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Pourquoi la médiation ?

Par Marie Dupont & Maxime Le Borne

Mardi 02.09.14



La voie judiciaire n’est pas toujours adaptée à la vie des affaires car elle offre rarement une solution efficace, c’est-à-dire efficiente, pragmatique et rapide à un litige. C’est ce constat qui explique le développement de modes alternatifs de règlement des conflits légalement organisés, tels que l’arbitrage, la conciliation ou la médiation. Si l’intérêt pour ces modes alternatifs aux tribunaux va croissant lorsqu’il s’agit de prévenir ou de résoudre des différends, il faut aussi constater beaucoup de frilosité à l’idée d’y recourir.

Nous sommes personnellement convaincus que particuliers et entreprises gagneraient souvent à tenter de résoudre un conflit latent ou un litige ouvert par le biais d’un processus de médiation ; nous en exposons ci-après brièvement quelques raisons.


LA MEDIATION, C’EST QUOI ?

La médiation est un processus de prévention et de résolution des conflits, volontaire et confidentiel, par lequel un tiers neutre et impartial, appelé « médiateur », va organiser un dialogue entre parties de façon à leur permettre de comprendre, derrière les positions adoptées par chacune d’elles, leurs préoccupations et leurs points de vue respectifs. Sur base de cette compréhension, elles pourront s’impliquer elles-mêmes à rechercher une solution durable, amiable et mutuellement acceptable à leur différend.

Ce processus peut convenir quel que soit le domaine (matières civiles, commerciales, familiales, sociales, voire publiques) ou letype de problème rencontré.


AVANTAGES:

Rapide
La médiation permet de trouver une solution à un conflit endéans un délai moyen de 45 jours (cf. Note 1), et en un temps effectif de moins de 20 heures dans 86 % des cas (cf. Note 2).

Efficace
Dans 70 à 80 % des cas, la médiation permet d’aboutir à une solution satisfaisante pour les deux parties (cf. Note 3); au-delà, la rapidité du processus maximalise aussi les chances d’exécution de la solution trouvée (cf. Note 4), d’autant que sous certaines conditions celle-ci peut se voir conférer force exécutoire (cf. Note 5).

Economique
La rapidité et l’efficacité du processus induisent une économie financière évidente, même si elle n’est pas visible d’emblée : le médiateur est rémunéré (au contraire du magistrat), le travail des conseils des parties peut être intense à l’occasion d’une médiation et, à l’inverse, les externalités négatives d’un procès judiciaire sont souvent négligées (cf. Note 6).

Organisé légalement
Le législateur a offert à la médiation un cadre précis au travers des articles 1724 à 1737 du Code judiciaire. Par ailleurs, il vient tout récemment de la promouvoir à travers la création du Service de Médiation pour le consommateur (cf. Note 7).

Positif
Initier une médiation en cas de désaccord traduit une réelle volonté de rechercher et trouver une solution à un conflit, sans pour autant renoncer aucunement à ses droits.

Confidentiel
Le processus offre de pouvoir régler un différend de façon discrète et permet aux parties de s’exprimer dans un cadre protégé.

Ambitieux
Le processus de médiation force les parties à s’impliquer activement dans la recherche d’une solution sur mesure à leur différend, après avoir pris conscience de toutes les raisons qui sous-tendent leurs prétentions respectives, de façon à les satisfaire le plus complètement possible.

Innovant
Sous réserve du respect des règles d’ordre public (cf. Note 8), les parties sont libres de décider ensemble des modalités qui leur conviennent pour vider leur litige ; elles peuvent notamment se départir des solutions juridiques classiques, telles que l’indemnisation d’un préjudice par une somme d’argent, par ex.

Win-win
Un verdict judiciaire tranche extérieurement un litige et désigne classiquement un gagnant et un perdant. Or, même pour le « gagnant », il faut constater que le sentiment que « justice lui a été rendue » est assez peu souvent au rendez-vous.
L’ambition de la médiation est au contraire de permettre aux parties, dans un cadre protecteur et favorisant écoute et respect mutuel, d’exprimer et d’analyser les besoins et les désirs en présence pour y répondre aussi adéquatement que possible. L’autre n’est plus mon adversaire : il détient une partie de la solution, tout comme moi.

Tourné vers l’avenir
Le processus est résolument tourné vers l’avenir, car il entend vider le différend de manière globale et durable.


