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Le droit collaboratif : un nouveau mode alternatif de résolution des conflits familiaux

Par Anne-Marie Boudart [arc & law]

Mercredi 10.11.10

Aujourd’hui, de plus en plus de justiciables attendent de leurs conseils une solution qui rencontre leurs besoins et leurs intérêts plutôt qu’un débat et une confrontation de positions devant les tribunaux, avec le risque de se voir imposer des solutions inadaptées.

En réponse à cette attente, de nouveaux modes alternatifs de résolution des conflits ont vu le jour dont le plus connu est assurément la médiation.

Depuis plusieurs années, le Barreau a mis en œuvre un nouveau mode alternatif de résolution des conflits : le droit collaboratif (collaborative law).

Crée aux Etats-Unis par un avocat pour sa pratique d’avocat, le droit collaboratif s’est très rapidement répandu au Canada et ensuite, ces dernières années, en Europe.

Le droit collaboratif s’inscrit donc dans les MARC (modes alternatifs de résolution des conflits) et constitue un nouveau mode alternatif à côté de ceux qui existent déjà comme la médiation.

Processus volontaire et confidentiel de règlement des conflits par la négociation, le droit collaboratif se démarque par son originalité à plus d’un titre.

1.

L’avocat collaboratif reçoit de son client une seule mission : celle de l’aider à trouver un terrain d’entente amiable avec l’autre partie.

Chacune des parties est assistée, dans le processus collaboratif, par un avocat de son choix, formé spécifiquement aux techniques de la négociation.

L’idée de base est de permettre aux parties de dégager des solutions sur mesure, répondant à leurs intérêts réciproques et à ceux de leurs enfants, dans un climat respectueux et propice au maintien d’une bonne relation entre les parties, indispensable notamment à la poursuite de l’exercice conjoint de l’autorité parentale à l’égard des enfants communs après le divorce ou la séparation.

2.

Les parties sont amenées à participer activement au processus, aidée par leur avocat, en exprimant leurs intérêts et leurs besoins sur chacun des points de la négociation, permettant par là même d’envisager toutes les solutions possibles rencontrant au maximum les attentes de chacun.

La créativité est de mise et des solutions adaptées sont dégagées.

3.

En cas d’échec, les avocats collaboratifs ne peuvent plus poursuivre leur intervention et ne peuvent dès lors pas défendre ou assister leur client dans le contexte d’une procédure contentieuse.

Il s’agit là d’un des piliers du droit collaboratif qui implique que toutes les énergies soient concentrées vers la réalisation d’un accord, dans une optique de bonne foi.

Dans le contexte du processus de droit collaboratif, la procédure contentieuse n’a aucune place : le droit collaboratif suppose l’absence de procédure agressive (ou la suspension de celle(s) en cours) mais également même l’absence de toute menace de recourir à la procédure et de toute mesure unilatérale agressive.

4.

Le processus implique des négociations en toute transparence et bonne foi, garanties également par le confidentialité.

Les éléments et documents sont confidentiels et ne pourront pas être produits en justice en cas d’échec du processus.

5.

Le droit collaboratif est aussi et avant tout un état d’esprit.

Les avocats s’engagent en effet à gérer le conflit de manière créative, dans le respect des intérêts et des besoins des deux parties.

Les avocats travaillent ensemble, de concert, avec les parties pour trouver une solution mutuellement acceptable pour elles.

6.

Le droit collaboratif est constitué d’étapes bien définies qui permettent de cadrer les négociations dans le meilleur intérêt des parties.

Globalement, ces étapes peuvent être résumées comme suit :

1. la première rencontre avec le client avec explication du processus
2. le contact avec l’autre conseil de droit collaboratif
3. la préparation du client à la première rencontre à quatre
4. la première rencontre à quatre et la signature de l’accord de participation
5. les rencontres subséquentes à quatre et/ou à deux (client- avocat)
6. la rédaction de l’entente provisoire ou définitive, partielle ou complète


Plusieurs principes sous-tendent ce processus dont notamment : le travail d’équipe des avocats, la mise en évidence des intérêts et des besoins des deux parties, l’échange d’informations de bonne foi, la confidentialité, la mise en œuvre de règles de communication efficaces,..


