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L'audition des mineurs balisée par une nouvelle circulaire

Clémence Philips

Jeudi 15.11.18

Le 15 septembre 2018 est entrée en vigueur la circulaire du collège des procureurs généraux (ci-après « COL 11/2018 ») relative à l’organisation du droit d’accès à un avocat pour les mineurs d’âge et les personnes suspectées d’avoir commis un fait qualifié infraction avant l’âge de 18 ans.

Elle abroge et remplace la COL 12/2011.

Elle présente la situation particulière des personnes poursuivies pour un fait qualifié infraction commis avant l’âge de 18 ans afin de répondre aux difficultés d’application suscitées par la loi du 21 novembre 2016, singulièrement à propos de l’assistance par un avocat en cas d’audition d’un mineur suspect non privé de liberté.

Elle explicite les droits à l’information, la concertation et l’assistance du mineur auditionné, aborde quelques questions particulières et intègre le contenu de la directive 2016/800/UE relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales.

En ce qui concerne les auditions des mineurs en « Salduz III », il est important de rappeler que le mineur ne peut renoncer à la concertation confidentielle avec un avocat.

L’existence de cette dernière ne se présume pas.

Néanmoins, l’affirmation par le mineur que celle-ci a bien eu lieu, confirmée par celle de ses parents, tuteur ou personne qui en a la garde, peut suffire.

Lorsqu’un mineur se présente pour être entendu, sans avocat et sans en avoir consulté un, il est possible de réaliser une concertation par téléphone avec l’avocat de permanence ou via l’application «Salduz Web».

En principe, il faut que tout soit mis en œuvre pour que le mineur bénéficie de l’assistance d’un avocat. Cependant, il existe deux exceptions. D’abord, si l’avocat, en accord avec le mineur, décide que cette assistance n’est pas nécessaire. Dans ce cas, soit il adresse un écrit au service de police, qui sera annexé au procès-verbal d’audition, soit cette « renonciation » ressort d’un contact téléphonique entre l’avocat et les services de police et cela est mentionné dans le procès-verbal d’audition.

Ensuite, lors de l’audition du mineur, si l’avocat ne se présente pas dans le délai de deux heures à compter de l’instant où le contact est pris avec celui-ci ou avec la permanence Salduz du barreau, ou à l’heure convenue avec celui-ci (qui peut être de plus ou de moins de deux heures en fonction des disponibilités de chacun), la police démarre l’audition du mineur sans l’assistance de l’avocat.

L’on procède de la même manière si l’audition avait fait l’objet d’un report convenu avec l’avocat et que ce dernier ne se présente pas à l’heure fixée.

Dans l’hypothèse où l’avocat arrive en cours d’audition, il assiste le mineur pour la suite de celle-ci et il sera demandé au mineur s’il confirme les déclarations qu’il aura faites avant l’arrivée de l’avocat.

Dans les dossiers délicats relatifs à des infractions graves et sensibles (par exemple des faits
de viol, de séquestration, de violences commises en bande, etc.), l’audition ne sera réalisée sans l’assistance d’un avocat qu’après accord du magistrat titulaire.

En ce qui concerne les auditions des mineurs en « Salduz IV » (cf. Note 1) , le mineur ne peut renoncer à rien (ni à la concertation confidentielle avec un avocat, ni à l’assistance de l’avocat lors de son audition).

En cas de force majeur, c’est-à-dire lorsque toutes les démarches ont été entreprises pour contacter un avocat et qu’il s’est avéré impossible d’en trouver un qui puisse assister le mineur durant son audition et qu’il est, par ailleurs, impossible de reporter l’audition, les services de police en avisent le magistrat qui pourrait décider de procéder à l’audition du mineur sans assistance d’un avocat.

Cependant, vu la prolongation du délai de privation de liberté de 24 à 48 heures, il sera en principe toujours possible de reporter l’audition jusqu’à l’arrivée d’un avocat.

Si l’avocat arrive en cours d’audition, il assiste le mineur pour la suite de celle-ci et il est demandé au mineur de confirmer les déclarations qu’il aurait déjà faites avant l’arrivée de l’avocat.

En cas de faits simples, étayés par des éléments de preuve ou constats, et mineurs (cf. Note 2) , il sera fait usage d’un formulaire/questionnaire à l’égard des mineurs de plus de 14 ans.

Le formulaire sera remis au mineur, qui devra le retourner complété au bureau de police dans les quinze jours.

En toute hypothèse, si une audition – quelle que soit sa catégorie – a été prise sans assistance d’un avocat, ou en cas d’usage du formulaire, le magistrat titulaire peut, s’il l’estime nécessaire (cf. Note 3), faire procéder à une nouvelle audition du mineur avec assistance d’un avocat.

Si le suspect de faits commis avant l’âge de 18 ans est devenu majeur au moment de son audition, il peut renoncer valablement à l’entretien confidentiel avec un avocat et à l’assistance de ce dernier et est présumé avoir consulté un avocat s’il a été informé de ses droits dans la convocation, sous réserve des dossiers relatifs à des faits graves pouvant déboucher sur un dessaisissement (cf. Note 4) .




Clémence Philips
Substitut du procureur du Roi près le Parquet de Liège



Notes:


1. Les mineurs placés en régime fermé sont assimilés aux personnes détenues.

2. La liste exhaustive figure dans la COL et le préjudice ne doit pas excéder 250 €.

3. Compte tenu de la gravité du fait qualifié infraction et/ou de ses conséquences.

4. Dans ce cas, il est préférable de veiller à la concertation préalable ou à l’assistance d’un avocat ou de prendre contact avec le magistrat titulaire.



Note: cet article a été précédemment publié par le même auteur dans le Bulletin Social et Juridique.




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