POURQUOI NE RECOURT-ON PAS PLUS SOUVENT A LA MEDIATION

A notre estime, deux facteurs principaux freinent actuellement le développement de la médiation comme mode prévention et de résolution des conflits :

- le manque d’information du grand public quant aux modalités et aux objectifs réels du processus, souvent assimilé à une séance de réconciliation où mes prétentions risquent de ne pas être entendues ni reconnues, et où je risque de « ne pas obtenir gain de cause » ;

- le manque de sensibilisation des acteurs de la vie juridique – notamment des avocats : certes, la médiation ne conviendra pas nécessairement à toutes les situations conflictuelles mais elle pourrait néanmoins être systématiquement envisagée en vue de trouver à un litige une solution efficace et appropriée.


Marie Dupont
Avocate – Spécialiste en droit des contrats
Assistante à l’Université Libre de Bruxelles
Médiatrice agréée en matière civile et commerciale
Mon-Tribunal.be


Maxime Le Borne
Avocat
Médiateur agréé en matière civile et commerciale
Mon-Tribunal.be


Notes:

(1) Après étude de la question, le centre « BeMediation » est arrivé au constat suivant : « la durée moyenne en Belgique pour obtenir une décision d'un tribunal pour un conflit de 200.000€ est de 525 jours. La médiation permet de trouver un compromis astucieux dans un délai moyen de 45 jours pour ce même conflit. » www.bmediation.be

(2) En réalité : moins de 10 heures dans 37 % des cas (entre 10 et 20 heures dans 49 % des cas, selon les statistiques publiées en 2013 par le « Centre de médiation et d’arbitrage de Paris (CMAP) » : www.cmap.fr/Actualites-du-CMAP-98-fr-detail-29.html. Ces chiffres sont transposables en Belgique.

(3) 70 % selon le Centre de médiation et d’arbitrage de Paris (CMAP), www.cmap.fr/Actualites-du-CMAP-98-fr-detail-29.html ; un taux de succès entre 70 et 80 % selon le Centre B-mediation http://www.bmediation.eu/index.php/services/faqs#Q4 ; 75 % selon L. HENRION et P. NAMOTTE, in « Eviter les aléas, le coût, la durée d’un procès ? », www.droitbelge.be (mai 2014) ; et 80 % selon Thierry Smets, in « La médiation en Droit belge », http://www.avocats-legalex-namur.be/mediation/mediation.html ou encore selon Olivier Standaerts, in « La médiation plutôt que les tribunaux », La Libre Belgique du 7 février 2008, http://www.lalibre.be/economie/actualite/la-mediation-plutot-que-les-tribunaux-51b8986ee4b0de6db9b18c93.

(4) Il semblerait en effet que plus de 30 % des jugements rendus en matière commerciale ne sont pas exécutés (notamment parce que la condamnation n’a plus de réel intérêt en raison du délai mis pour l’obtenir ou parce que, entre-temps, la partie condamnée à payer est devenue insolvable). Cf L.M. HENRION et P. NAMOTTE, « Eviter les aléas, le coût, la durée d’un procès ? », www.droitbelge.be (mai 2014) ; L.M. HENRION, « Qu’est-ce que la médiation? », www.droitbelge.be (mars 2011).

(5) Si l’accord n’était pas volontairement exécuté par l’une ou l’autre partie, la loi permet que, lorsque la médiation s’est déroulée avec l’accompagnement d’un médiateur agréé par la Commission fédérale de médiation, l’une des parties puisse faire homologuer l’accord par le juge compétent pour lui donner la même force exécutoire qu’un jugement : www.mediation-justice.be

(6) Le juge n’a pas de pouvoir d’appréciation et ne peut refuser l'homologation de l'accord que si celui-ci est contraire à l'ordre public (art. 1733 du Code judiciaire) ce qui facilite grandement le processus d’exécution forcée.

(7) Le plus souvent, le coût d’une médiation est également bien inférieur à celui d’une procédure d’arbitrage. Les statistiques publiées en 2013 par le Centre de médiation et d’arbitrage de Paris (CMAP), indiquent que 82 % des médiations ont coûté moins de 6.000 euros (35 % moins de 3.000 euros et 47 % dans une fourchette allant de 3.000 à 6.000 euros) www.cmap.fr/Actualites-du-CMAP-98-fr-detail-29.html. Ces chiffres sont transposables en Belgique.

(8) Voy. par exemple la création d’un Service de Médiation pour le consommateur instauré par la loi du 4 avril 2014 portant insertion du Livre XVI, « Règlement extrajudiciaire des litiges de consommation » dans le Code de droit économique, M.B., 12 mai 2014. V. eg. M. DUPONT, « Du nouveau en matière de résolution non judiciaire des litiges avec un consommateur », www.droitbelge.be (mai 2014).

(9) Et de l’intérêt des enfants mineurs, en cas de médiation familiale.






Source : DroitBelge.Net - Actualités Juridiques - 2 septembre 2014


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