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Réglementation bruxelloise des hébergements touristiques chez l´habitant

Guillaume Rue

Mardi 15.09.15



Contexte

L’économie du partage, ou consommation collaborative, désigne un modèle économique qui a le vent en poupe depuis plusieurs années. Dans ce modèle, les particuliers mettent à disposition d’autres particuliers, leurs temps, ressources et/ou compétences, le plus souvent contre rémunération. Un des exemples les plus emblématiques de cette « nouvelle économie » est la société américaine Uber qui développe et exploite des applications mobiles de mise en contact d’utilisateurs avec des conducteurs réalisant des services de transport.

Un autre exemple est la société Airbnb qui connaît un succès faramineux et qui se présente comme une plateforme communautaire de location et de réservation de logements de particuliers.

Ce modèle économique suscite une levée de boucliers de la part des acteurs bien établis qui voient d’un mauvais œil ceux qu’ils considèrent comme des concurrents déloyaux. Ainsi, Uber se voit reprocher de mettre en place un service de taxi sans que ses conducteurs n’aient acquis de licence.

Ce modèle est donc au centre de nombreuses discussions, notamment quant à la question de savoir s’il faut réguler de manière générale et systématique toutes les nouvelles plateformes Internet qui offrent ces types de services. Au regard de l’essor fulgurant de ces plateformes, certains y voient même un changement de paradigme qui annoncerait la fin du salariat.


Réglementation

Champ d'application

C’est dans le contexte susmentionné que s’inscrit l’ordonnance du 8 mai 2014 du gouvernement bruxellois qui vise à réglementer l’accès à la profession en imposant des règles quant à l’exploitation d’hébergements touristiques et à lutter ainsi contre la concurrence déloyale (cf. Note 1). Ce texte élargit le champ d’application de la réglementation puisqu’elle ne s’appliquait auparavant qu’aux hôtels et aux chambres d’hôtes.

Désormais, les locations de chambres et d’appartements privés, à destinations des touristes, seront également encadrées par un texte légal strict. Les hébergements, loués via des sites tels que Airbnb ou 9Flats, sont donc directement visés, et les nombreuses obligations à respecter vont sans conteste ralentir le succès de ces plateformes à Bruxelles.

L’hébergement touristique est défini comme tout logement proposé pour une ou plusieurs nuits, à titre onéreux, de manière régulière ou occasionnelle, à des touristes. Un touriste est toute personne qui, dans le cadre de ses activités privées ou professionnelles, séjourne au moins une nuit dans un milieu autre que son environnement habituel sans y établir sa résidence et pour une durée limitée à 90 jours.

L’ordonnance identifie six catégories d’hébergement touristique :

- hôtel ;

- appart-hôtel ;

- résidence de tourisme ;

- centre d’hébergement de tourisme social ;

- terrain de camping ;

- hébergement chez l’habitant, à savoir tout établissement disposant d’une ou de plusieurs chambres ou d’espaces séparés et aménagés à cet effet, qui font partie de l’habitation personnelle et habituelle de l’exploitant ou de ses annexes attenantes.

Nous examinons ci-après les obligations concernant l’hébergement chez l’habitant.


Obligations générales

Toute exploitation d’un hébergement touristique sera soumise à déclaration préalable et à enregistrement. La déclaration préalable est introduite au moyen d’un formulaire auprès du fonctionnaire compétent. Si la déclaration est complète, le déclarant reçoit un numéro d’enregistrement correspondant à l’hébergement touristique.

Endéans les douze mois de la délivrance du numéro d’enregistrement, le fonctionnaire procédera au contrôle, sur place, des conditions exigées.

L’établissement d’hébergement touristique devra détenir une attestation de sécurité d’incendie, délivrée par le bourgmestre, qui témoigne que l’hébergement satisfait aux normes de sécurité en matière de protection contre l’incendie ou une attestation de contrôle simplifié, qui témoigne que l’hébergement satisfait aux normes de sécurité concernant l’installation électrique, le chauffage et le gaz et qui pourra se substituer à l’attestation de sécurité d’incendie.

