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Le point sur le secret bancaire et la régularisation fiscale

Par François Collon

Lundi 26.10.09


Le 14 avril 2009, nous publiions sur ce site un article intitulé « Levée du secret bancaire : état des lieux ». A l’époque, la Belgique venait d’être inscrite sur la liste grise des paradis fiscaux dressée par l’OCDE à la demande du G20. Le ministre des Finances Didier Reynders annonçait alors que plusieurs mesures seraient prises afin que la Belgique quitte cette liste aussi vite que possible. Qu’en est-il six mois plus tard ? Quelles sont les mesures qui ont finalement été adoptées ? Quelles en sont les conséquences concrètes ? C’est à ces différentes questions que la présente contribution tâchera de répondre.


La liste grise de l’OCDE

Le 16 juillet 2009, l’OCDE a officiellement retiré la Belgique de la liste grise en matière de paradis fiscaux. A cette date en effet, le ministre des Finances signait trois nouveaux accords internationaux comportant des dispositions qui répondent entièrement à la norme de l’OCDE en matière d’échanges d’informations bancaires. Ces trois signatures permettaient à la Belgique de répondre à la norme de douze conventions contenant de telles dispositions souhaitée par le G20 au début du mois d’avril 2009.

Les conventions préventives de la double imposition signées antérieurement par la Belgique prévoyaient au titre de l’échange de renseignements que :

« Les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pour l’administration ou l’application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des États contractants, de leurs subdivisions politiques ou de leurs collectivités locales dans la mesure où l’imposition qu’elles prévoient n’est pas contraire à la Convention.»

Il existait toutefois une restriction importante à cet échange de renseignement en ce que celui-ci ne pouvait imposer « à un Etat contractant l’obligation de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celle de l’autre Etat contractant» ou « de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l’autre État contractant ».

Il était donc interdit à l’administration fiscale étrangère de demander des renseignements à une banque belge puisque l’administration fiscale belge ne pouvait le faire. Le secret bancaire était sauf dans un contexte international. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

En effet, les conventions revues récemment par la Belgique prévoient désormais que ces dispositions « ne peuvent en aucun cas être interprétées comme permettant à un Etat contractant de refuser de communiquer des renseignements demandés par l’autre Etat contractant parce que ceux-ci sont détenus par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu’agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d’une personne. En vue d’obtenir ces renseignements, l’administration fiscale de l’Etat contractant requis a le pouvoir de demander la communication de renseignements et de procéder à des investigations et à des auditions, nonobstant toute disposition contraire de sa législation fiscale interne.»

En d’autres termes, dans le cadre de l’application de ces conventions préventives de double imposition, l’administration fiscale belge ne pourra plus invoquer le secret bancaire pour empêcher de transmettre certaines informations à l’administration fiscale étrangère.

Cet ajout figure dans les conventions signées avec les Etats-Unis, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Australie, le Danemark, la France, Saint-Marin, les Seychelles, l’île de Man, Singapour, Monaco, le Luxembourg, la Norvège, l’Autriche, la Finlande, l’Islande et la Chine. Devraient être signés tout prochainement des accords avec la Russie, l’Allemagne, Barheïn, Malte, les Bahamas, Saint-Vincent et les Grenadines.


L’échange automatique de renseignements dans le cadre de la directive européenne relative à la fiscalité de l’épargne

Cette directive (commentée sur ce site dans un article publié le 20 juillet 2005 : http://www.droitbelge.be/news_detail.asp?id=258) vise à permettre que les revenus de l'épargne, sous forme de paiements d'intérêts effectués dans un Etat membre en faveur de « bénéficiaires effectifs », qui sont des personnes physiques ayant leur résidence dans un autre Etat membre, soient effectivement imposés conformément aux dispositions législatives de ce dernier Etat membre. Le moyen retenu pour permettre l'imposition effective des paiements d'intérêts dans l'Etat membre où le « bénéficiaire effectif » a sa résidence fiscale est l'échange automatique d'informations entre les Etats membres concernant ces « paiements d'intérêts.

Lors de son adoption, des dispositions transitoires avaient toutefois été prévues pour les pays qui souhaitaient maintenir encore pendant quelques années leur secret bancaire. Il s'agissait de la Belgique, du Luxembourg et de l'Autriche.

Pendant cette période transitoire, ces trois pays pouvaient s'abstenir d'échanger l'information sur les revenus de l'épargne couverts par la directive s'ils appliquaient un système de retenue à la source à ces revenus.

