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Secret bancaire et échange d´informations - Etat des lieux

Par E. Boigelot & A. Blaffart [Dal & Veldekens]

Lundi 03.05.10

La Belgique : un paradis fiscal ?

On a pu légitimement s’étonner d’entendre que la Belgique faisait partie de pays jugés non-coopératifs aux côtés de célèbres paradis fiscaux tels que Jersey ou les îles Marshall. C’est oublier qu’un Etat peut être considéré comme un paradis fiscal – non pas parce sa fiscalité est avantageuse –, mais parce qu’il pratique (ou plutôt pratiquait, et qui plus est avec certaines limites) le secret bancaire et qu’il s’interdisait de transmettre à d’autres Etats les informations dont ceux-ci avaient besoin.


L’échange de renseignements dans la cadre de la directive européenne sur la fiscalité de l’épargne

La directive 2003/48/CE adoptée le 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiement d'intérêts, vise à permettre que les revenus de l'épargne, sous forme de paiements d'intérêts effectués dans un Etat membre en faveur de « bénéficiaires effectifs », qui sont des personnes physiques ayant leur résidence dans un autre Etat membre, soient effectivement imposés conformément aux dispositions législatives de ce dernier Etat membre. Le moyen retenu pour permettre l'imposition effective des paiements d'intérêts dans l'Etat membre où le « bénéficiaire effectif » a sa résidence fiscale est l'échange automatique d'informations entre les Etats membres concernant ces « paiements d'intérêts ».

Le système peut être résumé comme suit : lorsque le « bénéficiaire effectif » est résident d'un Etat membre autre que celui où est établi l'agent payeur, la directive impose à ce dernier de communiquer à l'autorité compétente de l'Etat membre où il est établi, un contenu minimal d'informations telles que l'identité et la résidence du « bénéficiaire effectif », le nom ou la dénomination et l'adresse de « l'agent payeur », le numéro de compte du « bénéficiaire effectif » ou, à défaut, l'identification de la créance génératrice des intérêts, et des informations concernant le paiement d'intérêts.

La Belgique, qui est évidemment partie à cette directive, avait toutefois souhaité pouvoir bénéficier, avec le Luxembourg et l’Autriche, d’un régime transitoire et de ne pas participer immédiatement à cet échange automatique d’informations de manière à maintenir encore pendant quelques années son secret bancaire. Pendant une période transitoire, ces trois pays ont donc pu s'abstenir d'échanger l'information sur les revenus de l'épargne couverts par la directive s'ils appliquaient un système de retenue à la source aux mêmes revenus.

Sous la pression de l’OCDE et du G20, la Belgique a toutefois anticipé sa participation à l’échange automatique d’informations auquel elle contribue depuis le 1er janvier 2010.


L’échange de renseignements au niveau international

Au printemps 2009, la Belgique a levé toutes ses réserves à l’égard d’échanges d’informations bancaires. En signant un certain nombre d’accords internationaux comportant des dispositions qui répondent entièrement à la norme de l'OCDE en matière d'échange d'informations bancaires, la Belgique a pu sortir de la « liste grise » publiée par l'OCDE. En mars 2009, la Belgique, mais aussi le Luxembourg, l’Autriche, et la Suisse ont, en effet, indiqué à l’OCDE qu’ils retiraient leurs réserves sur l’article 26.

L’article 26 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE établit une obligation d’échanger des renseignements qui sont pertinents pour l’application correcte d’une convention fiscale ainsi que pour l’application des législations fiscales nationales des États contractants. Il ressort de la nouvelle clause qu’un Etat cocontractant ne peut pas se retrancher derrière son « secret bancaire » pour refuser de fournir des informations bancaires. Les pays ne sont toutefois pas libres d’entreprendre des « pêches aux renseignements ».

Un grand nombre de CPDI ont déjà été modifiées en ce sens. Ainsi, des protocoles ont été signés avec le Luxembourg et avec Singapour (le 16 juillet 2009), avec Saint-Marin et les Seychelles (le 14 juillet 2009), le Danemark et la France (le 7 juillet 2009), l'Australie (le 24 juin 2009) et les Pays-Bas (le 23 juin 2009). Des protocoles ont encore été signés avec l’Autriche (le 10 septembre 2009), la Finlande (le 15 septembre 2009), l’Islande (le 15 septembre 2009), et la Norvège (le 10 septembre 2009), avec Bahreïn (le 23 novembre 2009), avec l’Espagne (le 2 décembre 2009), et avec Malte (le 19 janvier 2009). Cette année, ont été signés des protocoles avec le Japon (le 26 janvier 2010), l’Allemagne (le 21 janvier 2010) et la Corée du Sud (le 10 mars 2010). Tout récemment, des Protocoles ont encore été signé avec la Grèce (le 16 mars 2010) et la République Tchèque (le 18 mars 2010).

