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La régularisation fiscale

Par François Collon

Mardi 09.05.06

La loi-programme du 27 décembre 2005 introduit, par ses articles 118 à 127, une nouvelle procédure de régularisation fiscale qui fait suite à la déclaration libératoire unique instaurée par la loi du 31 décembre 2003.


Le principe

Les personnes physiques (habitants du Royaume et non-résidents) et les sociétés (soumises à l’impôt des sociétés ou à l’impôt des non-résidents) qui ont contrevenu à leur obligation de déclarer des revenus passibles d’impôts sur les revenus ou des opérations soumises à la TVA peuvent obtenir une seule fois la régularisation de leur situation fiscale par une déclaration spontanée au service compétent du Service Public Fédéral Finances, le « Point de contact – régularisations » institué au sein du Service « Décisions anticipées », établie conformément aux règles édictées par le chapitre VII de la loi-programme et ses arrêtés d’exécution, et par le paiement des sommes auquel cette déclaration donne lieu.


Distinction entre « revenus professionnels régularisés » et « autres revenus régularisés »

Les revenus professionnels régularisés sont, selon l’article 112 de la loi-programme du 27 décembre 2005, les sommes, valeurs et revenus qui font l’objet d’une déclaration-régularisation par une personne physique ou morale lorsque celle-ci « ne peut démontrer que ces revenus ont une nature autre que professionnelle pour l’année au cours de laquelle ils ont été obtenus ou recueillis ».

Les autres revenus régularisés sont définis, quant à eux, comme les sommes, valeurs et revenus qui font l’objet d’une déclaration-régularisation par une personne physique « et au moyen de laquelle cette personne démontre que ces revenus ont une autre nature que celle de revenus professionnels pour l’année au cours de laquelle ils ont été obtenus ou recueillis ».

En d’autres termes, la loi-programme crée une sorte de présomption que les revenus régularisés sont des revenus professionnels, sauf à démontrer par la personne physique, auteur de la régularisation, que ces revenus ont une autre nature.

Cette distinction a une incidence sur le régime fiscal applicable aux revenus régularisés.


Régime fiscal des revenus régularisés

La distinction doit être effectuée entre les autres revenus régularisés, les revenus professionnels régularisés et les opérations TVA régularisées.

Les autres revenus régularisés subissent leur tarif normal d’imposition. Celui-ci est toutefois majoré de 5 points si la déclaration est introduite après le 1er juillet 2006 et de 10 points si elle l’est après le 1er janvier 2007.

Les revenus professionnels régularisés sont soumis à leur tarif normal d’imposition selon la qualité de leur bénéficiaire (personne physique ou morale) et en tenant compte de la période imposable à laquelle ces revenus se rattachent. Ce tarif est, le cas échéant, majoré de la contribution complémentaire de crise ou des centimes additionnels communaux applicables.

Les opérations TVA régularisées qui font l’objet d’une déclaration-régularisation sont soumises à la TVA au taux qui est d’application pour les opérations régularisées pour l’année au cours de laquelle les opérations ont eu lieu.

Si la régularisation est faite conformément aux règles édictées au chapitre VII de la loi-programme du 27 décembre 2005, l’immunité fiscale est acquise, aucun accroissement et aucune amende quels qu’ils soient ne peuvent plus être appliqués.

S’il devait apparaître que d’ « autres revenus régularisés » avaient en réalité la nature de revenus professionnels, une nouvelle taxation pourrait être établie. L’exposé des motifs de la loi précise néanmoins que cette nouvelle taxation se ferait sans amende ni accroissement d’impôt.

Bien que rien ne permette de le présumer, on peut imaginer également que cette nouvelle taxation devrait se faire sous déduction de l’impôt et de la majoration payés initialement.


Cas d’exclusion du régime de régularisation fiscale

La déclaration-régularisation n’aura aucun effet dans trois cas :

1°) si les revenus régularisés proviennent de la réalisation d’opérations ou d’un délit sous-jacent visé à l’article 3 de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.

Par conséquent, sont exclus du champ d’application de la régularisation fiscale, les revenus provenant de la réalisation d’une infraction liée au terrorisme, à la criminalité organisée, au trafic illicite de stupéfiants, au trafic illicite d’armes, de biens et de marchandises, au trafic de main d’œuvre clandestine, au trafic d’êtres humains, à l’exploitation de la prostitution, à l’utilisation illégale chez les animaux de substances à effet hormonal ou au commerce illégal de telles substances, au trafic illicite d’organes ou de tissus humains, à la fraude au préjudice des intérêts financiers des Communautés européennes, au détournement par des personnes exerçant une fonction publique et à la corruption, à la criminalité environnementale grave, à la contrefaçon de monnaie ou de billets de banque, à la contrefaçon de biens, à la piraterie, d’un délit boursier ou d’un appel irrégulier à l’épargne ou de la fourniture de services d’investissement, de commerce, de devises ou de transferts de fonds sans agrément, d’un abus de confiance, d’une prise d’otages, d’un vol ou d’une extorsion à l’aide de violences ou d’une infraction liée à l’état de faillite. Les revenus provenant de la réalisation d’une infraction liée à la fraude fiscale grave et organisée qui met en œuvre des mécanismes complexes ou qui use de procédés à dimension internationale, comme par exemple des carrousels TVA. L’exposé des motifs du projet de loi prévoit que s’il apparaît que le seul fait de ne pas déclarer ou mentionner certains revenus ou opérations TVA peut déjà donner lieu à une qualification légale visée ci-dessus, l’exclusion de la possibilité de procéder à une déclaration valable n’est pas d’application.

