La loi du 3 juillet 1978 « relative au contrat de travail » prévoit que le contrat de travail peut être conclu pour une durée déterminée, pour un travail nettement défini ou pour une durée indéterminée. Il ne peut jamais être conclu à vie (art. 7.).
Le législateur ne précise toutefois pas la définition exacte des contrats à durée déterminée ou conclus pour un travail nettement défini.
Ces catégories désignent en réalité un contrat de travail comportant une clause de terme, spécifiant soit une terme certain (=contrat de travail à durée déterminée), soit un terme déterminable en fonction de la nature de la mission confiée (=contrat pour un travail nettement défini).
Contrat conclu pour une durée déterminée
Pour être qualifié de contrat à durée déterminée, celui-ci doit mentionner avec précision soit une date de fin, soit un événement programmé à une date fixe et connue des parties, après lesquels les obligations réciproques cessent, sans prévis ni indemnités, sauf prolongation tacite.
En d’autres termes, le contrat doit comporter un terme certain.
Si l’exigence d’un terme extinctif distinct et certain n’est pas remplie, le contrat pourra être considéré comme étant conclu à durée indéterminée ou pour un travail nettement défini, lorsque sa fin repose sur l’accomplissement d’une tâche dont les parties peuvent estimer l’ampleur.
Remarque importante : Les cours et tribunaux ont été appelés à se prononcer sur diverses situations particulières : clause tacite de reconduction, contrat à durée déterminée avec clause de rupture anticipée, contrat à durée indéterminée assorti d’un terme minimal et maximal, etc. Le juge n’est pas lié par la qualification donnée par les parties et vérifiera comment la situation se présente en réalité. La vigilance est de mise lors de la rédaction et l’application de telles dispositions conventionnelles particulières.
Contrat conclu pour un travail nettement défini
Dans ce type de contrat, les parties conviennent que l’engagement prend fin automatiquement, sans préavis ni indemnité, une fois le travail confié au travailleur achevé.
La conclusion de ce contrat suppose que le travailleur ait, dès son engagement, une connaissance précise de la mission et qu’il puisse en évaluer, avec plus ou moins de précision, l’ampleur et la durée.
Les parties doivent être en mesure de qualifier de manière objective l’achèvement du travail. Il est donc essentiel de préciser avec soin :
• La nature des tâches à exécuter ;
• Les éléments temporels et géographiques relatifs à leur réalisation ;
• L’importance quantitative et qualitative éventuelle du travail.
En l’absence de ces précisions, le contrat pourra être soumis aux mêmes règles que celles applicables aux contrats conclus pour une durée indéterminée.
Modalités : écrit obligatoire
La clause relative à la durée déterminée ou au travail nettement défini doit être formalisée par écrit au plus tard au moment de l’entrée en service (= prise de cours effective du contrat) (art. 9, al 1.).
Sanction : en cas de non-respect de la condition de forme, le contrat sera soumis aux règles applicables aux contrats à durée indéterminée, notamment en matière de rupture (art. 9, al. 2).
Certains secteurs sont dispensés pour certains contrats et certaines catégories de travailleurs. Ex : les flexi-jobs dans l’HoReCa.
Contrats successifs : interdiction de principe et dérogations légales
Par principe, le législateur interdit la succession de contrats à durée déterminée ou conclus pour un travail nettement défini entre les mêmes parties (art. 9).
En effet, plusieurs contrats de travail successifs conclus sans interruption imputable au travailleur sont présumés constituer un contrat à durée indéterminée (art. 10).
Seul le travailleur peut invoquer cette présomption (Cass. 2 décembre 2002, J.T.T., 2003, p. 404).
Par dérogation à l’interdiction de principe, certaines situations permettent la conclusion légale de contrats successifs entre les mêmes parties :
1. Exceptions légales générales (art. 10bis)
L’article 10bis prévoit deux régimes dérogatoires :
• Durée maximale de deux ans : Il peut être conclu jusqu’à quatre contrats successifs, chacun d’une durée minimale de trois mois, pour autant que la durée totale ne dépasse pas deux ans.
