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Les modifications unilatérales du contrat de travail



Introduction

L’article 25 de la loi du 3 juillet 1978 « relative aux contrats de travail » dispose que : « Toute clause par laquelle l’employeur se réserve le droit de modifier unilatéralement les conditions du contrat est nulle. »

Ce principe n’est toutefois pas absolu. La doctrine et la jurisprudence reconnaissent à l’employeur un certain droit d’adaptation, appelé « ius variandi », lui permettant de modifier, dans certaines limites, les conditions d’emploi pour répondre aux besoins de l’entreprise et aux exigences économiques.

Certaines modifications sont néanmoins interdites. Nos cours et tribunaux considèrent qu’un employeur ne peut pas changer unilatéralement, sans l’accord du salarié, de façon importante, un élément essentiel du contrat de travail (fondée sur l’exécution de bonne foi des conventions – art. 5.69 et suivants du Code civil).


Les éléments essentiels du contrat

Sont habituellement considérés comme éléments essentiels du contrat de travail :

• La fonction (tâches, responsabilités, niveau hiérarchique)
• Lieu de travail ;
• Le régime de travail (temps plein, temps partiel, etc.).
• Les horaires de travail (fixes, variables, flexibles, flottants, etc.) ;
• Rémunération (fixe, variable, avantage en nature, commissions, etc.) ;
• Pour un représentant : la zone géographique ou le type de clientèle ;

Une modification portant sur l’un de ces éléments doit, en principe, recueillir l’accord du travailleur.


Les modifications interdites

Une modification contractuelle sera jugée illicite lorsqu’elle réunit simultanément les critères suivants :

1. Une décision unilatérale de l’employeur

La décision doit émaner uniquement de l’employeur, sans accord préalable du travailleur.

Le travailleur souhaitant contester la modification doit réagir rapidement et formuler son opposition par écrit dans un délai raisonnable après l’annonce du changement. Il veillera à ne pas accepter tacitement la modification (par exemple, en continuant à travailler sans protester).

2. Une modification d’un élément essentiel du contrat

Toute modification unilatérale d’un élément essentiel du contrat (fonction, salaire, horaires, etc.) est en principe interdite.

3. Une modification importante

Le changement doit présenter une ampleur suffisante. Selon la Cour de cassation, il faut examiner si la modification est telle qu’il devient impossible de considérer que le contrat initial reste en vigueur.

4. Une modification certaine

La modification doit être certaines et non hypothétique. Une simple intention ou proposition de changement ne suffit pas.

La jurisprudence admet que même une modification temporaire peut constituer une atteinte illicite (Cass., 30 novembre 1998, J.T.T., 1999, p. 150).


Adaptations contractuelles autorisées

Les parties peuvent convenir, dans le contrat de travail ou dans une convention particulière, les conditions dans lesquelles certaines adaptations sont permises.

Ainsi, la Cour de cassation reconnaît aux parties la faculté de déterminer contractuellement les éléments considérés comme essentiels ou accessoires, ou encore de prévoir des conditions de travail alternatives, pouvant, le cas échéant, faire l’objet d’une modification unilatérale par l’employeur (Cass., 23 juin 1997, J.T.T., 1997, p. 333).

Cependant, la clause doit être rédigée de manière non équivoque, la modification doit poursuivre un objectif légitime, et l’employeur ne peut exercer ce droit de manière abusive ou disproportionnée au détriment du travailleur.


L’acte équipollent à rupture

Certaines modifications unilatérales, en raison de leur ampleur et du préjudice qu’elles causent au travailleur, peuvent révéler une volonté implicite de rompre le contrat. Dans ce cas, on parle d’acte équipollent à rupture, ou d’un licenciement implicite.

Le contrat est alors réputé rompu par la volonté de l’employeur, avec les conséquences d’un licenciement injustifié.

Le travailleur doit toutefois faire preuve de prudence avant d’invoquer un acte équipollant à rupture : il doit ne pas avoir accepter la modification (par exemple, en continuant à travailler sans protester), avoir mis en demeure l’employeur de respecter ses engagements contractuels, et ne pas invoquer trop rapidement l’acte équipollent, au risque de se placer lui-même en situation de démission implicite.


Conclusion

Une modification importante et unilatérale d’un élément essentiel du contrat de travail est interdite. Une clause contractuelle spécifique peut toutefois permettre certaines adaptations par l’employeur, à condition qu’elle soit rédigée de manière claire, qu’elle poursuive un objectif légitime et qu’elle reste proportionnée.
Une lettre, une clause ou une pratique interne mal formulée peut suffire à engager la responsabilité de l’employeur. Le travailleur, quant à lui, doit réagir rapidement et par écrit s’il ne souhaite pas se voir imposer une modification qu’il conteste.

Chaque situation étant unique. Il est recommandé de consulter un avocat spécialisé en droit du travail avant d’adapter les conditions de travail ou de contester une modification.


Tanguy Gillain
Avocat spécialisé en droit du travail
Associé au sein du cabinet "van Cutsem Wittamer Marnef"


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