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[DROIT DE RÉPONSE] Les contrats types proposés par l´IPI: le juste équilibre entre les droits et obligations des agents, des consommateurs et des tiers

Par Carole De Ruyt

Mercredi 08.02.12

En date du 25/01/2011, Monsieur Laurent COLLON a publié un article sur le site DroitBelge.Net intitulé « les contrats-types proposés par l’IPI : à revoir impérativement ».

L’auteur reproche à l’institut des agents immobiliers, d’une part de ne pas avoir rédigé « adéquatement » les contrats types qui se trouvent en ligne sur son site internet, et d’autre part, de ne pas avoir veillé « à éviter les litiges entre les consommateurs et les agents immobiliers ».


1) Le rôle de L’IPI

Rappelons tout d’abord quel est le rôle de l’IPI et quelles sont ses missions.

L’Institut professionnel des agents immobiliers (I.P.I.) est un organisme d’intérêt public chargé essentiellement de l’accès à la profession d’agent immobilier et du contrôle déontologique des agents immobiliers.

La profession d’agent immobilier est en effet une profession réglementée et nul ne peut exercer en qualité d’indépendant des activités d’agent immobilier sans être inscrit à l’IPI.

Les agents immobiliers sont par ailleurs tenus au respect de règles déontologiques.

En tant qu’organe de contrôle, l’IPI a principalement 3 missions :

- Statuer sur les demandes d’inscription et tenir à jour la liste des stagiaires et des titulaires,
- Veiller au respect de la réglementation d’accès à la profession d’agent immobilier
- Contrôler le respect par les agents immobiliers des règles de déontologie régissant la profession;

On l’aura compris, le rôle de l’IPI n’est pas seulement de défendre la cause des agents immobiliers mais également de garantir que les membres de l’institut respectent les droits des personnes avec lesquelles ils contractent et/ou auxquelles ils transmettent des informations.


2) La réglementation spécifique relative aux contrats des agents courtiers

En ce qui concerne les conventions que les agents seraient amenés à signer :

- Le Code de déontologie (arrêté royal du 27 septembre 2006 contenant le Code de déontologie, M.B., 18 octobre 2006) précise :

o Art. 8 : « Préalablement à l’acceptation de toute mission, l’agent immobilier doit proposer à son commettant potentiel un projet écrit de convention adapté à l’exercice de la mission qui pourrait lui être confiée par le commettant potentiel. Ce projet doit être conforme aux normes applicables et stipuler de manière claire et non ambiguë les obligations des parties, en particulier en ce qui concerne le mode de calcul et de paiement des honoraires.

L’agent immobilier veille à attirer l’attention de son commettant potentiel sur les éléments essentiels du contrat de courtage ou de gestion qu’il lui propose de conclure.

Lorsque la loi l’impose aux parties, l’agent immobilier est tenu de conclure un contrat écrit.
Les contrats conclus par l’agent immobilier doivent respecter la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur, ainsi que les arrêtés pris en exécution de cette loi, lorsque cette réglementation est applicable. 
»

o Art. 9 : « Lorsqu’un projet de convention qu’il propose à son commettant potentiel comporte un mandat, l’agent immobilier est tenu de le stipuler de manière claire et apparente. »

L'arrêté royal du 12 janvier 2007 relatif à l’usage de certaines clauses dans les contrats d’intermédiaire d’agents immobiliers (M.B., 19/01/2007 2ème ed. p. 2363), qui est pris en application de la loi sur les pratiques du commerce et ne s’applique donc bien entendu que lorsque le client de l’agent immobilier est un consommateur, impose par ailleurs aux agents immobiliers courtiers, l'utilisation obligatoire d'un contrat écrit, qui doit comprendre un ensemble de dispositions impératives protectrices des droits du consommateur.

Ces clauses obligatoires peuvent être résumée comme suit :

o La clause de rétractation suivante doit figurer au recto de la 1ère page, en caractères gras et dans un cadre distinct du texte

« Dans les sept jours ouvrables à dater du lendemain du jour de la signature du présent contrat, le consommateur a le droit de se rétracter sans frais de son achat, à condition d'en prévenir l'entreprise par lettre recommandée à la poste. Toute clause par laquelle le consommateur renoncerait à ce droit est nulle. En ce qui concerne le respect du délai, il suffit que la notification soit expédiée avant l'expiration de celui-ci. »

o la mission de l'agent immobilier et l'étendue de ses pouvoirs doivent être décrites de manière claire et non équivoque sous une seule rubrique du contrat, et mentionner si l’agent agit en tant que mandataire ou que courtier.

o la commission à payer par le consommateur doit être indiquée toutes taxes comprises.

o si le contrat est conclu à titre exclusif, sa durée ne peut être supérieure à six mois.

o si le contrat est conclu pour une durée déterminée et est prolongé ou renouvelé tacitement, il peut y être mis fin sans frais et à tout moment moyennant un préavis de maximum un mois.

o lorsque le contrat d'intermédiaire précise que la mission est remplie lorsqu'une autre partie a émis une offre valable, il doit être précisé que cette offre est faite dans un écrit ou d'une autre manière qui donne au client une preuve certaine de l'offre qui émane de cette autre partie.