2°) si, avant l’introduction de la déclaration-régularisation, le déclarant a été informé par écrit d’actes d’investigation spécifiques en cours par une administration fiscale belge, une institution de sécurité sociale ou un service d’inspection sociale belge.

Ces actes d’investigation spécifiques étaient déjà mentionnés dans l’article 2, § 2 de la loi du 31 décembre 2003.

L’exposé des motifs de cette loi citait notamment comme actes d’investigations spécifiques, les actes d’investigation prévus au chapitre III du titre VII du Code des impôts sur les revenus en matière d’impôts sur les revenus et, s’agissant de la TVA, le relevé de régularisation ou le projet de procès-verbal qui a été communiqué au contribuable, la proposition de taxation d’office qui a été signifiée et la contrainte. Ne sont pas considérées comme actes d’investigation spécifiques, les envois systématiques de visite sur place et l’envoi de questionnaires généraux.

3°) si une déclaration-régularisation a déjà été introduite en faveur du même déclarant ou assujetti à la TVA.

Cette dernière disposition affirme le caractère unique de la déclaration-régularisation. On ne peut donc introduire qu’une seule déclaration-régularisation nonobstant le caractère permanent de la mesure.


Forme de la déclaration, service compétent pour la recevoir, délai de paiement, attestation-régularisation, confidentialité

Aux fins de recevoir les déclarations-régularisation, le Roi a, par arrêté royal du 8 mars 2006, a créé au sein du Service « décisions anticipées en matière fiscale », un « Point de contact-régularisations ».

La déclaration est introduite auprès de ce service au moyen d’un formulaire de déclaration dont le modèle est établi par l’arrêté royal du 9 mars 2006.

Après la réception de la déclaration-régularisation, le « Point de contact-régularisation » informe dans les trente jours, par courrier, le déclarant ou son mandataire de la recevabilité de celle-ci. Le point de contact-régularisation fixe dans le même courrier le montant du prélèvement dû.

Le paiement de l’impôt (le « prélèvement ») doit être effectué dans les quinze jours qui suivent la date d’envoi du courrier.

Au moment de la réception du paiement, le point de contact transmet au déclarant ou à son mandataire, une attestation-régularisation dont le modèle est également fixé par l’arrête royal du 9 mars 2006.

Cette attestation-régularisation peut être employée comme moyen de preuve devant les cours et tribunaux, devant les juridictions administratives, ainsi qu’à l’encontre de tout service public.

Dans les cas de revenus professionnels régularisés et d’opérations TVA régularisées, une copie de l’attestation délivrée est envoyée au service de taxation local auquel ressortit le déclarant. En outre, le point de contact-régularisation établit tous les six mois une liste qu’il adresse à la cellule de traitement des informations financières (CETIF).

Les fonctionnaires et membres du personnel actifs au sein du point de contact-régularisation sont tenus au secret professionnel prévu à l’article 337 du Code des impôts sur les revenus. Ils ne peuvent, en outre, sauf le cas des revenus professionnels régularisés et d’opérations TVA, divulguer les informations recueillies à d’autres services du Service Public Fédéral Finances.

Les déclarations-régularisations reçues sont numérotées et conservées par le point de contact-régularisations.


Enquêtes fiscales ultérieures

Comme ce qui était prévu en matière de DLU, la déclaration, le paiement subséquent et l’attestation ne peuvent être utilisés comme indice ou indication pour effectuer des enquêtes ou des contrôles de nature fiscale, pour déclarer de possibles infractions fiscales.


Immunité pénale

L’article 127 de la loi fixe le principe de l’immunité pénale.

Cette immunité vaut tant à l’égard du déclarant que de ses éventuels co-auteurs ou complices. Elle s’applique également pour ce qui concerne les institutions financières, entreprises d’assurance ou sociétés de bourse qui reçoivent des capitaux ayant fait l’objet d’une régularisation, ainsi que les capitaux sous-jacents.


…et les droits de succession ?

Ils ne sont pas visés expressément par la loi-programme.

L’exposé des motifs de la loi précise néanmoins qu’il est envisagé « d’entamer (…) des discussions avec les régions en vue d’arriver à un ajout important à cette nouvelle possibilité de régularisation en matière de droits de succession ».

Certaines voix s’élèvent déjà pour signaler que cette concertation serait inutile dans la mesure où le pouvoir fédéral disposerait de tous les pouvoirs nécessaires pour instaurer une régularisation en matière de droit de successions puisque les régions n’ont qu’une compétence exclusive en matière de taux d’imposition, de base d’imposition et d’exonérations et que ces matières ne sont en rien atteintes par la procédure de régularisation introduite. Quoiqu’il en soit, la prudence est donc de mise en ce qui concerne ces droits.




François Collon
Avocat

Dal & Veldekens (www.dalveldekens.com)








Source : DroitBelge.Net - Actualités - 9 mai 2006


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