Le droit collaboratif constitue donc une nouvelle manière de travailler pour les avocats.

8.

Le droit collaboratif est mis en œuvre par des écrits.


a) La Charte


La charte est un document qui décrit le processus de droit collaboratif et les obligations incombant à l’avocat de droit collaboratif.

Ce document doit être signé par tout avocat qui souhaite entamer une pratique en la matière.

Toutefois, les avocats ne pourront signer la Charte qu’après avoir été formé en la matière.


b) L’accord de participation au processus de droit collaboratif


L’accord de participation au processus de droit collaboratif est remis aux clients et devra être signé par eux lors de la première réunion parties-conseils dans le contexte du processus de droit collaboratif.

Ce document reprend le déroulement du processus, les obligations de l’avocat et du client.

Le client s’engage notamment au respect de la confidentialité du processus, à la communication des informations et documents utiles à la négociation, à ne pas entreprendre de procédure ou de mesure unilatérale agressive durant le processus….

La charte et l’accord de participation au processus de droit collaboratif sont disponibles notamment sur le site de l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles.

9.

Bien que présentant certains traits communs (essentiellement dans la mise en œuvre des outils de communication et de négociation raisonnée), le droit collaboratif diffère de la médiation.

La médiation est en effet caractérisée par :

- l’intervention d’un tiers neutre unique, véhicule de communication entre les parties, hors la présence des avocats généralement en matière familiales (contrairement aux médiations civiles ou commerciales),

- l’absence d’avis juridique donné par le médiateur. Les parties consultent donc un conseil par ailleurs qui les éclaire sur les questions juridiques en dehors des séances de médiation,

- le fait que le médiateur en droit familial ne peut envisager sans danger un caucus càd un aparté avec une seule des parties (bien que certains médiateurs familiaux le pratiquent toutefois).

Le droit collaboratif se démarque par :

- la présence de toutes les parties impliquées et de leurs conseils et partant la présence de personnes qui ne sont ni « neutres » ni « impartiales »,

- la présence des conseils durant tout le processus et qui peuvent donc, à tout moment, éclairer leurs clients sur les questions juridiques qui se posent,

- la possibilité pour les conseils d’envisager à tout moment des caucus avec leur client.

Le droit collaboratif ne se confond pas non plus avec la négociation traditionnelle qui est souvent menée sous la pression, qui ne suppose la mise en œuvre d’aucun processus et outil particulier, qui n’implique pas la signature d’écrit et d’engagements (notamment le retrait de l’avocat en cas de non accord) , pas plus que l’arrêt des procédures ou l’absence de démarche unilatérale agressive. La négociation traditionnelle est de surcroît menée très souvent sur « position » (chacun voulant sa solution et faisant le moins de concession possible) alors que le droit collaboratif nécessite la recherche des intérêts et des besoins des parties au-delà de leurs positions en vue de tenter de dégager plusieurs solutions possibles à la problématique dans l’intérêt des deux parties.



Le droit collaboratif s’est développé dans de nombreux pays (Etats-Unis, Canada, Angleterre, Irlande, Ecosse, Autriche, France, ...) et a convaincu de nombreux praticiens.

Il connait actuellement de plus en plus de succès en raison de son grand taux de réussite.

De plus en plus d’avocats familialistes se forment à cette technique qui en outre semble séduire également les praticiens du droit civil, commercial et social.

La charte et l’accord de participation de droit collaboratif sont disponibles notamment sur le site de l’Ordre des avocats du barreau de Bruxelles.



Anne-Marie Boudart
Avocat au barreau de Bruxelles - Cabinet arc&law




Source : DroitBelge.Net - 10 novembre 2010


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