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Interprétation, rectification et réparation d´une omission : le service après-vente du S.P.F. Justice !

Christophe Bedoret

Jeudi 01.05.14

Le régime d’interprétation et de rectification de jugement vient d’être radicalement modifié par une loi du 24 octobre 2013, publiée au Moniteur du 24 janvier 2014 et entrée en vigueur le 3 février 2014. Le souci d’économie procédurale domine cette réforme qui a été amorcée il y a plus de dix ans (cf. Note 1).


Juge des saisies

Précédemment, seul le juge qui avait rendu une décision obscure ou ambiguë pouvait l’interpréter.

De même, seul celui qui avait rendu une décision affectée d’erreurs matérielles ou de calcul pouvait opérer les rectifications nécessaires.

Désormais, le juge des saisies, en sa qualité de juge de l’exécution (cf. Note 2), peut à son tour interpréter une décision obscure ou ambiguë (cf. Note 3) ainsi que rectifier les erreurs matérielles (cf. Note 4).

Son pouvoir de rectification suppose toutefois que les éléments de la rectification figurent dans le texte même de la décision à rectifier (cf. Note 5).


Réparation d’une omission

Lorsqu’un juge omet de statuer sur un chef de demande, les parties ont à présent le loisir de lui demander de réparer cette omission (cf. Note 6), ce qui permet d’éviter que la décision ne doive être frappée d’appel.

La demande de réparation doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée (cf. Note 7).

Pour les chefs de demande, le législateur se réfère aux conclusions de synthèse qui, par définition, remplacent toutes les conclusions antérieures et l’acte introductif d’instance (cf. Note 8) ; à notre estime, les éventuelles demandes écrites ou verbales formées après les conclusions de synthèse sont également concernées.


Saisine simplifiée

L’introduction par citation n’est plus envisagée.

En cas de demande d’interprétation, de rectification ou de réparation, le juge est saisi par voie de requête contradictoire (cf. Note 9) ou par requête conjointe (cf. Note 10).

Les plaideurs ne manqueront pas de se réjouir de ce mode de saisine simplifié.


Interprétation et rectification d’office

Alors que l’interprétation et la rectification ne pouvaient être décidées d’office par le juge qui a rendu la décision, la loi du 24 octobre 2013 édicte désormais le contraire (cf. Note 11).

Si l’idée est excellente, dans la mesure où le juge ou le greffier sont souvent les premiers à détecter un problème, il est regrettable que le législateur n’ait pas modalisé un tel régime.

Nous pensons que si la décision a été précédée d’un débat (unilatéral ou contradictoire), les parties ayant été invitées à participer à ce débat doivent être convoquées (cf. Note 12), tandis qu’au cas où la décision a été prise sur pièces, par exemple en matière d’assistance judiciaire (cf. Note 13), aucune convocation n’est requise.


Conclusion

Les procédures d’interprétation, de rectification et de réparation d’une omission étant grandement assouplies, il est permis d’évoquer, à l’instar du Conseil d’État, dans son avis préalable du 4 février 2013 (cf. Note 14), la mise en place d’une sorte de… « service après-vente » du S.P.F. Justice !


Christophe Bedoret
Juge au tribunal du travail de Mons, chargé d'enseignement à l'U-Mons




Notes:

1 F. Erdman et G. de Leval, Les dialogues Justice, rapport de synthèse rédigé à la demande de Mme Laurette Onkelinx, ministre de la Justice, juillet 2004.

2 Art. 1395 et 1498 du Code judiciaire.

3 Art. 793 du Code judiciaire.

4 Art. 794, al. 2, du Code judiciaire.

5 Idem.

6 Art. 794/1, al. 1er, du Code judiciaire.

7 Art. 794/1, al. 2, du Code judiciaire.

8 Art. 748bis du Code judiciaire.

9 Art. 1034bis à 1034sexies du Code judiciaire.

10 Art. 706 du Code judiciaire.

11 Art. 797 du Code judiciaire.

12 À défaut de base légale, des convocations sous pli judiciaire, telles que celles visées à l’art. 1034sexies du Code judiciaire, nous paraissent devoir être adressées aux parties, avec une mention relative à l’art. 797 du Code judiciaire.

13 Art. 678, al. 1er, du Code judiciaire.

14 Chambre, Doc. 53 0050/002, p. 5.





Cet article a été précédemment publié par le même auteur dans le n° 517 du Bulletin Social et Juridique.(www.lebulletin.be)



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