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Infraction urbanistique, vendeur de mauvaise foi et acquéreur imprudent

Par Laurent Collon (Xirius)

Mercredi 26.04.17

Principes

Il est d’usage, dans les actes de vente immobilière, de prévoir que le vendeur échappe à l’engagement de sa responsabilité en cas d’apparition d’un vice caché affectant le bien vendu.

Cette exonération de responsabilité est licite, pour autant que le vendeur soit de bonne foi, c’est-à-dire qu’il ignorait l’existence du vice au moment de la conclusion du contrat de vente.

Le vendeur professionnel est réputé de mauvaise foi, en manière telle qu’il ne pourra échapper à l’engagement de sa responsabilité (même s’il ignorait l’existence du vice), à moins qu’il démontre qu’il lui était strictement impossible de déceler cette infraction (ce qui n’est guère aisé dans la pratique, loin de là !).

L’infraction urbanistique affectant un bien immobilier peut être considéré comme un vice caché s’il elle n’était pas connue de l’acquéreur au moment de la conclusion du contrat.

Les compromis de vente contiennent des dispositions relatives au statut urbanistique du bien vendu.

Voici ce qui est généralement prévu :

« Généralités
Nonobstant le devoir d’information du vendeur et les renseignements urbanistiques légales à obtenir, l’acquéreur déclare avoir été informé de la possibilité de recueillir de son côté, antérieurement à ce jour, tous renseignements (prescriptions, permis, etc.) sur la situation urbanistique du bien auprès du service de l’urbanisme de la commune.

(…)


Situation existante.
Le vendeur garantit à l’acquéreur la conformité des actes et travaux qu’il a personnellement effectués sur le bien avec les prescriptions urbanistiques. Il déclare en outre qu’à sa connaissance le bien n’est affecté, par le fait d’un tiers, d’aucun acte ou travail irrégulier.
Le vendeur déclare que le bien est actuellement affecté à usage de #. Il déclare que, à sa connaissance, cette affectation est régulière et qu’il n’y a aucune contestation à cet égard. Le vendeur ne prend aucun engagement quant à l’affectation que l’acquéreur voudrait donner au bien, ce dernier faisant de cette question son affaire personnelle sans recours contre le vendeur.
Le vendeur déclare que le bien ci-dessus n’a fait l’objet d’aucun permis ou certificat d’urbanisme laissant prévoir la possibilité d’y effectuer ou d’y maintenir aucun des actes et travaux visés par la législation régionale applicable et qu’il ne prend aucun engagement quant à la possibilité d’exécuter ou de maintenir sur le bien aucun des actes et travaux visés par lesdites législations.

(…)
» (nous soulignons)


Une négligence fatale

Le Tribunal de première instance de Bruxelles a rendu, en date du 31 mars dernier, une décision particulièrement sévère à l’égard des acquéreurs.

Le Tribunal a résumé comme suit la situation de fait qui lui était soumise : « on se trouve (…) face à une situation assez simple en fait, où une propriétaire (au moins) a réalisé des travaux en méconnaissance du permis qu’il lui avait été délivré, commettant par là des infractions aux règles urbanistiques, avant d’affirmer dans un contrat de vente que tout était en ordre, les acheteurs ne se donnant pas la peine de le vérifier alors que leur attention avait été doublement attirée par le notaire et par le fait que la description du lot ne correspondait pas à ce qu’ils avaient vu sur place ».

Sur le plan juridique, le Tribunal a estimé être « ainsi en présence de deux fautes, la première étant plus lourde car il y va tout à la fois d’infractions pénales et d’un dol, ce qui révèle la mauvaise foi, la seconde étant plus légère, qui participe d’une négligence qu’on constate au quotidien dans la signature de contrats pourtant importants ; qu’est ainsi posée la question de l’incidence de la faute de la victime sur le préjudice qu’elle vante (…)

(…) le problème de l’indemnisation ne peut se résoudre que par l’examen de lien de causalité ; (…) de deux choses l’une, ou bien la faute des venderesses a causé un dommage, auquel cas elles doivent le réparer, ou bien le lien de causalité entre leur faute et ledit dommage a été rompu par la propre faute des acheteurs, auquel cas aucune réparation n’est due à ceux-ci ;

(…) il est assez évident que la faute (…) des venderesses a été déterminante dans la conclusion du contrat ; en ce sens que c’est parce qu’elles mettaient en vente un appartement qui correspondait à ce que les époux R. voulaient acheter, que l’opération se fit ; que, pourtant, cet appartement n’aurait jamais dû être ce qu’il est, parce que le permis d’urbanisme ne le permettait pas ; (…) ;

(…) toutefois, si les acheteurs avaient pris la peine de mener en cet été 2013 les investigations qu’ils firent au début de 2015, ils auraient pu apprendre l’existence d’un problème urbanistique car à la commune on leur avait expliqué que le permis ne prévoyait que deux chambres, qu’il n’était pas possible d’en installer une dans les combles et que le risque d’infraction était grand ; qu’ainsi mis en garde (…) ils auraient pu refuser de s’engager plus avant et poursuivre la résolution de la vente (…) ;

(…) il s’ensuit que leur propre faute a rompu le lien de causalité entre celle des venderesses et le préjudice qu’ils vantent… ; que partant, il ne peut être fait droit à leur demande de réparation (…) ».


Candidats acquéreurs, soyez donc extrêmement vigilants et ne vous engagez qu’après avoir obtenu tous vos apaisements auprès du service de l’urbanisme car, on vient de le voir, une négligence sur ce plan peut vous être fatale !




Laurent Collon
Avocat spécialisé en droit immobilier

Xirius – Avocats





Source : DroitBelge.Net - actualités - 26 avril 2017


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