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Qu’est-ce que la médiation ?

Louise-Marie HENRION

Vendredi 18.03.11

Les procédures judiciaires sont longues et coûteuses et les parties n’en ont pas la maîtrise.
En matière familiale, l’intérêt des enfants nécessite que les parents s’entendent à long terme pour tout ce qui les concerne.
En matière commerciale, plus de 30 % des jugements ne sont pas exécutés, notamment parce que la partie condamnée à payer est devenue insolvable.
En matière pénale, la prison ou l’amende ne sont pas des objectifs en soi. Les sanctions ne sont que de peu d’utilité, tant pour le condamné, qui trop souvent récidivera, que pour la victime qui n’aura qu’une satisfaction passagère.
Devant ce constat unanime, le besoin s’est fait sentir, tant en Belgique qu’ailleurs, de chercher des modes alternatifs de règlement des conflits.


C’est ainsi que la médiation a vu le jour et s’est développée d’abord au Canada et aux Etats-Unis, puis de notre côté de l’Atlantique. Aujourd’hui, elle est appliquée dans la plupart des pays européens, qu’elle soit judiciaire ou simplement consensuelle, et est largement soutenue par la Commission des Communautés Européennes.
La médiation est toutefois encore trop peu connue.

Elle suscite des peurs, notamment dans le chef des gestionnaires habituels de conflits, souvent par ignorance du concept, des modalités, et du rôle qu’ils ont à y jouer.


Alors, qu’est-ce que la médiation ?


1. La médiation civile : notions

La médiation est un mode de résolution des conflits alternatif à la solution judiciaire, mais aussi à l’arbitrage, à la conciliation et à la négociation. C’est un processus qui sera mis en mouvement par les parties librement et en toute indépendance.

Les parties en conflit demandent l’aide d’un tiers qu’elles choisiront. Ce tiers, le médiateur, est neutre, indépendant et impartial.

Il va aider les parties à trouver une solution durable à leur conflit, et sa fonction essentielle sera de faciliter la communication entre elles sur base d’une méthodologie qui est propre à la médiation.

Il recherchera les intérêts en présence et aidera les personnes à trouver leur solution, qui soit satisfaisante pour chacune d’elles. On sort donc de la logique habituelle gagnant-perdant.

Le processus de médiation aboutit, grâce à une approche plus globale de la relation entre les personnes, à traiter non seulement le litige mais aussi le conflit sous-jacent, et à vider ses aspects émotionnels à long terme.

Le médiateur n’a pas de pouvoir.

Il ne dit pas le droit.

Il ne pousse pas à l’accord.

Il ne donne pas d’avis et ne cherche pas les droits et les torts de chacun.

Il aide simplement les parties à communiquer, à s’écouter et à trouver leur propre solution au litige, solution de nature à satisfaire chacune d’elle et à résoudre leur conflit de manière durable.

Le processus de médiation se déroule en toute confidentialité.

C’est donc très différent de la solution judiciaire :

* En cas de conflit, les tribunaux constituent le dernier recours.
* La procédure judiciaire est publique, sauf exception.
* Le juge tranche en droit, d’abord, et en équité, ensuite, après avoir entendu les parties ou leurs conseils, qui vont s’exprimer dans une logique de combat.
* L’état d’esprit est : « j’ai raison, il a tort ». Le juge va le confirmer.

Ce n’est pas non plus de l’arbitrage :

* L’arbitrage est une sorte de justice privée à laquelle les parties ont accepté de soumettre leur différend.
* Il est proche des procédures judiciaires. La différence essentielle réside dans le fait que l’arbitre, contrairement au juge, est choisi par les parties.
* L’arbitre tranche en droit et en équité comme le juge et sa sentence s’impose aux parties.
* Le débat qui aura lieu devant l’arbitre procède de la même logique de combat que celui devant les tribunaux.

Ce n’est pas de la négociation :

* La négociation est un mode consensuel direct en face à face, contrairement à la médiation qui est un mode consensuel assisté, en présence d’un tiers neutre.
* La négociation peut aussi se faire entre les avocats des parties qui vont, le plus souvent, chercher un compromis, acceptant de perdre sur certains points à condition de gagner sur d’autres. La discussion s’organisera essentiellement sur les droits de chacun et des intérêts pécuniaires. C’est du « donnant-donnant ». Tout se joue par concessions réciproques à partir des droits de chacun.
* Cela aboutira, si tout va bien, à un contrat de transaction.
* On reste donc dans une logique de droits et de compromis calculés autour de ceux-ci.


2. Les articles 1724 à 1737 du Code judiciaire

La médiation a été intégrée dans notre système judiciaire par la loi du 21 février 2005, qui a créé un titre général en fin du Code judiciaire, comprenant toutes les médiations civiles, en ce compris les médiations en matières commerciales et sociales (dans le passé, la loi ne prévoyait que la médiation familiale).

