A. Le document d’information précontractuelle complet
Ce document, décrit à l’article X.28 du CDE, doit comprendre deux parties :
1. Les dispositions contractuelles importantes :
• la mention que l’accord de partenariat commercial est conclu ou non en considération de la personne (intuitu personae). Dans l’affirmative, le contrat est incessible sans l’accord de celui qui donne les droits ; c’est la situation habituelle de la plupart des contrats de distribution commerciale.
• les obligations. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 19 décembre 2005 que « c’est l’ensemble des obligations de celui qui reçoit le droit qui doit être repris dans le document particulier, que ce soit en matière de résultats (et de leurs implications), d’investissements ou autres. Les obligations de résultat doivent bien sûr être reprises, d’autant plus qu’elles sont sources d’abus et font partie des causes principales de contentieux ».
• les conséquences de la non-réalisation des obligations. Il peut s’agir d’une clause résolutoire expresse permettant de mettre fin au contrat sans devoir recourir à une décision de justice dans certains cas prévus au contrat ; cela peut aussi être la conséquence de la non réalisation d’un chiffre d’affaires minimum ; cela peut enfin être une indemnité conventionnelle. Cette énumération n’est pas exhaustive mais il conviendra d’être vigilant et de décrire toutes les conséquences prévues au contrat ou résultant de toute disposition légale applicable au contrat.
• la rémunération directe que devra payer la personne qui reçoit le droit à celle qui octroie le droit et le mode de calcul de la rémunération indirecte que percevra la personne qui octroie le droit et, le cas échéant, son mode de révision en cours de contrat et lors de son renouvellement. Cette disposition couvre le droit d’entrée, les royalties, les participations à un fonds de publicité, les frais à payer dans le cadre de la formation et aussi toute rémunération directe ou indirecte (par exemple l’existence d’une marge prévue pour celui qui donne le droit dans un contrat portant sur la livraison de biens par celui-ci ou les commissions indirectes ou de ristournes de fin d’année perçues par celui qui donne le droit ensuite des commandes adressées par celui qui reçoit le droit à un fournisseur référencé). Cela ne veut pas dire que le montant de la rémunération indirecte doit être indiqué, seul le mode de calcul de ladite rémunération est visé. Le mode de révision de la rémunération en cours de contrat ou lors de son renouvellement doit être indiqué, mais seulement, comme l’indique l’article X.28, § 1er, 1°, si cela est prévu dans le contrat.
• les clauses de non-concurrence, leur durée et leurs conditions. Cela vise les clauses de non-concurrence pendant le contrat et après la fin du contrat.
• la durée de l'accord de partenariat commercial et les conditions de son renouvellement. Le contrat peut cependant être conclu pour une durée indéterminée et ne doit pas nécessairement être renouvelable.
• les conditions de préavis et de fin de l'accord notamment en ce qui concerne les charges et investissements. La loi n’impose pas de prévoir un préavis dans le contrat mais les principes généraux du droit des obligations veulent que lorsqu’aucun préavis n’a été convenu, un préavis raisonnable doit être donné à celui qui subit la résiliation d’un contrat. En ce qui concerne les charges et investissements, rien n’oblige celui qui donne le droit de les reprendre ou d’indemniser l’autre partie mais il faut le préciser dans le document, de telle manière que celui qui reçoit le droit ait son attention attirée (ce qui est le but de la loi).
• le droit de préemption ou l'option d'achat en faveur de la personne qui octroie le droit et les règles de détermination de la valeur du commerce lors de l'exercice de ce droit ou de cette option. On ne retrouve pas ce type de droit ou d’option dans tous les contrats de distribution et c’est donc uniquement lorsque ce droit ou cette option est conféré à celui qui reçoit le droit qu’il convient de donner les précisions exigées par la loi.
• les exclusivités réservées à la personne qui octroie le droit. Il arrive que celui qui octroie le droit se réserve l’exclusivité de tel type de distribution (par exemple les ventes directes dans certaines circonstances), ou de tel type de client (par exemple les clients de telle région ou de telle importance ou de tel secteur économique).
2. Les données nécessaires pour l’appréciation correcte du contrat :
• le nom ou la dénomination de la personne qui octroie le droit ainsi que ses coordonnées.
• au cas où le droit est octroyé par une personne morale, l'identité et la qualité de la personne physique qui agit en son nom. Cela peut-être un administrateur-délégué, un gérant, un fondé de pouvoirs ou un employé mandaté à cette fin.
• la nature des activités de la personne qui octroie le droit. En principe, cela ne devrait pas poser de problème sauf si cette personne exerce d’autres activités que celles faisant l’objet du contrat ; cela pourrait éveiller l’attention de l’autre partie au contrat.
• les droits de propriété intellectuelle dont l'usage est concédé. Cela vise les marques, brevets, dessins et modèles concernés par le contrat ; cela peut aussi viser les droits d’auteur sur le manuel opératoire.
