La Cour constitutionnelle valide (encore) l'article 356 du CIR 92Par François CollonJeudi 21.02.19 |
Dans un arrêt du 7 février 2019 rendu sur questions préjudicielles, la Cour constitutionnelle décide que l’article 356 du CIR 92 ne prive pas les contribuables de garanties procédurales et ne heurte pas les principes de droit judiciaire commun
Cauchemar des plaideurs fiscaux, l’article 356 du CIR 92 a reçu une nouvelle validation par la Cour constitutionnelle dans un arrêt du 7 février 2019, qui fait suite aux arrêts 211/2004, 53/2005 et 82/2011 rendus sur le même sujet.
Le tribunal de première instance de Liège avait annulé les cotisations enrôlées à charge de deux époux en raison du fait qu’un avis de rectification et qu’une notification d’imposition d’office n’avaient été adressés qu’à l’un d’entre eux alors qu’il s’agissait d’impositions communes.
Cette annulation permettait donc à l’administration fiscale de soumettre au tribunal une « cotisation subsidiaire » dans le délai de six mois visé à l’article 356 du CIR 92 qui prévoit que :
« Lorsqu'une décision du conseiller général de l'administration en charge de l'établissement des impôts sur les revenus ou du fonctionnaire délégué par lui fait l'objet d'un recours en justice, et que le juge prononce la nullité totale ou partielle de l'imposition pour une cause autre que la prescription, la cause reste inscrite au rôle pendant six mois à dater de la décision judiciaire. Pendant ce délai de six mois qui suspend les délais d'opposition, d'appel ou de cassation, l'administration peut soumettre à l'appréciation du juge par voie de conclusions, une cotisation subsidiaire à charge du même redevable et en raison de tout ou partie des mêmes éléments d'imposition que la cotisation primitive.
Si l'administration soumet au juge une cotisation subsidiaire dans le délai de six mois précité, par dérogation à l'alinéa premier, les délais d'opposition, d'appel et de cassation commencent à courir à partir de la signification de la décision judiciaire relative à la cotisation subsidiaire. »
Les contribuables ne l’entendaient toutefois pas ainsi puisqu’ils ont demandé au tribunal de poser deux questions préjudicielles à la Cour constitutionnelle.
Première question préjudicielle
La première portait sur la violation de ce qu’ils considéraient comme leurs « garanties procédurales ». Ils contestaient la constitutionnalité de l’article 356 du CIR 92 en ce que celui-ci n’impose pas à l’administration fiscale, lorsqu’elle soumet une cotisation subsidiaire au juge, de rectifier au préalable l’irrégularité commise. A juste titre selon nous, ils s’interrogeaient sur l’utilité de de la procédure administrative préalable dès lors qu’in fine, l’administration n’est plus tenue au respect de celle-ci lorsqu’elle soumet une cotisation subsidiaire au juge. En d’autres termes, ils se plaignaient de ce que l’article 356 du CIR 92 permettait d’aboutir à une imposition alors même que la procédure administrative n’avait jamais été respectée.
S’appuyant sur les deux objectifs poursuivis par le législateur, à savoir, d’une part, éviter qu’un contribuable puisse échapper à l’impôt uniquement en raison d’un vice de procédure survenu lors de la procédure de taxation et, d’autre part, accélérer tant que possible la procédure fiscale, la Cour décide que l’article 356 du CIR 92 ne limite pas de manière disproportionnée les droits du contribuable.
Elle précise toutefois qu’« il revient à l’administration, à l’occasion du débat contradictoire qui a lieu devant le juge à la suite des conclusions relatives à la cotisation subsidiaire, de fournir les justifications nécessaires à la validation par le juge de la cotisation subsidiaire, en ce compris les éléments chiffrés » qui auraient dû figurer dans l’avis de rectification ou dans l’avis d’imposition d’office.
Seconde question préjudicielle
La seconde question avait trait au fait que l’article 356 du CIR 92 permet à l’administration fiscale seulement (les contribuables étant dépourvus d’un tel droit) de poursuivre les débats après que le juge a prononcé l’annulation de la cotisation, alors que ce jugement devrait définitivement dessaisir le juge du litige, conformément à l’article 19 du Code judiciaire. Celui-ci prévoit en effet que « le juge qui a épuisé sa juridiction sur une question litigieuse ne peut plus en être saisi sauf exceptions prévues par le présent Code ».
Rappelant que l’objectif général de la réforme de la procédure fiscale opérée par la loi du 15 mars 1999 était d’investir le juge judiciaire de connaître des litiges en matière fiscale « avec application en principe du droit commun de la procédure, à savoir le Code judiciaire, à moins que ne soient prévues des règles particulières, différentes en raison de la nature des litiges et/ou d’un souci de simplification des règles de procédure » (nous soulignons, Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1341/1 et n° 1342/1, p. 2), la Cour constitutionnelle décide que le législateur a pu raisonnablement introduire la procédure dérogatoire prévue à l’article 356 du CIR 92 pour atteindre ces objectifs.
Conclusion
Sans grande surprise, compte tenu des décisions déjà rendues antérieurement, l’article 356 du CIR 92 passe à nouveau victorieusement l’examen de la Cour constitutionnelle.
Il n’est donc pas illégitime qu’un contribuable se voit finalement condamner au paiement d’un impôt alors même que la procédure administrative n’aura jamais été valablement appliquée.
Mais il est toujours permis de s’interroger : si l’article 356 du CIR 92 a pour effet de priver la violation de la procédure fiscale administrative de toute sanction, quelle est encore l’utilité de cette dernière ?
François Collon
Avocat
Hirsch & Vanhaelst
(f.collon@hvlaw.eu)