Des accords spécifiques en matière d'échange de renseignements fiscaux seulement, ont été signés avec Monaco (le 15 juillet 2009), Andorre (le 23 octobre 2009), le Liechtenstein (le 10 novembre 2009), Antigua et Barbuda, Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines, et les Bahamas (le 7 décembre 2009), Gibraltar (le 16 décembre 2009), Saint-Kitts-Et-Nevis (le 18 décembre 2009), Belize (le 29 décembre 2009), Montserrat (le 16 février 2010), et la Dominique (le 26 février 2010). Enfin, un accord spécifique a été conclu dernièrement avec Grenade (le 18 mars 2010).

Une nouvelle convention générale préventive de la double imposition avec l'Ile de Man prévoyant l'échange de renseignements bancaires a été signée le 16 juillet 2009. Une telle convention a également été signée avec la Chine le 7 octobre 2009, et avec la Malaisie le 18 décembre 2009. De même, la convention du 1er juin 1987 conclue avec le Royaume-Uni a été modifiée pour prévoir l’échange de renseignements bancaires (le 24 juin 2009). La Convention du 27 novembre 2006 entre la Belgique et les Etats-Unis (en vigueur depuis le 28 décembre 2007) prévoyait déjà l'échange de renseignements bancaires, mais uniquement sur demande.

Dix autres nouvelles conventions générales (Barbade, Botswana, Brunei, Colombie, Israël, Macédoine, Mexique, Panama, Russie et Uruguay) et 11 protocoles additionnels (Afrique du Sud, Arménie, Canada, Congo, Macao, Nouvelle-Zélande, Nigéria, Ouganda, Ouzbékistan, Qatar et Slovaquie), également conformes au standard de l'OCDE en matière d'échange de renseignements, ont été paraphés et devraient être signés prochainement. Enfin, de nombreux autres accords (conventions, protocoles additionnels ou accords spécifiques) sont actuellement en cours de négociations.


Que dois-je faire de mon compte bancaire en Suisse ?

Depuis toujours, dans la philosophie du secret bancaire suisse, le secret est levé en cas de fraude fiscale. Il n’en allait toutefois pas de même en cas de soustraction d’impôt, qui selon le droit suisse ne constitue pas un délit, mais une contravention, qui n’est pas de nature à justifier la levée du secret.
La plupart des conventions conclues par la Suisse ne se limitaient pas à sauvegarder le secret bancaire, mais comportaient une clause limitant l’échange de renseignements à ce qui était nécessaire pour l’application de la convention. Il n’était ainsi pas possible pour une administration fiscale étrangère d’obtenir des renseignements de l’administration suisse, pour appliquer la loi fiscale étrangère. C’est ainsi que jusqu’à aujourd’hui, l’administration fiscale belge n’est pas en mesure d’obtenir de la part de l’administration fiscale suisse des renseignements portant sur l’identité des propriétaires belges de biens et d’avoirs en Suisse.
Cependant, dans un Protocole d'entente (« Memorandum of understanding ») à l'accord bilatéral sur la fiscalité de l'épargne, la Suisse s'est engagée à convenir de clauses d'assistance administrative dans le cadre des conventions contre la double imposition passées avec des Etats membres de l'Union Européenne. Ces dispositions prévoient l'échange d'informations en cas de fraude fiscale ou d'infractions équivalentes. Des négociations en ce sens ont pu être menées à terme avec plusieurs Etats de l'Union.