• le cas échéant, les comptes annuels des trois derniers exercices de la personne qui octroie le droit. Il s’agit, bien entendu, des comptes annuels approuvés par l’assemblée générale si la personne qui octroie le droit est une personne morale ; si celle-ci n’existe pas depuis trois ans, elle devra communiquer les comptes disponibles depuis sa création.
• l'expérience de partenariat commercial et l'expérience dans l'exploitation de la formule commerciale en dehors d'un accord de partenariat commercial. C’est toute l’expérience de celui qui octroie le doit qui doit être décrite, en ce compris le résultat des points de vente pilote. Cette description doit permettre à celui qui reçoit le droit de jauger la formule commerciale faisant l’objet du contrat ; elle doit s’étendre à toutes les formes d’exploitation de la formule commerciale, c’est-à-dire l’exploitation sous une enseigne commune, ou sous un nom commercial commun, ou dans le cadre d’un transfert de savoir-faire ou encore une formule prévoyant une assistance commerciale ou technique.
• l'historique, l'état et les perspectives du marché où les activités s'exercent, d'un point de vue général et local. Cela vise la description du passé, du présent et de l’avenir du marché concerné par la formule commerciale, aussi bien sur un plan général (c.-à-d. national, européen ou mondial selon le concept) que sur le plan local (là où celui qui reçoit le droit va s’installer : la commune, parfois même le quartier ou la galerie commerçante). Exercice difficile pour ce qui concerne l’avenir : il faudra éviter trop d’optimisme car celui qui reçoit le droit pourrait reprocher cet excès d’optimisme en cas d’échec.
• l'historique, l'état et les perspectives de la part de marché du réseau d'un point de vue général et local. Si un grand réseau possède souvent ces informations, un petit réseau aura du mal à donner une telle information. On pourrait lui reprocher de donner un renseignement inexact s’il y a exagération sur les parts de marché ; ce reproche ne pourrait être adressé s’il est indiqué que les parts de marché sont négligeables (c’est le cas des petits réseaux).
• le cas échéant pour chacune des trois dernières années écoulées, le nombre d'exploitants qui font partie du réseau belge et international ainsi que les perspectives d'expansion du réseau. Il suffit de donner le nombre d’exploitants d’une part pour la Belgique et d’autre part pour l’étranger. Quant aux perspectives d’expansion, elles devront être données en concordance avec les renseignements concernant les perspectives du marché et des parts de marché faisant l’objet des deux points précédents.
• le cas échéant pour chacune des trois dernières années écoulées, le nombre d'accords de partenariat commercial conclus, le nombre d'accords de partenariat commercial auxquels il a été mis fin à l'initiative de la personne qui octroie le droit et à l'initiative de la personne qui reçoit le droit ainsi que le nombre d'accords de partenariat commercial non renouvelés à l'échéance de leur terme. Il s’agit de chiffres et non pas d’identité ou de localisation ou même d’explications sur les résiliations ou non renouvellements de contrats ; mais pour que l’information ne décourage pas celui qui souhaite recevoir le droit, des explications seront sans doute utiles et rien n’interdit de les donner, à condition qu’elles soient exactes.
• les charges et les investissements auxquels s'engage la personne qui reçoit le droit au début et au cours de l'exécution de l'accord de partenariat commercial en indiquant leur montant et leur destination ainsi que leur durée d'amortissement, le moment où ils seront engagés ainsi que leur sort en fin de contrat. « Charges » et « investissements » sont deux choses différentes ; les renouvellements d’investissements prévus devront être indiqués ; les événements imprévus nécessitant des investissements ou des charges non indiqués dans le document ne pourront être reprochés à celui qui octroie le droit à condition que cette imprévision ne soit pas fautive. Le sort des investissements et des charges (de personnel par exemple) en fin de contrat devra être décrit dans le document. Ce point sensible devrait amener les parties à prévoir le sort de leur contrat bien avant la fin de celui-ci. C’est en recevant ces informations que le consentement de celui qui reçoit le droit pourra être considéré comme éclairé et qu’il ne pourra pas invoquer un vice de consentement. Dans le cas contraire, la question du vice de consentement pourra être posée.
B. Le document d’information précontractuelle simplifié
Conformément à l’ancienne loi du 19 décembre 2005, il convenait de fournir un nouveau projet de contrat et de document d’information précontractuelle en cas de renouvellement d’un accord de partenariat commercial, de la conclusion d’un nouvel accord entre les mêmes parties et de la modification d’un accord en cours d’exécution.
Ce formalisme quelque peu excessif engendrait des frais et une perte temps inutiles pour les deux parties qui étaient déjà en relation commerciale. La Commission d’arbitrage s’est dès lors penchée sur ce problème et, sous son impulsion, plusieurs modifications ont été insérées dans le CDE.