Le système de retenue à la source prévoyait que lorsque le « bénéficiaire effectif » des intérêts était résident d'un Etat membre autre que celui où était établi « l'agent payeur », les trois pays prélevaient une retenue à la source de 15 % jusqu’au 1er juillet 2008, de 20 % jusqu’au 1er juillet 2011 et de 35 % par la suite.

Le Ministre des finances avait annoncé durant au mois d’avril 2009 que la Belgique renoncerait au bénéfice de cette période transitoire et procéderait donc à l’échange automatique de renseignement à partir du 1er janvier 2010.

C’est bien le cas. Un arrêté royal du 27 septembre 2009 est en effet venu abroger à partir du 1er janvier 2010 l’ensemble des mesures prises dans le cadre de la période transitoire. Lorsque des intérêts seront perçus en Belgique par des résidents d’autres Etats membres, la Belgique communiquera donc à l’Etat de résidence de ces personnes les informations suivantes : nom, prénom, date et lieu de naissance, adresse complète, numéro(s) de compte et montant des intérêts perçus. C’est dans cette optique notamment que l’administration fiscale belge s’est récemment dotée d’un logiciel informatique (« BOW International ») qui lui permet de procéder à des échanges massifs et automatisés de renseignements avec les administrations fiscales étrangères.


La régularisation fiscale

La levée progressive du secret bancaire dans un contexte international semble avoir pour effet de redonner quelque vigueur à la procédure de régularisation fiscale introduite dans notre législation par la loi-programme du 27 décembre 2005 et amplement commentée sur ce site : http://www.droitbelge.be/news_detail.asp?id=326. Les régularisations semblent en effet se multiplier ces dernières semaines.

Les candidats à la régularisation auront toutefois eu quelque inquiétude à la lecture des propos d’un fonctionnaire de l’Inspection spéciale des impôts accusant l’Etat de blanchiment massif d’argent noir à des tarifs bradés, de 3 à 5 % du capital. Y a-t-il lieu de craindre quoi que ce soit à cet égard ? Qu’en est-il ?

La polémique résulte en fait d’une confusion ancienne, qui date déjà de la précédente et fameuse déclaration libératoire unique.

Le mécanisme de régularisation actuellement en vigueur est extrêmement simple. Si vous régularisez des revenus autres que professionnels, une majoration de 10 % s’applique au taux de l’impôt dû. Le taux d’imposition sur les intérêts s’élève dont à 25 % au lieu de 15 % et celui sur les dividendes à 35 % au lieu de 25 %. Les revenus professionnels et la TVA sont régularisables aux taux qui auraient été appliqués si le contribuable les avait scrupuleusement déclarés, donc sans majoration.

Ainsi, un contribuable qui dispose d’une épargne d’un million d’euros en Suisse dont il n’a jamais déclaré les revenus d’intérêt en Belgique pourra effectivement la régulariser à moindre coût. Il ne devra en effet payer que le taux d’imposition majoré à 25 % sur les intérêts perçus ces cinq dernères années (délai de prescription applicable en matière d’impôts directs en cas de fraude). Si l’on tient compte d’un pourcentage d’intérêt annuel de 3 %, l’impôt éludé sur ces trois dernières années s’élèverait à 22.500 EUR (1.000.000 x 3 % x 5 x 15 %). S’il procède à une régularisation fiscale de ces revenus, il paiera toutefois, avec la majoration, la somme totale de 37.500 EUR (1.000.000 x 3 % x 5 x 25 %), soit effectivement 3,75 % à peine du capital. Il ne faut y voir aucune malice puisqu’il aurait été imposé moins lourdement s’il avait déclaré spontanément ces revenus en Belgique. Le tarif n’est donc aucunement bradé comme certains semblent le penser.

Comme nous l’avons déjà mentionné, le même type de polémique était né au moment de la déclaration libératoire unique. On s’interrogeait alors sur la question de savoir si les taux de 6 et 9 % devaient s’appliquer sur le capital ou sur les revenus régularisés. Très logiquement, la doctrine a toujours considéré que ces taux s’appliquaient sur le capital lorsqu’un impôt sur le capital avait été éludé (droit de successions par exemple) et sur les revenus dans les autres cas (revenus mobiliers par exemple). A cet égard, la déclaration libératoire unique et ses taux très faibles étaient donc bien plus favorables que le système actuellement en vigueur.

Quoiqu’il en soit, on n’est régularisé que pour ce qu’on a déclaré dans le cadre de la déclaration-régularisation. Si des revenus ont été omis dans celle-ci, l’administration fiscale est toujours en droit de redresser la situation fiscale du contribuable.




François Collon
Avocat au barreau de Bruxelles
Chargé de cours à l’Ephec




Source : DroitBelge.Net - actualités - 26 octobre 2009


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