o l’obligation si le contrat prévoit que la mission est considérée comme remplie lorsque le commettant a vendu ou loué le bien à une personne à qui l’agent a donné des renseignements, d’indiquer que l’agent doit fournir la preuve que des renseignements précis ont été donnés.

o le contrat doit préciser que dans le cas où la vente ou la location n'a pas lieu suite à la réalisation d'une condition, aucun honoraire, ni commission n'est dû par le consommateur.

o le contrat doit contenir une clause de résiliation qui donne la faculté au consommateur de mettre fin pour l'avenir au contrat d'intermédiaire par volonté unilatérale sans qu'un quelconque motif soit exigé. Dans ce cas l’agent peut réclamer une indemnité qui ne peut excéder 50 % des honoraires ou de la commission ou 75% si le bien est vendu un loué dans les 6 mois qui suivent la fin de la mission.

o le contrat doit reprendre la mention manuscrite par le consommateur de la date et de l'adresse exacte de l'endroit où le contrat d'intermédiaire est conclu.

o Le contrat doit reprendre une clause qui spécifie la manière dont l'agent immobilier va informer le consommateur de l'exécution de sa mission, sachant que ces informations sont données au moins une fois par mois.


L’arrêté royal du 12 janvier 2007 précise également que sont interdites les conditions et les clauses suivantes :

• Les clauses qui entretiennent une confusion entre une faculté de résiliation offerte au consommateur moyennant indemnité et les clauses pénales qui sanctionnent l'inexécution des obligations de ce dernier.

• Pour les contrats d'intermédiaire à durée déterminée, les clauses de résiliation qui prévoient un préavis de plus d'un mois avant la fin du contrat.

• Les clauses pénales excédant 75 % de la commission et/ou des honoraires de l'agent immobilier.

• Les clauses pénales qui ne sont pas réciproques et équivalentes.


L'arrêté royal du 12 janvier 2007 conclut que «  Toute autre disposition des conditions contractuelles qui abroge ou limite, de façon directe ou indirecte, les droits que le consommateur tire de cet arrêté, est interdite et nulle »


3) Les contrats types de l’IPI

Le but poursuivi par la mise en ligne de contrats types par l’IPI est d’intégrer ces clauses impérativement obligatoires et ce de manière d’une part, à permettre aux agents immobiliers de faire valoir leurs droits face à leurs clients et le cas échéant, devant les tribunaux, mais également de garantir aux consommateurs et aux candidats acquéreurs ou locataires, que la profession respecte la réglementation en vigueur.

Ces contrats répondent donc à un équilibre entre les droits et obligations du consommateur et ceux des agents immobiliers

L’on notera par ailleurs que ces contrats types ont été vérifiés par le Service public fédéral Economie.

Il faut encore souligner que ces contrats, et c’est évidemment le but d’un contrat « type », reprennent les clauses impératives imposées par les textes précités et ne peuvent donc appréhender toutes les circonstances de fait qui peuvent influencer la rédaction d’un contrat d’intermédiaire à la vente ou la location.


4) Les clauses plus précisément critiquées par Monsieur Collon

Venons-en à présent aux clauses critiquées par Monsieur Collon.

- La clause d’exclusivité

Monsieur Collon souligne une imprécision, selon lui, sur la notion d’exclusivité.

A notre sens, le contrat type de l’IPI est pourtant clair à ce sujet dès lors qu’il énonce que « pour l’exécution de sa mission, l’agent bénéficie d’une exclusivité et sera seul autorisé à rechercher un acquéreur » (article 3 du contrat type).

L’utilisation de l’attribut « seul » par cette disposition indique de manière certaine que non seulement le commettant ne peut pas confier de mission à un autre agent immobilier mais ne peut pas davantage vendre lui-même le bien, sauf à rémunérer l’agent.

- La clause de résiliation anticipée

L’article 2 9° de l'arrêté royal du 12 janvier 2007 précise que le contrat d’intermédiaire doit reprendre « La clause de résiliation qui donne la faculté au consommateur de mettre fin pour l'avenir au contrat d'intermédiaire par volonté unilatérale sans qu'un quelconque motif soit exigé. L'indemnité de rupture ne peut excéder 50 % des honoraires ou de la commission, à condition que le bien immobilier, objet de la mission d'intermédiation, ne soit pas vendu ou loué dans les six mois qui suivent la résiliation. » (nous soulignons)

La clause reprise dans le contrat type est donc en tout point conforme à cette disposition.

Monsieur Collon reproche à la clause du contrat type de ne pas prévoir de réciprocité et de ne pas préciser, selon lui, le montant des honoraires sur lequel les 50% doivent être appliquées.

Ces deux remarques ne tiennent pas.

En effet, ce qui est impératif dans la réglementation, est de prévoir un droit de résiliation anticipé sans motif dans le chef du consommateur. Il n’est mentionné nulle part que ce droit, par ailleurs exorbitant au regard du droit commun, puisse être réservé également au professionnel agent immobilier.