1. La modification du projet de contrat de partenariat commercial et du document d’information précontractuelle en cours de négociation pendant la durée d’un mois précédant la signature du contrat
Pour contourner l’obligation de communication du projet de contrat et du document d’information modifiés et la naissance d’un nouveau délai d’un mois en cas de modification pendant la négociation du contrat, l’article X.27, alinéa 2 du CDE prévoit que si cette modification est sollicitée par écrit par celui qui reçoit le droit, il n’est pas nécessaire de communiquer un nouveau projet de contrat et un nouveau document d’information. Cependant, si cette modification n’est pas demandée par écrit par celui qui reçoit le droit, celui qui octroie le droit peut se limiter à fournir à l’autre personne, au moins un mois avant la conclusion du contrat, le projet d’accord modifié et le document particulier simplifié. Ce document particulier reprend au moins les dispositions contractuelles importantes, telles que prévues par l’article X.28, § 1er, 1° du CDE, qui ont été modifiées par rapport au document initial.
La suppression de l’obligation de fournir un nouveau de projet de contrat et un nouveau document d’information permet d’éviter qu’un nouveau délai d’un mois retarde la signature le contrat en cours de négociation si la modification résulte d’une initiative de celui qui reçoit le droit.
Le fait d’exiger que cette modification soit demandée par écrit par celui qui reçoit le droit donne la garantie que ce dernier aura son attention attirée sur cette modification. En outre, cela permet d’en conserver la preuve.
2. Le renouvellement d’un contrat de partenariat commercial conclu pour une période à durée déterminée
La fin d’un contrat peut intervenir par l’écoulement de sa durée lorsque celle-ci est mentionnée dans le contrat. Dans ce cas, si le contrat est renouvelé par les parties, pourquoi faudrait-il de nouveau préparer un document d’information précontractuelle complet contenant des renseignements que celui qui a reçu le droit d’exploiter ce contrat connaît parfaitement ? Ce formalisme a paru excessif, car il n’apportait rien aux parties et leur imposait d’engager des frais inutiles. C’est la raison pour laquelle la loi a prévu une simplification de ce formalisme : un document complet ne doit pas être communiqué si ce sont les mêmes parties qui renouvellent ce contrat. Seul un document reprenant les dispositions contractuelles importantes prévues par l’article X.28, § 1er, 1° du CDE, et les données pour l’appréciation correcte du contrat prévues par l’article X.28, §1er, 2° du même code qui ont été modifiées par rapport au document initial (ou par rapport à la date de conclusion de l’accord initial si un tel document n’avait pas été transmis) devra être communiqué, avec le projet de contrat modifié, au moins un mois avant le renouvellement du contrat.
3. La conclusion d’un nouveau contrat entre les mêmes parties
Pour les mêmes motifs que ceux relatifs au renouvellement d’un contrat, un document d’information précontractuelle complet n’est plus nécessaire en cas de conclusion d’un nouveau contrat entre les parties déjà liées par un contrat en cours. Un document d’information simplifié joint au projet de nouveau contrat suffit, à condition que leur communication ait lieu un mois avant la signature de ce nouveau contrat.
4. La modification du contrat en cours d’exécution
Si cette modification intervient après les deux premières années d’exécution du contrat, un document d’information précontractuelle simplifié suffit à condition qu’il soit accompagné du projet de contrat modifié et que leur communication ait lieu un mois avant la signature de cette modification du contrat.
Pourquoi faut-il que le contrat ait été exécuté durant deux ans pour bénéficier de cet avantage ? Tout simplement pour éviter un détournement de la loi. En effet, l’article X.30 du CDE prévoit des sanctions en cas de non-respect de l’obligation d’information précontractuelle et notamment le droit d’invoquer la nullité du contrat dans les deux ans de sa conclusion. Cette durée a été prévue pour éviter qu’on ne corrige immédiatement après la signature du contrat les effets de la non-communication d’un document complet ou la communication d’un document incomplet ou erroné, empêchant ainsi celui qui reçoit le droit de pouvoir invoquer la nullité du contrat durant la période légale de deux ans, ce qui constitue une protection très importante.
C. L’absence d’obligation de communication d’un document d’information précontractuelle
En cas de modification d’un contrat en cours d’exécution conclu depuis deux ans au moins et à la demande écrite de la partie qui reçoit le droit, aucun projet de contrat ni aucun document simplifié ne doivent être fournis par la partie qui octroie le droit.
Cette simplification permet d’éviter le formalisme de la communication d’un document si c’est celui qui reçoit le droit qui demande cette modification. Cette situation se présente souvent, par exemple, si celui qui reçoit le droit demande une réduction ou un allongement de la durée du contrat, ou la modification de certains éléments du contrat en cours. Le fait d’exiger que cette modification soit demandée par écrit par celui que la loi veut protéger donne la garantie qu’il aura son attention attirée sur cette modification et permet d’en conserver la preuve.
Pierre Demolin
Avocat aux barreaux de Mons et de Paris
Cabinet DBB Law(www.dbblaw.eu)
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