La distinction, du moins pour les non-nationaux de Suisse, entre évasion fiscale et fraude fiscale n’est donc malheureusement plus qu’un souvenir…

Le Conseil fédéral de Suisse a décidé de reprendre la norme de l'article 26 du Modèle de convention de l'OCDE et de retirer la réserve relative à cette disposition. Il sera ainsi possible, au cas par cas et en réponse à des demandes concrètes et justifiées, de fournir à d'autres Etats des informations à des fins fiscales, indépendamment de l'existence d'un délit fiscal. Cette décision sera appliquée dans le cadre des conventions bilatérales contre la double imposition.
Les nouvelles conventions signées par la Suisse, outre le fait de déroger au secret bancaire, permettent donc désormais un échange de renseignements pour l’application de la loi étrangère !
On pense toutefois que la Suisse n’opérera pas de manière rétroactive, ni n’acceptera (mais sait-on jamais, au regard de la Directive-Epargne – voyez ci-après) un mécanisme automatique d’échange d’informations. Ce sera du « cas par cas », en réponse à des demandes concrètes et fondées des administrations fiscales étrangères, dans le respect des règles de procédure et du principe de subsidiarité, et uniquement pour les impôts visés par la convention conclue avec le pays dont l’autorité sollicite l’information.

L’Union européenne vise toutefois également à éviter la fuite des capitaux vers des pays tels que la
Suisse, Monaco et Jersey. Elle a dès lors conclu des accords avec plusieurs pays, qui appliquent
également les règles de la Directive sur l’épargne dont question ci-avant. La Suisse a opté pour le prélèvement pour l'État de résidence, comme d’autres : l’abandon progressif par plusieurs Etats (dont la Belgique) du régime de transition au profit de l’échange automatique de renseignements pourrait gagner un jour la Suisse.

Pour ce qui concerne les négociations avec la Belgique, les négociations sont en cours, mais aucune disposition n’a encore pu être adoptée, ni même paraphée.

Mis à part la question de savoir qui de la Suisse ou de la Belgique fait de la résistance, on peut se demander jusque quand il en sera ainsi…


Et de mon compte au Luxembourg ?

Concernant le Luxembourg, si l’avenant à la Convention existante a été signé le 16 juillet 2009 et organise désormais l’échange d’informations bancaires, les lois nationales d’assentiment n’ont toujours pas été adoptées, ni en Belgique ni au Luxembourg. Le nouvel Avenant à la Convention n’est donc pas encore en vigueur.

Ces lois seront probablement adoptées cette année encore. Il reste à voir si un effet rétroactif leur sera consacré. Quoi qu’il en soit, c’est maintenant ou jamais que le contribuable se doit de fermer ses éventuels comptes bancaires où reposeraient des sommes non déclarées…

La Convention préventive belgo-luxembourgeoise prévoit l'échange d'informations sur demande et dans des cas individuels entre les administrations fiscales des deux pays. L’accord n’a cependant pas pour objet un échange automatique d’informations bancaires et n’autorise pas les demandes générales – ou « fishing expeditions ».
Il ne faut cependant pas perdre de vue l’existence de la « Directive – Epargne » dont question au début de l’article : elle impose à l’autorité compétente de l’État membre de l’agent payeur de communiquer spontanément – au moins une fois par an, dans les six mois qui suivent la fin de l’exercice fiscal de l’État membre de l’agent payeur – à l’autorité compétente de l’État membre de résidence du bénéficiaire effectif, les informations qu’elle vise.
La Belgique a abandonné au 1er janvier 2010 son régime de transition lui permettant de s'abstenir d'échanger l'information sur les revenus de l’épargne couverts par la Directive, et n’appliquera plus le système de retenue à la source aux mêmes revenus (15 % pendant les trois premières années de la période de transition, 20 % pendant les trois années suivantes et de 35% par la suite).
A ce jour et à notre connaissance, le Luxembourg a choisi de maintenir son régime transitoire, mais pour combien de temps encore…


Conclusions : disparition progressive du secret bancaire

La disparition progressive du secret bancaire est une réalité dont doit désormais tenir compte toute personne qui dispose de fonds auprès d’établissements bancaires étrangers, suisses ou luxembourgeois par exemple, dont l’existence est inconnue de l’administration fiscale.

Il nous apparaît opportun à cet égard de rappeler à ces personnes que, depuis le 1er janvier 2006, la législation belge offre à cet égard la possibilité d’une régularisation rapide et anonyme par l’intermédiaire du point de contact-régularisation créé au sein du service des décisions anticipées.

Si vous souhaitez d’avantage d’informations ou être assistés dans le cadre de cette démarche, vous pouvez prendre contact avec les auteurs dont vous trouverez les coordonnées en suivant le lien suivant


Eric Boigelot et Aurélie Blaffart
Dal & Veldekens


15.04.2010


Source : DroitBelge.Net - Actualités - 3 mai 2010


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