La loi établit une distinction entre trois types de médiations, à savoir la médiation judiciaire, la médiation volontaire et un troisième type qu’elle ne traite pas et qui pourrait être appelée la « médiation libre », les personnes ayant toujours la liberté de tenter une médiation sans entrer dans le cadre légal, tel qu’institué par la loi.

La médiation est « judiciaire » lorsque le médiateur, qui doit être un médiateur agréé par la Commission fédérale de médiation, est nommé par le juge à la demande des parties, ou de sa propre initiative mais avec l’accord de celles-ci (article 1734 du Code judiciaire).

La médiation est « volontaire » lorsque les parties qui sont ou non en procès s’accordent, sans en référer au juge, pour tenter une médiation et ce en se conformant au mode légal, c’est-à-dire en signant un protocole de médiation répondant aux exigences de la loi et en faisant appel à un médiateur agréé.

La loi régit les médiations qui se tiennent dans le cadre d’une procédure judiciaire ou qui sont suivies d’une procédure d’homologation, en y attachant des conditions et des avantages.

Si les parties optent pour une médiation « libre », elles ne doivent pas se conformer au schéma légal et leurs accords seront pris en considération au même titre que ceux entre parties qui débouchent sur un contrat.

Les objectifs essentiels poursuivis par le législateur étaient de favoriser le recours à la médiation par la confection d’un cadre garantissant la confidentialité et des règles permettant aux parties de disposer facilement d’un titre exécutoire sanctionnant l’accord auquel aurait abouti leur médiation.

La loi du 21 février 2005 est un règlement général qui vaut pour toutes les médiations civiles, sociales et commerciales. C’est un règlement minimal.


3. Les médiations qui n’en sont pas

Parallèlement à la médiation sensu stricto telle qu’elle vient d’être décrite, il existe un nombre important de formules de règlement de conflits qui utilisent le terme « médiation » mais qui n’en sont pas, ce qui ne facilite pas la compréhension du concept de médiation et son intégration dans la vie sociale.

Beaucoup de ces formules sont toutefois intéressantes dans la mesure où elles tendent à un règlement souple, rapide et à moindre frais, ainsi qu’à une meilleure communication entre les gens.

Nous pensons aux services de médiation ou d’ombudsman dans différents secteurs économiques comme les banques, les compagnies d’assurance, la télécommunication, certains secteurs de vente ou encore à la médiation administrative au sein des administrations fédérales, des Communautés et des Régions.

Ces services sont en réalité des organes de traitement des plaintes qui tendent à la conciliation et à un contrôle de qualité. Certains peuvent avoir un rôle d’arbitre et donnent des avis ou des recommandations, comme par exemple l’ombudsman des assurances.


4. La médiation pénale

Celle-ci a vu le jour en Belgique grâce à la loi du 10 février 1994 qui a créé une procédure de médiation pénale.

Elle procède de la même volonté de faciliter la communication entre les personnes dès lors que celles-ci souhaitent participer activement et en toute confidentialité à la résolution des difficultés résultant d’une infraction.

L’objectif est « d’aider les parties à parvenir d’elles-mêmes à un accord concernant les modalités et les conditions permettant l’apaisement et la réparation » (art. 3ter du Code d’instruction criminelle). C’est une toute nouvelle approche fondée sur des idéaux en rupture radicale avec les théories pénales classiques.

La médiation se fait à l’intervention de l’assistant de médiation qui fait partie du Parquet du Procureur du Roi concerné.

Elle permet à la victime et à l’auteur de s’expliquer, de dire leurs attentes et leurs motivations, d’analyser les faits et leurs conséquences. Elle peut ainsi aboutir à une réparation matérielle mais aussi morale et émotionnelle pour la victime à court terme et à une plus grande responsabilisation de l’auteur, ainsi que, le cas échéant, à une assistance par une formation ou un traitement thérapeutique.
Pour conclure

La médiation fait partie d’un mouvement irréversible qui vise à la conclusion d’accords durables entre les personnes.

Elle n’est pas le seul outil possible. Il y en a d’autres, comme la négociation ou la conciliation, qui sont tout aussi valables.

La différence réside en partie peut-être dans le degré de pacification obtenu, dès lors que dans le processus de médiation les émotions ont pu être exprimées, reconnues et apaisées.

La connaissance de cet outil est bénéfique pour chacun de nous, qui que nous soyons, car nous sommes tous confrontés dans notre quotidien à des occasions de conflits que les principes de la médiation peuvent nous aider à dépasser. Par ce chemin, nous contribuerons chacun à une pacification autour de nous, qui servira l’ensemble de la communauté.


Louise-Marie HENRION
Président du Tribunal de commerce de Namur




Article publié en partenariat avec Le Bulletin Social & Juridique d'Anthemis (www.lebulletin.be)


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