Il est inexact par ailleurs de soutenir que le consommateur devrait invoquer une faute de l’agent pour pouvoir mettre fin unilatéralement et sans motif au contrat d’intermédiaire : l’article 2 9° de l'arrêté royal du 12 janvier 2007 a justement voulu permettre au consommateur de se défaire du contrat en toutes circonstances et sans nécessité d’avoir un motif pour le faire.

La réciprocité est en outre en soit prévue en ce que l’agent peut réclamer une indemnité au cas où le consommateur userait de cette faculté qui lui est réservée par la loi.

En ce qui concerne le montant des honoraires sur lequel les 50% seraient calculés, le contrat type envisage en effet différentes possibilités de prix.

Si l’agent remplit ces différents cases (ce qui n’est pas obligatoire, le contrat type offrant l’option de remplir ou non la case correspondante) le juge appliquera simplement les 50% sur le prix le plus bas, interprétant le contrat en faveur du consommateur.

- Les clauses relatives à la rémunération de l’agent

Concernant cette clause, l’article de Monsieur Collon comprend de nombreuses contradictions.

En effet, il affirme dans un premier temps que l’Institut ne prévoit un droit à rémunération qu’en cas de signature d’un compromis, ce qui est inexact puisque la clause est libellée comme suit dans les contrats types en ligne :

« la rémunération est définitivement due à la signature d’un compromis de vente sous seing privé valable ou si une offre d’achat écrite et valable est émise par un candidat acquéreur »

Quelques lignes plus bas, l’auteur le reconnait puisqu’il écrit que l’IPI se serait rattrapé ( ?) en prévoyant que la rémunération pouvait être due en cas d’émission d’une offre, mais critique à présent le fait que le contrat type ne définisse pas ce qu’est une offre valable.

Tout d’abord, l’auteur perd à nouveau de vue que l'arrêté royal de référence du 12 janvier 2007 impose en son article 2 5° ce qui doit figurer dans les contrats d’intermédiaire qui y sont soumis à savoir :

« lorsque le contrat d'intermédiaire précise que la mission est remplie lorsqu'une autre partie a émis une offre valable, il doit être précisé que cette offre est faite dans un écrit ou d'une autre manière qui donne au client une preuve certaine de l'offre qui émane de cette autre partie. » 

Le contrat type ne fait que reprendre cette formulation impérativement imposée.

Que la détermination de la validité d’une offre soit débattue devant les tribunaux ne peut évidemment être évitée quelles que soient les mentions reprises dans le contrat.

L’auteur reproche enfin, concernant le droit à la rémunération, l’insertion dans le contrat d’une clause (5.2) libellée comme suit :

« si la vente n’est pas finalisée en raison de la réalisation d’une condition, indépendante de la volonté du commettant,, aucune rémunération n’est due à l’agent »

A nouveau, et au risque de nous répéter, cette clause est en tout point conforme à ce qui est imposé à l’article 2, 8° de l’arrêté royal du 12 janvier 2007, même si la rédaction de cette dernière disposition de l’arrêté n’est guère heureuse.

On rappellera également que sans cette clause le contrat de l’agent est nul (article 4 du même arrêté).

De surcroit, l’exemple donné par Monsieur Collon (le fait que le vendeur accepte à l’amiable de ne pas forcer la vente alors que le candidat acquéreur n’a pas transmis les refus d’octroi de crédit) n’est absolument pas un cas « indépendant de la volonté du commettant » puisque ce dernier aura choisi, alors qu’il aurait pu forcer la vente ou demander la résolution de celle-ci avec indemnité, de transiger avec l’acquéreur ou simplement de ne pas faire valoir ses droits : dans un cas comme dans l’autre tout dépend évidemment bien de sa propre volonté.


5) En conclusion

En conclusion, Monsieur Collon sait parfaitement bien que tout contrat, aussi complet et parfait soit-il, pourra toujours être discuté, même avec la plus parfaite mauvaise foi, devant n’importe quel tribunal.

La question est de savoir si la manière dont le contrat est rédigé va permettre aux parties de faire valoir leurs droits avec succès.

Pour cela le contrat doit avant tout être conforme à la loi.

Nous avons démontré que tel est bien le cas des contrats types de l’IPI qui répondent en tout point aux exigences de l’arrêté royal du 12 janvier 2007.

Si des critiques peuvent sans doute être émises à l’égard de certaines dispositions de cet arrêté, il aurait été plus utile de les adresser aux ministres en charge de cette matière plutôt qu’aux contrats types de l’IPI et, indirectement, à ce dernier, qui ne peut qu’appliquer la réglementation existante.

Précisons enfin que ces contrats sont régulièrement défendus avec succès devant les tribunaux du Royaume, les juges étant en général assez réceptifs au fait que les contrats utilisés par l’agent soient justement ceux qui sont proposés par son Institut et qui ont été vérifiés par le Service public fédéral Economie.



Carole DE RUYT (carole.deruyt@celes.be)
Avocat



Source : DroitBelge.Net - 8 février 2012


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