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Les contrats-types proposés par l´I.P.I. : à revoir impérativement

Par Laurent Collon (Xirius)

Mercredi 25.01.12

[ NDLR: L'article ci-dessous a fait l'objet d'un droit de réponse publié par l'IPI le 8 février 2012 et accessible en cliquant sur le lien suivant: "Les contrats types proposés par l´IPI: le juste équilibre entre les droits et obligations des agents, des consommateurs et des tiers". ]


Position du problème

L’Institut Professionnel des agents Immobiliers est un organe institué par la loi-cadre du 1er mars 1976 réglementant l’exercice des professions intellectuelles et par l’arrêt royal du 6 septembre 1993 réglementant l’accès à la profession et le port du titre d’agent immobilier.

Cet organe est chargé par le législateur de veiller au respect des règles d’accès à la profession ainsi que des règles déontologiques par les personnes intéressées.

A ce titre, l’I.P.I. est particulièrement soucieux de veiller à ce que les droits des consommateurs ne soient pas bafoués par les agents immobiliers, et se montre souvent particulièrement sévère dans l’application des peines déontologiques à l’égard de ceux qui ne respectent par les règles.

L’on pouvait donc s’attendre à ce que les contrats-types proposés par l’I.P.I. sur son site internet soient rédigés adéquatement, de manière à éviter des litiges entre les consommateurs et les agents immobiliers.

Or, force est de constater que c’est tout le contraire, ce qui est évidemment regrettable.

Nous nous concentrons pour la suite sur les seules missions de vente.


Exclusivité

Dans le contrat-type relatif à la mission exclusive de vente, l’article prévoyant l’exclusivité est rédigé comme suit :

« Pour l’exécution de sa mission, l’agent bénéficie d’une exclusivité et sera seul autorisé à rechercher un acquéreur. ».

Ce libellé est tout à fait malheureux.

L’on sait en effet que, dans la pratique, deux types d’exclusivité existent : les exclusivités dites « totales » et celles dites « partielles ».

Dans le premier cas, le commettant ne peut pas lui-même rechercher d’amateur, alors que, dans le second, l’exclusivité ne vise que les agences immobilières, ce qui n’empêche pas le commettant de trouver lui-même un amateur.

Il est dommage que l’I.P.I. n’ait pas veillé, dans son contrat-type, à éviter le débat.

En effet, dans l’état actuel du libellé de cette disposition contractuelle, un commettant pourrait parfaitement considérer que l’exclusivité accordée à son agent immobilier ne vise que les agences immobilières, et qu’il ne lui est donc pas interdit de rechercher lui-même un amateur.

Le débat portera évidemment sur la question du droit de l’agent immobilier à percevoir ou non sa rémunération dans l’hypothèse où le bien serait vendu en cours de mission, mais par le commettant en direct.


Résiliation anticipée

La clause proposée par l’I.P.I. pour traiter de la résiliation anticipée du contrat est tout aussi malheureuse.

Elle est libellée comme suit :

« Le commettant a le droit de mettre fin immédiatement au contrat à tout moment, et sans motif, moyennant le paiement à l’agent d’une indemnité de résiliation équivalente à …% (maximum 50% de la rémunération de l’agent).(…) ».

Les lacunes de cette disposition sont nombreuses.

Primo, il peut parfaitement survenir que ce soit l’agent immobilier lui-même qui désire mettre fin anticipée au contrat ; il eut été par conséquent nettement préférable de prévoir la faculté de résiliation anticipée pour chacune des parties contractantes, et non pour le seul commettant.

Secundo, de quelle rémunération parle-t-on dès lors que, par définition, au moment de la résiliation anticipée du contrat, l’agent n’a pas mené sa mission à bonne fin ? Il eut fallu prévoir sur quelle rémunération s’applique le coefficient de 50% : la rémunération sur le prix de présentation ? sur le prix minimum demandé par le commettant ?

Mais surtout, c’est l’expression « sans motif » qui est maladroite.

Appliquée à la lettre, cette clause permet à un commettant d’échapper à l’obligation de payer une indemnité de résiliation anticipée en invoquant n’importe quel motif.

A tout le moins, le libellé actuel de cette disposition contractuelle est source de conflits et donc d’actions judiciaires, ce qui devrait être l’inverse du but recherché par l’I.P.I.

Rappelons alors les principes.

Les contrats d’agences immobilières ont une durée nécessairement déterminée.

Chacune des parties doit par conséquent respecter cette durée, sous peine de manquer à ses engagements contractuels et de justifier ainsi l’allocation de dommages et intérêts à son cocontractant.

Il n’est prévu d’exception à ce qui précède qu’en cas de manquement à ses engagements contractuels par le cocontractant ; et encore, une mise en demeure est-elle nécessaire pour permettre audit cocontractant de corriger son manquement.

Ce n’est que si ce manquement n’est pas corrigé dans les délais impartis que la résiliation anticipée est valable.

En permettant au commettant de résilier anticipativement la convention et d’échapper à l’obligation de payer une indemnité en invoquant un motif, le contrat-type proposé par l’I.P.I. crée un assouplissement tout à fait anormal aux principes qui viennent d’être rappelés, ce au détriment des agents immobiliers !

L’expression « sans motif » doit donc être supprimée.