L’hébergement touristique devra être établi dans le respect de la réglementation relative à l’aménagement du territoire et aux règles urbanistiques en vigueur. Le respect des normes en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme sera constaté par une attestation de la commune.

L’hébergement touristique devra en permanence être maintenu dans un bon état d’hygiène et d’entretien.

En outre, l’exploitant lui-même devra remplir un certain nombre de conditions (ne pas avoir été condamné pour certaines infractions, disposer d’une assurance en responsabilité civile, respecter les réglementations de travail, de sécurité sociale et les conventions collectives de travail en vigueur…).


Obligations spécifiques


L’exploitant :

- ne pourra exploiter plus d’un établissement d’hébergement chez l’habitant et devra y établir sa résidence principale ;

- ne pourra accueillir plus de quinze touristes en même temps ;

- s’engagera à conclure un contrat écrit pour chaque occupation d’une chambre d’hôtes. Ce contrat contiendra notamment un prix forfaitaire, comprenant le petit déjeuner, net de toute majoration, calculé et payé à la nuitée ;

- informera son assureur en responsabilité civile de la mise en location d’un hébergement chez l’habitant ainsi que des activités complémentaires qui seraient proposées ;

- s’engagera à s’impliquer personnellement, éventuellement avec la ou les personnes qui vivent habituellement sous le même toit, dans l’accueil des hôtes, à leur réserver un accueil personnel de qualité, à mettre tout en œuvre pour faciliter leur séjour et à les aider dans leurs recherches d’informations de nature touristique ;

- devra afficher les prix correspondant à chaque chambre ;

- devra assurer le nettoyage régulier de l’habitation et fournir le linge de maison.


L’établissement devra :

- se trouver dans un bon état d’hygiène, de sécurité et d’entretien général ;

- être composé d’une à cinq (au plus) chambres d’hôtes. Celles-ci seront réservées exclusivement aux hôtes tout au long de la période visée au point suivant ;

- être disponible pour accueillir des hôtes au moins quatre mois par an ;

- disposer de sanitaires réservés aux occupants des chambres d’hôtes.

L’exploitant qui respectera ces obligations pourra afficher un logo officiel et la dénomination « hébergement chez l’habitant », « chambre(s) d’hôte(s) » ou « établissement de chambres d’hôtes ».

L’on notera enfin que si l’exploitant se conforme à l’ordonnance, il doit également s’acquitter des autres obligations légales liées à cette activité, en particulier sur le plan fiscal (déclaration des revenus, paiement des taxes communales…) (cf. Note 2)


Sanctions

Une amende administrative de 250 à 25.000 € peut être imposée lorsque l’exploitant ne se conforme pas à l’ordonnance. Le fonctionnaire peut en outre ordonner sur place la cessation immédiate de l’exploitation d’un hébergement touristique.


Entrée en vigueur

Le jeudi 16 juillet 2015, le gouvernement bruxellois a approuvé l’arrêté visant à exécuter l’ordonnance. Le texte doit encore être soumis, pour avis, au Conseil économique et social de la Région de Bruxelles-Capitale et au Conseil d’État. Il devrait ensuite être publié de façon à ce que la nouvelle législation entre en vigueur pour la fin de l’année 2015.




Guillaume Rue
Avocat au Barreau de Bruxelles




Notes:

(1) Ordonnance du 8 mai 2014 relative à l’hébergement touristique, M.B., 17 juin 2014 et ordonnance du 28 mai 2015 modifiant l’ordonnance du 8 mai 2014 relative à l’hébergement touristique, M.B., 10 juin 2015.

(2) Le Belgian Internet Service Center (Bisc), une unité de l'Inspection spéciale des impôts (ISI) est chargé de faire la chasse aux fraudeurs et de démasquer les 'faux' commerçants privés, notamment sur les sites de locations de logement.




Cet article a été précédemment publié par le même auteur dans le Bulletin Social et Juridique.(www.lebulletin.be)


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