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La loi concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales


Mardi 27.08.02



La loi du 2 août 2002 transpose en droit belge la directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.

Cette loi, dont le champ d'application est très large, est très importante et résulte du constat fait dans la plupart des Etats membres de l'Union Européenne: le retard de paiement est la première cause des difficultés de trésorerie des entreprises et des commerçants, qui bien qu'étant souvent payés avec un retard important, doivent faire face à leurs obligations fiscales et sociales.

Cette directive a ainsi pour ambition d'éviter bon nombre de faillites.


Champ d'application de la loi

La loi du 2 août 2002 est applicable à toutes les " transactions commerciales ", c'est-à-dire à toute transaction entre entreprises ou entre des entreprises et des pouvoirs adjudicateurs ou des entités adjudicatrices qui conduit à la fourniture de biens ou à la prestation de services contre rémunération.

L'expression " entreprise " est définie de manière large et englobe notamment les professions libérales. Ne sont par contre pas visées, les transactions entre une entreprise et un consommateur.

Dès lors que la loi vise seulement les paiements en rémunération de transactions commerciales, elle ne s'applique pas aux paiements effectués à titre d'indemnisation (comme l'indemnisation faite par une compagnie d'assurance, par exemple), ni aux autres obligations pécuniaires qui trouvent leur origine dans la transaction commerciale (paiement d'une indemnité pour vices cachés ou pour livraison tardive par exemple).

Les dettes qui font l'objet d'une procédure collective d'insolvabilité ne tombent pas sous le champ d'application de la loi.


Délai de paiement et retard de paiement

L'article 4 consacre le principe aux terme duquel, s'il n'en a été autrement convenu par les parties, tout paiement en rémunération d'une transaction commerciale doit être effectué dans un délai de 30 jours.

Ce délai est calculé à partir :

- de la réception, par le débiteur, de la facture ou d'une demande de paiement équivalente, ou
- de la réception des marchandises ou de la prestation de services, si la date de réception de la facture ou de la demande de paiement équivalente est incertaine ou si le débiteur reçoit la facture ou la demande de paiement avant les marchandises ou les services, ou
- de l'acceptation ou de la vérification permettant de certifier la conformité des marchandises ou des services avec le contrat, si la loi ou le contrat prévoit une procédure d'acceptation ou de vérification, et si le débiteur reçoit la facture ou la demande de paiement plus tôt ou à la date de l'acceptation ou de la vérification.

A défaut de paiement dans le délai de 30 jours, la loi prévoit, s'il n'en a été autrement convenu par les parties, qu'un intérêt moratoire sera dû de plein droit et sans mise en demeure préalable au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération principale de refinancement, majoré de sept points de pourcentage et arrondi au demi-point de pourcentage supérieur (taux qui sera communiqué par avis au Moniteur Belge, avis qui n'avait pas encore paru à la date de la publication de la présente actualité).

Il s'agit d'une dérogation importante à l'article 1153 du Code Civil. En outre, l'article 6 prévoit que, lorsque le débiteur ne paie pas dans le délai, le créancier est en droit, sans préjudice de son droit au remboursement des frais judiciaires conformément aux dispositions du Code judiciaire (visant notamment des frais de citation e.a.), de réclamer au débiteur un dédommagement raisonnable pour " tous les frais de recouvrement pertinents " encourus par suite du retard de paiement. Il est important de noter que ce texte ne vise pas uniquement les frais de rappel et autres frais administratifs, mais englobe également les frais et honoraires de l'avocat, pour autant que ces frais soient transparents, pertinents et en proportion avec le montant de la créance (voy. page 11 de l'Exposé des motifs).

Ces conditions seront soumises à l'appréciation du juge en cas de contestation. Le fait que le législateur belge reconnaisse enfin, après de nombreuses discussions et controverses en doctrine et jurisprudence, que les frais et honoraires de l'avocat font partie intégrante du dommage du créancier et doivent donc aussi, dans certaines limites et dans le respect de certaines conditions, être remboursés par le débiteur défaillant, doit être approuvé.

Un arrêté royal déterminera le montant maximal de ce dédommagement raisonnable pour les frais de recouvrement pour différents niveaux de dette.


Dérogations conventionnelles

Les parties peuvent déroger conventionnellement aux trois principes précités (paiement dans les trente jours, intérêt moratoire de plein droit et sans mise en demeure au taux déterminé par la loi et récupération des frais de recouvrement dans certaines limites), pour autant que la dérogation à la loi ne soit pas manifestement abusive à l'égard du créancier (article 7).

Lors de l'appréciation du caractère manifestement abusif au sens de l'article 7, le juge examinera entre autres si le débiteur a des raisons objectives de déroger aux dispositions de la loi. Toute clause contraire aux dispositions de l'article 7 est réputée non écrite.

Concrètement, cela signifie qu'une clause imposée par un débiteur à son créancier (la clause doit être manifestement abusive à l'égard du créancier ) aux termes de laquelle un délai de 90 jours serait prévu pour le paiement, afin de permettre au débiteur de préserver sa situation de trésorerie, pourrait être jugée abusive au sens de l'article 7 dès lors que cette dérogation au délai de 30 jours ne répondrait pas à une justification objective (nécessité technique, par exemple). Il en irait de même pour une clause prévoyant un intérêt moratoire à un taux inférieur au taux prévu par la loi.

Inversément, le juge conserve cependant la possibilité de réduire un taux conventionnel excessif conformément à l'article 1153, alinéa 5 C.civ., étant entendu que désormais, ce taux ne pourrait plus être réduit à un taux inférieur à celui prévu par la loi du 2 août 2002 (article 6). Il en va, mutatis mutandis, de même pour une clause pénale excessive que le juge pourra toujours réduire.

Beaucoup d'acteurs économiques devront donc revoir leurs conditions générales à la lumière de cet article 7.


Action en cessation et entrée en vigueur

La loi prévoit enfin une action en cessation qui peut être intentée (notamment par un groupement professionnel ou interprofessionnel) devant le Président du tribunal de première instance ou de commerce afin d'entendre ordonner la cessation de l'utilisation de clauses contractuelles qui constituent un abus manifeste au sens de l'article 7.

La loi est entrée en vigueur le 7 août 2002, mais elle n'est applicable qu'aux paiements effectués en exécution des contrats conclus, renouvelés ou prorogés après le 7 août 2002. Elle s'applique en tous cas aux paiements effectués en exécution de contrats en cours, deux ans après le 7 août 2002.




Erik Van den Haute

Avocat au barreau de Bruxelles

http://www.vandenhaute.com










Source : Par Erik Van den Haute


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