Rémunération

La clause relative à la rémunération de l’agent immobilier est tout aussi lacunaire, et est donc à nouveau génératrice de conflits.

La première partie de la clause dispose que :

« La rémunération est définitivement due à la signature d’un compromis de vente sous seing privé ou si une offre d’achat écrite et valable est émise par un candidat-acquéreur, conformément aux conditions définies par le présent contrat. (…) ».

Cette disposition est truffée d’imperfections.

Tout d’abord, il est tout à fait regrettable que l’Institut défavorise ses propres membres en ne prévoyant un droit à rémunération en leur faveur qu’à la signature d’un compromis de vente.

Cette prévision va à l’encontre de la position adoptée par la doctrine et la jurisprudence, à commencer par celle de la Cour de cassation !

Le principe est que le courtier a droit à rémunération dès que la convention finale est conclue à son intervention.

Or, en matière de vente, chacun sait qu’elle peut être parfaitement conclue par l’émission d’une offre d’acquisition valable et son acceptation, sans donc qu’il faille nécessairement attendre la signature d’un compromis de vente.

Cela signifie que si l’agent immobilier obtient une offre d’acquisition qui est acceptée par son commettant, il n’aura pas droit à rémunération si, en définitive, et pour quelque raison que ce soit, aucun compromis de vente n’est signé !

L’I.P.I. tente bien de se rattraper en prévoyant également un droit à rémunération au profit de l’agent dans l’hypothèse où celui-ci obtient une offre valable, qui remplit les conditions du contrat.

Mais qu’est-ce qu’une offre « valable » ?

Forcément, l’offre sera considérée comme valable par l’agent immobilier mais pas par le commettant, désireux d’échapper à l’obligation de payer une commission.

A nouveau, donc, le conflit surgira, et des actions judiciaires seront engagées en raison de la carence du contrat.

Et ce n’est évidemment pas l’ajout, dans la même clause, du respect des conditions prévues par le contrat qui va y changer grand-chose.

Cette expression est à nouveau particulièrement vague, et donne donc une fois de plus lieu à interprétation.

Le principe qui aurait dû être traduit dans les contrats est que l’agent immobilier doit être rémunéré en cas d’accomplissement de sa mission, c’est-à-dire s’il permet la conclusion d’une vente ou, à défaut de vente, s’il obtient une offre ferme et écrite qui respecte le montant minimum revendiqué par le commettant.

Quelques lignes plus loin, l’I.P.I. prévoit que l’agent immobilier n’a pas droit à sa rémunération si la vente n’est pas finalisée en raison d’une condition indépendante de la volonté du commettant.

Ce texte est, une fois de plus, source de litiges.

Primo, le terme « condition » est beaucoup trop vague, une nouvelle fois.

Il eut fallu parler de condition suspensive, et de rien d’autre.

Une condition suspensive est nécessairement indépendante de la volonté des parties au contrat, sans quoi elle ne constitue précisément pas une condition …

L’expression « indépendante de la volonté du commettant » était donc parfaitement superflue.

Le caractère vague de la clause défavorise à nouveau les agents immobiliers.

N’oublions pas en effet que le législateur prévoit une obligation pour les commerçants de correctement rédiger le contrat qu’ils soumettent à leurs clients, sans quoi le contrat s’interprétera en leur défaveur.

Prenons l’hypothèse d’une vente sous condition suspensive d’octroi d’un prêt en faveur de l’acquéreur, condition assortie d’un délai de six semaines.

Il est prévu par le contrat qu’à défaut pour l’acquéreur de notifier un refus de crédit hypothécaire dans ce délai de six semaines, la condition suspensive sera considérée comme levée et la vente parfaite.

Imaginons que l’acquéreur notifie un refus de crédit au vendeur au-delà de ce délai et que le vendeur, pour quelque raison que ce soit, accepte ce « désistement ».

Dans l’état actuel du libellé de la clause proposée par l’I.P.I. dans le contrat, l’agent immobilier risque de rencontrer des difficultés à être rémunéré alors que, par application du contrat de vente, la condition est réputée avoir été levée puisque l’acquéreur n’a pas notifié un refus de crédit dans le délai contractuel de six semaines.

Le commettant aura beau jeu de plaider que la vente n’a pas été « finalisée », suite à la survenance d’une « condition indépendante de sa volonté » en plaidant que ce n’est pas de sa faute si le crédit a été refusé.


Conclusion

Voilà quelques exemples (malheureusement il y en a d’autres …) qui démontrent qu’il convient de déconseiller vivement le recours aux contrats-types proposés par l’I.P.I.

S’il faut saluer le fait que l’I.P.I. propose des contrats-types sur son site internet, encore fallait-il que ses contrats soient à l’abri de reproches et ne soit pas source de litiges.

Il ne faut en effet pas perdre de vue que le but premier d’un contrat est d’éviter les conflits entre les parties en prévoyant précisément des clauses claires, qui évitent l’interprétation ; dans l’immense majorité des cas, les conflits naissent en effet de la possibilité d’interpréter un mot, une phrase.

Il faut espérer que l’Institut corrige rapidement le tir.


Laurent Collon (lc@xirius.be)
Avocat spécialisé en droit immobilier

Xirius – Avocats


Source : DroitBelge.Net


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