’ensemble des revenus de leur patrimoine privé. Il s’agit également d’une mesure de nature à favoriser ou en tout cas à ne pas faire obstacle à la procédure de régularisation fiscale.
1.4.
Il est probable que cette réforme entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2013.
Toutefois, on se demande si, en certains de ses effets positifs pour le contribuable, elle ne pourrait entrer en vigueur avec effet rétroactif au 1er janvier 2012, annulant ainsi les effets d’une partie de la loi du 28 décembre 2011.
Quel sens y aurait-il en effet à avoir une exception au caractère libératoire du précompte pour la seule année 2012 ?
Nous verrons ce que le législateur décidera.
2.La régularisation fiscale
Qu’on se le dise, il n’y aura pas de nouvelle DLU.
Le gouvernement reconduit simplement la procédure de régularisation fiscale telle qu’elle existe aujourd’hui (voyez pour plus de détails : http://www.droitbelge.be/news_detail.asp?id=326) mais en modifiant quelque peu ses conditions d’octroi.
Et surtout, il en annonce la fin puisqu’après le 31 décembre 2013, il ne sera en principe plus possible de régulariser sa situation fiscale en Belgique. Du moins, c’est ce que prévoit le gouvernement belge qui profite à cet égard d’un « timing » assez favorable puisque les banques suisses et luxembourgeoises ont récemment fait savoir qu’elles ne souhaitaient plus à l’avenir détenir en compte des avoirs qui n’auraient pas été régularisés.
Les contribuables belges sont donc pressés de toutes parts de procéder à la régularisation de leurs avoirs : par leur banque étrangère, d’une part, par le gouvernement belge, d’autre part, qui leur annonce qu’ils ne pourront plus le faire après le 31 décembre 2013.
Les conditions de la régularisation sont quelque peu alourdies. La pénalité qui était antérieurement de 10 % passe désormais à 15 % pour les revenus. Ceci signifie très concrètement que le contribuable aura à s’acquitter d’un prélèvement de 30 % sur les intérêts et de 40 % sur les dividendes (au lieu des 15 % et des 25 % qu’il aurait dû payer s’il avait déclaré ces revenus par la voie normale).
En outre, le gouvernement introduit un taux unique de 35 % pour la régularisation des capitaux. En l’état actuel des choses, on ne sait si ce taux pourra s’appliquer aux revenus professionnels qui échapperaient donc à l’application plus lourde du taux progressif à l’impôt des personnes physiques, comme c’est prévu actuellement. En toute hypothèse, ce taux favorisera très certainement la régularisation de successions non déclarées et non encore prescrites qui, lorsqu’elles n’avaient pas lieu en ligne directe, entraînaient des montants de prélèvement tels qu’ils dissuadaient bien souvent les contribuables de recourir à la régularisation de leurs avoirs.
Le fait qu’il ne s’agisse pas d’une « nouvelle DLU » a toute son importance sur un point précis. Il n’est en effet pas possible de recourir plusieurs fois à la procédure de régularisation fiscale. Les contribuables qui y auraient déjà procédé et qui auraient malencontreusement « oublié » de régulariser certains de leurs avoirs ne recevront donc en principe pas une seconde chance de le faire.
3. Augmentation de la taxe sur les primes d’assurance-vie
La taxe sur les primes d’assurance-vie passe de 1,1 % à 2 %. Ceci vise essentiellement les assurances-vie dites de la branche 21 et de la branche 23 qui constituent, compte tenu de leur régime fiscal avantageux, de sérieux concurrents aux produits d’épargne et d’investissement classiques.
Les primes versées dans le cadre de l’épargne-pension ne sont pas atteintes et restent exonérées.
Les primes d’assurance solde restant dû restent elles aussi soumises au taux de 1,1 %.
Aucun changement n’est apporté à la fiscalité des assurances groupe et des fonds de pension.
4. Taxation distincte à l’impôt des sociétés sur les plus-values sur actions réalisées par les sociétés holding et les grandes entreprises et les intérêts notionnels
Une taxation distincte de 0,4 % sera instaurée sur les plus-values sur actions réalisées par les sociétés holding et les grandes entreprises.
On présume que cette taxation distincte ne sera pas cumulée avec la taxation à 25,75 % instaurée l’année dernière à l’impôt des sociétés sur les plus-values sur actions réalisées dans l’année de leur acquisition.
Les intérêts notionnels sont quant à eux maintenus mais leur taux sera une nouvelle fois revu de manière à être adapté « à la réalité économique » selon les termes du Ministre des Finances.
Aucune précision n’a toutefois encore été donnée sur le taux qui sera applicable désormais.
Si l’objectif est toujours de disposer d’un taux qui soit adapté à la réalité économique, on se demande toutefois pourquoi le gouvernement avait choisi l’année dernière de supprimer la référence antérieure au taux des obligations linéaires à 10 ans. On peut y avoir à cet égard un nouvel aveu d’échec de sa part.
5.Conclusions
Rien de bien neuf sous la grisaille fiscale belge après l’adoption par le gouvernement de ce nouveau budget 2013.
On saluera néanmoins le retour à plus de clarté et de simplicité dans le cadre de la fiscalité des revenus mobiliers.
Pour le reste, comme on pouvait s’y attendre d’un gouvernement de coalition, il ne s’agit nullement d’un grand exercice de réforme fiscale mais simplement de quelques « mesurettes » dont on espère au moins qu’elles permettront au gouvernement belge d’atteindre les objectifs budgétaires qu’il s’est fixé.
François Collon
Avocat
Hirsch & Vanhaelst
f.collon@vanhaelst-avocats.eu
www.droit-fiscal.be