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Surface habitable et responsabilité de l´agent immobilier

Par Laurent Collon (Xirius)

Lundi 12.01.15


La quatrième chambre de la Cour d’appel de Bruxelles a rendu, en date du 6 mai 2014, un arrêt mettant une fois de plus en exergue la très lourde responsabilité professionnelle qu’assument les agents immobiliers (Bruxelles, 6 mai 2014, R.C.D.I., 2014/4, p. 33 et s.).


Responsabilité tant à l’égard du commettant que des tiers

De nos jours, il n’est plus contesté que la responsabilité des agents immobiliers peut être engagée tant à l’égard de leurs clients que vis-à-vis des tiers, à commencer par les candidats à l’opération (vente, location, …).

Dans le premier cas, il s’agit d’une responsabilité contractuelle (un contrat étant conclu entre l’agent immobilier et son client, candidat-vendeur ou bailleur) alors que, dans le second, il s’agit d’une responsabilité extracontractuelle (aucun contrat n’étant conclu entre l’agent et le tiers, par définition).

Le cas qui nous occupe met en exergue la responsabilité de l’agent immobilier à l’égard de l’acquéreur d’un appartement.

La doctrine et la jurisprudence considèrent que, même si l’agent immobilier est engagé contractuellement avec son client (le commettant), et même s’il doit défendre au mieux les intérêts de ce dernier, il ne peut pour autant se montrer déloyal à l’égard des tiers, à commencer par les candidats à l’opération.

Il doit, au contraire, leur fournir une information objective, précise et loyale.


« Surface habitable »

Le litige tranché par la Cour d’appel de Bruxelles le 6 mai 2014 avait éclaté à propos de ce qu’il fallait entendre par « surface habitable ».

Dans cette publicité, l’agent immobilier chargé de la vente de cet appartement avait annoncé une « surface habitable » de 103 m².

Le compromis de vente puis l’acte authentique avaient été passés dans la conviction, pour l’acquéreur, que l’appartement présentait ainsi une surface nette de 103 m².

Il est apparu ultérieurement que cette surface était brute et que la surface nette n’était que de 89 m².

L’acquéreur engagea la procédure judiciaire à l’encontre de l’agent immobilier et lui réclama le remboursement, à due concurrence, du prix d’acquisition (par application d’une simple règle de trois).

Dès le départ, l’agent immobilier contesta sa responsabilité en affirmant que la notion de « surface habitable » était régulièrement utilisée pour viser, tantôt une surface brute, tantôt une surface nette.

Et il est vrai que de très nombreux malentendus, si pas litiges, surgissent à propos de ce qu’il faut entendre par « surface habitable », et force est de reconnaître que, généralement, l’épaisseur des murs est comprise dans le calcul, au détriment donc des acquéreurs…

Le premier juge avait alors décidé que le doute aurait dû être levé par l’agent immobilier et que celui-ci devait donc informer clairement les candidats-acquéreurs, en évitant ainsi de les tromper.

Il avait cependant refusé le calcul effectué par l’acquéreur et avait préféré désigner un expert chargé de se prononcer sur la perte effectivement subie par l’acquéreur en raison du fait que, répétons-le, la surface nette de son appartement était de 89 m² alors qu’elle avait été annoncée à 103 m².


L’opinion de la Cour d’appel de Bruxelles

L’agent immobilier avait relevé appel de cette première décision.

Il fut cependant débouté par la Cour d’appel de Bruxelles.

Celle-ci emboîta le pas du premier juge.

Pour la Cour, « L’agent immobilier, chargé de la vente d’un bien, est tenu, dans le cadre de la négociation et des pourparlers préalables à la vente, de fournir une information claire, loyale et précise sur les caractéristiques du bien à vendre et sur tous les éléments qui pourraient déterminer le consentement du futur acquéreur. Il ne peut, dans sa publicité et ses annonces, induire les personnes en erreur sur la disponibilité, les caractéristiques essentielles des biens qu’il présente. La notion de surface habitable est sujette à interprétation et partant susceptible d’induire le consommateur en erreur. L’agent immobilier commet dès lors une faute à l’égard de l’acquéreur, lorsqu’il annonce que le bien offrirait une surface ‘habitable’ de 103 mètres carrés alors qu’en réalité, il s’agirait d’une surface brute. En utilisant le terme surface habitable, plutôt que surface brute, l’agent immobilier a manqué de clarté de précision et de loyauté, de telle sorte qu’il a manqué à son obligation d’information. ».

Même si la position adoptée par le premier juge, puis par la Cour d’appel de Bruxelles, paraît très sévère à l’égard des agents immobiliers, elle doit incontestablement être suivie, ne fut-ce que parce que, comme l’a relevé la Cour, l’agent immobilier aurait parfaitement, et très simplement, pu privilégier la notion de surface brute à celle de surface habitable.

Il n’est pas douteux que celle-ci a été utilisée dans le but, si pas de tromper l’acquéreur, à tout le moins de le placer dans l’incertitude.

C’est tout aussi à bon droit, nous semble-t-il, que la Cour d’appel a, elle aussi, refusé la règle de trois proposée par l’acquéreur pour la fixation de son préjudice et a privilégié l’intervention de l’expert.

En effet, l’achat d’un bien immobilier ne porte pas que sur une surface, mais également sur toute une série d’autres éléments qui doivent être pris en compte par le professionnel de l’évaluation immobilière pour fixer exactement ce que représente la perte de surface par rapport à ce qui était escompté.




Laurent Collon (lc@xirius.be)
Avocat spécialisé en droit immobilier

Xirius – Avocats



Source : DroitBelge.Net - Actualités - 12 janvier 2015


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