• Durée maximale de trois ans (autorisation préalable) : Moyennant l’autorisation de la Direction générale du Contrôle des lois sociales, il peut être conclu des contrats successifs d’au moins six mois chacun, pour une durée totale maximale de trois ans.
Ces régimes permettent une certaine flexibilité tout en encadrant strictement la succession de contrats temporaires.
2. Dérogations légales prévues pour certains contrats ou certaines catégories de travailleurs
La loi autorise également, dans des conditions particulières, la succession de contrats à durée déterminée pour certains types de contrats ou catégories de travailleurs :
• Contrats particuliers : travail temporaire et intérimaire, contrat titres-services, contrat flexi-job.
• Catégories spécifiques de travailleurs : apprentis, travailleurs sous contrat de formation, d’insertion ou de reconversion professionnelle.
Ces dérogations tiennent compte des particularités économiques ou formatives des activités concernées.
Principe de non-discrimination
Les travailleurs sous CDD ou contrat pour travail nettement défini ne peuvent être traités moins favorablement que des travailleurs à durée indéterminée comparables, uniquement en raison de la durée déterminée de leur emploi. Un traitement différencié est admis uniquement pour raisons objectives.
Incidences sur les causes de suspension et la rupture du contrat
Le contrat à durée déterminée ou pour un travail nettement défini peut être suspendu pour les mêmes causes qu’un contrat à durée indéterminée : vacances annuelles, maladie, accident, congé de maternité, etc.
La suspension n’affecte pas le terme initialement convenu : le contrat prendra fin à la date prévue, sauf disposition légale contraire.
Rupture du contrat de travail : rupture au terme convenu, sauf exceptions
En principe, le contrat à durée déterminé ou le contrat pour un travail nettement défini ne peut être rompu avant son terme convenu.
Le contrat prendra fin de plein droit (automatiquement) au terme convenu par les parties, sans qu’une notification d’un préavis ou avertissement ne soit requis, et sans qu’une indemnité compensatoire de préavis ne soit due (art. 32,1° et 32,2°).
En cas de poursuite au-delà du terme convenu, le contrat pourra être présume avoir été conclu pour une durée indéterminée.
Toutefois, la loi prévoit plusieurs hypothèses spécifiques de rupture anticipée :
• Pour motif grave : rupture immédiate pour faute rendant toute collaboration impossible (art. 32, 3° juncto art. 35) ;
• En cas de décès du travailleur (art. 32, 4°) ;
• Pour force majeure médicale, après respect de la procédure spécifique (art. 32, 5° juncto art. 34) ;
• D’un commun accord entre les parties.
En cas de maladie du travailleur, des dispositions de rupture particulières peuvent s’appliquer selon la durée du contrat et la durée de l’incapacité de travail (articles 37/8 à 37/10).
Enfin, l’article 40 de la loi relative aux contrats de travail prévoit des dispositions particulières, qui encadrent la rupture unilatérale par l’une des parties avant le terme convenu, en l’absence de motif grave :
• Pendant la première moitié du contrat (avec un maximum de six mois) : chaque partie peut y mettre fin moyennant le préavis légal applicable aux contrats à durée indéterminée ;
• Après la première moitié du contrat : la rupture n’est plus possible avec préavis et ne peut intervenir que moyennant le paiement d’une indemnité égale à la rémunération restant à courir jusqu’au terme convenu, plafonnée au double du préavis légal applicable à un contrat à durée indéterminée.
Une vigilance particulière doit être accordée au respect des modalités de rupture, certainement en cas de contrats successifs.
Conclusion
Les contrats à durée déterminée ou pour un travail nettement défini offrent une flexibilité légitime, mais demeurent strictement encadrés. Le non-respect des règles relatives à leur modalités, leur durée, leur succession, leur rupture ou au principe de non-discrimination peut entraîner des conséquences sérieuses : requalification en contrat à durée indéterminée, indemnités de rupture, voire sanctions administratives ou pénales. L’accompagnement d’un expert en droit du travail permet de garantir la conformité, prévenir les litiges et adapter le contrat aux besoins de l’entreprise tout en respectant les droits du travailleur.
Tanguy Gillain
Avocat spécialisé en droit du travail
Associé au sein du cabinet "van Cutsem Wittamer Marnef"
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